Donation

(Droit). On peut donner non seulement d’une manière pure et simple, sans restriction, mais aussi en imposant des charges ou des conditions. Si les charges imposées au donataire surpassaient ou égalaient l’avantage, il n’y aurait plus de libéralité. On ferait un acte d’une autre nature et soumis à d’autres formes que la donation. On n’est pas non plus considéré comme un donateur quand on fait des dispositions pour acquitter une dette, même simplement morale ; ce sont les tribunaux qui sont chargés d’examiner, d’après les circonstances, si un acte constitue une libéralité, et d’apprécier les services rendus, les devoirs de situation ou de famille qui peuvent le faire considérer comme l’accomplissement d’une obligation.

Celui qui fait une donation se dépouille immédiatement et irrévocablement de la chose donnée ; il ne peut plus la reprendre dès que le donataire a accepté (Voy. Acceptation de donation) ; la remise effective n’est pas nécessaire pour opérer ce dessaisissement (C. Nap., art. 894, 938). Puisqu’on se dépouille actuellement de ce qu’on donne, il s’ensuit qu’on ne peut donner, sous la forme de donation entre-vifs, que les biens qu’on a ; la donation serait nulle si elle contenait des biens à venir (art. 943) ; ainsi le donateur ne serait pas lié par le don d’une succession non encore ouverte ; mais ne serait pas considérée comme donation de biens à venir, et devrait être déclarée exécutoire, une donation des bénéfices que le donateur tirera de telle société où il est engagé, de la récolte en vin que produira telle vigne l’année prochaine, de telle somme payable après son décès, mais à prendre sur ses biens présents.

Le donateur devant se dessaisir immédiatement, sa disposition serait nulle s’il la subordonnait à des conditions dont l’exécution dépendrait de sa seule volonté (art. 944). Du reste, il peut faire sa donation sous toute condition, ou qui en suspende l’exécution, ou qui la résolve dans le cas de tel événement prévu, pourvu que cette condition ne dépende pas exclusivement de sa volonté ; il peut donc donner sous la condition que le donataire lui survivra ; que le donateur n’aura plus d’enfant lors de son décès ; que le donataire, à cette époque, aura un enfant vivant ; dans tous ces cas, le donateur est lié irrévocablement, et, si la condition s’accomplit, il n’est pas libre de se dédire. La condition : si je me marie, annulerait la donation, puisque son accomplissement ne dépendrait que de la volonté du disposant ; il n’en serait pas de même de la condition : si je me marie avec telle personne ; car elle exige le concours d’une volonté autre que celle du disposant.

De la défense de donner entre-vifs autre chose que des biens présents, il suit que la donation est nulle, si elle a été faite sous la condition d’acquitter d’autres dettes ou charges que celles qui existaient à l’époque de la donation ou qui seraient exprimées soit dans l’acte de donation, soit dans un état y annexé (art. 945). Ainsi le donateur peut imposer au donataire l’obligation de payer ses dettes, ce qui s’entendrait seulement des dettes existantes ; ou bien il peut ne soumettre le donataire qu’au payement de certaines dettes, aussi existantes, et qu’il doit déterminer dans la donation ou dans l’état. Il ne faut pas qu’il puisse augmenter dans l’avenir les charges. Il pourrait cependant imposer l’obligation de payer ses frais funéraires.

Comme le donateur doit se dessaisir irrévocablement de ce qu’il donne, la réserve de disposer d’un immeuble, ou d’un meuble, ou d’un meuble, ou d’une somme fixe sur les biens donnés, annulerait la donation de l’objet ou de la somme réservés, de telle sorte que si le donateur mourait sans en avoir disposé, ils ne passeraient pas au donataire, mais retourneraient aux héritiers du donateur (art. 946). — Il est permis de ne donner que la nue propriété d’un immeuble ou d’un meuble, en s’en réservant pour soi-même ou en conférant à un autre la jouissance ou l’usufruit (art. 949).

