Don

Don manuel (Droit). La loi exige bien certaines formalités pour les actes portant donation : mais elle ne défend pas de faire des dons sans acte. Il est donc permis de donner de la main à la main de l’argent ou des objets mobiliers, indépendamment des cadeaux ou présents d’amitié, de convenance, d’usage, qu’on ne peut considérer comme des donations dans le sens de la loi. Le don manuel s’accomplit par la simple remise de l’objet donné, quand il s’agit d’argent, quelque considérable que soit d’ailleurs la somme, d’actions, de billets de banque ou autres effets au porteur, ou d’effets mobiliers. Mais il faudrait faire une distinction si on voulait donner un titre de créance ; en le remettant au débiteur lui-même, on lui donne la créance valablement, puisque la remise du titre opère libération : elle produit donc l’effet d’une donation. Mais pour donner à un tiers une créance que l’on a sur une autre personne, il ne suffit pas de lui remettre le titre, il faut ou lui faire un acte de cession ou transport de la créance, ou une donation en forme. Des billets à ordre ne seraient pas valablement donnés par la simple remise de la main à la main ; ils doivent être passés par un endossement à celui que l’on veut gratifier de cette valeur ; pour plus de sûreté, il faut mettre un endossement régulier : car il n’est pas certain que la propriété d’un effet à ordre soit valablement transférée par un endossement laissant en blanc le nom de la personne au profit de laquelle il serait fait. On ne donnerait pas non plus des rentes nominatives sur l’État en en remettant simplement le titre d’inscription ; il faudrait qu’un transfert eût été fait au nom du donataire. Un auteur peut donner de la main à la main le manuscrit d’un ouvrage, et le donataire peut jouir des droits de la propriété littéraire, pourvu qu’il soit prouvé que l’auteur lui a remis le manuscrit pour lui en faire don, et non pour qu’il le garde en dépôt, ou qu’il se charge de le faire imprimer dans l’intérêt de l’auteur.

On peut faire un don manuel par un intermédiaire, c.-à-d. charger une personne de remettre à une autre une somme, des valeurs ou des objets mobiliers. Le don a besoin alors pour dessaisir la personne qui veut l’effectuer, de l’acceptation du donataire, acceptation qui n’est soumise à aucune formalité particulière, mais qui, pour lier le donateur ou ses héritiers, doit intervenir avant la mort du donateur ; toutefois, il y aurait lieu de ne pas exiger l’accomplissement de cette dernière condition, s’il y avait eu impossibilité ; ainsi des dons consistant en argent, valeurs, objets mobiliers, qu’un moribond n’ayant plus la force de dicter un testament, remettrait au notaire pour les transmettre à des amis, à des bienfaiteurs, à des parents, à des serviteurs, ne seraient pas moins valables bien que, le donateur étant mort aussitôt après, ils n’auraient pas pu être acceptés à temps. Hors de ces cas d’urgence, le don manuel ne peut être exécuté au préjudice des héritiers, si le mandataire ne l’a pas remis au donataire avant la mort du donateur. Il en serait autrement d’une quittance ou d’un titre de créance ; la remise qui en serait faite au débiteur après la mort du donateur, par un tiers mandataire, éteindrait la dette et produirait tout l’effet d’une libéralité, la loi n’ayant prescrit aucune forme, aucune acceptation pour la remise d’une lettre. — Le don manuel fait par l’intermédiaire d’un tiers ne peut être exécuté qu’autant que la volonté de donner est bien certaine, et que le donataire est désigné d’une manière non équivoque.

Si une personne réclame une somme ou un objet qu’elle prétend lui avoir été donné, et qu’on lui oppose qu’il ne lui a été remis qu’à titre de prêt, de dépôt, de location, les tribunaux apprécient d’après les circonstances. Les tribunaux feraient également cette appréciation si une personne, en possession d’une somme ou d’un objet mobilier, était actionnée comme ayant volé au lieu d’avoir reçu à titre de don. Il peut arriver aussi que les dons manuels soient niés ; on le prouve d’après les règles ordinaires du droit, c.-à-d. que si le don excède 150 fr. la preuve par témoins n’est pas admissible, à moins qu’il n’existe un commencement de preuve par écrit. Si un héritier qui a reçu des dons manuels les nie et refuse d’en faire le rapport à la succession, les autres héritiers, s’ils n’ont pu se procurer une preuve écrite ni un commencement de preuve de ce fait, ne doivent pas pour cela être victimes de la fraude : aussi peuvent-ils prouver le don manuel par toute espèce de preuves.

Les dons manuels ne diffèrent des actes de donation que par la forme ; au fond, le caractère essentiel des libéralités est le même. De là, plusieurs conséquences pratiques : les dons manuels doivent être rapportés dans les successions ; s’ils excèdent la quotité disponible, ils sont réductibles. Ils ne peuvent être faits à une personne incapable de recevoir, ni à une personne interposée pour faire passer le don à un incapable. Ils sont révocables pour survenance d’enfant, pour ingratitude, pour inexécution des conditions. En général ils sont, comme les donations écrites, irrévocables ; il s’ensuit qu’après qu’ils ont été consommés par la remise de la main à la main, acceptée du donataire, ils ne peuvent être annulés par cela seul qu’ils seraient reconnus postérieurement par un acte nul comme ne contenant pas les formes des donations ; mais le don manuel serait nul si la remise de l’objet était postérieure au titre nul.

Les dons manuels s’effectuant sans écrit, ne peuvent être soumis à aucun droit d’enregistrement. Si, plus tard, une des parties, en l’absence de l’autre, déclare un don manuel, l’acte n’est passible que d’un droit fixe de 2 fr., plus le décime ; si les deux parties reconnaissent et confirment le don mutuel, il y a lieu de payer le droit proportionnel exigible pour les donations.

Don mutuel. Deux personnes peuvent se faire des dons mutuels pourvu que ce soit par un acte de donation entre-vifs ; les testaments mutuels ne sont pas permis. La donation mutuelle est soumise, comme la donation pure et simple, à la révocation pour cause de survenance d’enfant à l’un des donateurs ; les deux libéralités tombent à la fois parce que l’une est censée la condition de l’autre. Il n’en est pas de même si la révocation est encourue pour cause d’ingratitude ; dans ce cas, il n’y a de révoqué que celui des dons mutuels qui a été fait à l’ingrat et dont celui-ci s’est rendu indigne ; l’autre donation continue de subsister et doit recevoir son effet.

Deux époux peuvent se faire des donations mutuelles par leur contrat de mariage ; mais durant le mariage il leur est interdit de se faire, ni par acte entre-vifs, ni par testament, aucune donation mutuelle et réciproque par un seul et même acte. S’ils veulent s’avantager mutuellement, il faut qu’ils le fassent chacun par un acte séparé qu’ils sont toujours maîtres de révoquer (C. Nap., art. 960, 1091, 1096, 1097).

Don rémunératoire. On peut récompenser par des libéralités les services qu’on a reçus. De simples cadeaux d’usage, des souvenirs de peu d’importance ne soulèvent aucune difficulté. On peut même donner, de la main à la main, et sans acte écrit, des sommes d’argent ou des objets mobiliers (Voy. Don manuel). Si l’on veut récompenser, au moyen d’un acte rédigé par écrit, la fidélité d’un domestique, la bonne gestion d’un administrateur, ou d’autres services, on peut le faire par une donation entre-vifs notariée, par un testament ; la disposition doit alors présenter l’accomplissement des formalités prescrites pour la validité de l’acte qu’on a choisi. Lorsque la rémunération se trouve dans un acte sous seing privé, p. ex. dans une constitution de rente viagère, elle ne peut être attaquée, par cela seul qu’elle ne serait pas en forme authentique, si elle ne forme pas une libéralité toute spontanée, mais si elle doit être considérée comme l’acquittement d’une dette, comme le payement de services appréciables à prix d’argent. Si le don excédait la valeur des services rendus, il serait, pour cet excédent, considéré comme une libéralité, et, à ce titre, soumis à la réduction et à la révocation. Voy. Donation, Révocation des donations.

Dons et Legs. Voy. Legs.

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