Les actes portant donation entre-vifs doivent être passés devant notaires ; et quand la donation consiste en effets mobiliers, il faut qu’un état estimatif, signé des deux parties, y soit annexé (art. 931, 938). On pourrait demander la nullité d’une donation qui ne remplirait pas toutes les conditions de forme des actes notariés ; la donation ne pourrait valoir que si elle était refaite dans la forme légale ; aucun acte par lequel le donateur voudrait en réparer les vices ne pourrait la faire maintenir ; mais, après sa mort, ses héritiers ou autres représentants ne seraient plus admis à opposer ces vices de forme s’ils avaient confirmé, ratifié ou exécuté volontairement l’acte. Il est bien entendu que les formes de l’acte notarié ne sont nécessaires que pour les véritables libéralités, et qu’on peut très valablement, par un acte sous seing privé, récompenser des services rendus ou faire une disposition qui soit l’acquittement d’une dette.

Les donations d’immeubles sont sujettes à la formalité de la transcription aux bureaux des hypothèques.

Si un donateur entend que le donataire paye tout ou partie des dettes, il faut qu’il s’en exprime clairement ; son silence, dans le cas où il donnerait une quote-part de ses biens, laisserait des doutes très graves sur les obligations du donataire quant aux dettes. S’il s’agissait d’un objet particulier, le donataire ne supporterait point les dettes, à moins qu’il n’y eût une hypothèque inscrite : alors l’immeuble donné pourrait être saisi et vendu pour le payement du créancier.

Sur les exceptions à l’irrévocabilité des donations. Voy. Révocation des donations.

Donation à cause de mort

Cette manière de disposer, fort usitée autrefois, tenait de la donation, par sa forme de contrat, et du testament en ce qu’elle était faite en vue de la mort, et pouvait être révoquée jusqu’au décès du donateur. Il n’est plus permis de disposer ainsi : on ne peut aujourd’hui transmettre ses biens à titre gratuit qu’en employant ou une donation entre-vifs ou un testament ; il n’y a d’exception que pour les donations en faveur de mariage. Voy. ci-après Donations par contrat de mariage.

Donation déguisée

Lorsqu’on cache une libéralité sous l’apparence d’un acte onéreux. p. ex., sous la forme d’une vente, dans le but de gratifier une personne que la loi déclare incapable de recevoir, cet acte est nul comme ne contenant qu’un moyen de chercher à frauder la loi (C. Nap., art. 911). Mais entre deux personnes, dont l’une est capable de donner et l’autre de recevoir, on pense, en général, que la simulation d’une vente ou autre contrat onéreux n’est pas une cause de nullité. — Bien que maintenue dans sa forme, la donation déguisée n’étant, quant à la substance de ses dispositions, qu’une véritable libéralité, elle n’échapperait ni à la révocation pour cause de survenance d’enfant (Voy. Révocation des donations), ni à la réduction si elle excédait la portion de biens dont on peut disposer (Voy. Portion disponible). Est-elle sujette au rapport vis-à-vis des cohéritiers ? Voy. Rapport à succession.

Donations par contrat de mariage

1° Donations entre époux. Les donations en vue du mariage projeté jouissent de la plus grande faveur : les futurs mariés peuvent se faire telles libéralités qu’ils jugeront à propos, dans les limites posées par la loi (Voy. Portion disponible). Ces donations ne sont point révocables pour cause de survenance d’enfant. Elles ne peuvent être attaquées ni déclarées nulles sous prétexte du défaut d’acceptation ; du reste, elles sont caduques dans le cas où le mariage n’aurait pas lieu. Les mineurs eux-mêmes au-dessous de 16 ans peuvent donner par contrat de mariage, soit par donation simple ou réciproque tout ce que la loi permet à l’époux majeur de donner à l’autre conjoint, pourvu que ce soit avec le consentement et l’assistance de ceux dont le consentement est requis pour la validité de leur mariage. Une donation de biens présents n’est pas censée faite sous la condition de survie du donataire ; il faut que cette condition soit expressément stipulée ; de là il résulte qu’en cas de prédécès du donataire, les biens passeront à ses enfants ou à ses héritiers collatéraux. Si la donation a été faite sous condition, le donateur conserve la propriété des biens, il n’a pas besoin de se réserver l’usufruit, et c’est à ceux qui prétendront que la condition s’est réalisée à prouver qu’effectivement le donateur a survécu au donataire. Si la donation a été faite sous condition résolutoire, le donataire devient sur-le-champ propriétaire et le donateur doit se réserver expressément l’usufruit s’il entend conserver la jouissance des biens. Ce sera à ceux qui prétendent que la donation a été résolue, à le prouver.

2° Donations faites par des tiers. — Elles doivent être faites par acte notarié, être transcrites au bureau des hypothèques, et contenir l’état estimatif des effets mobiliers qui en forment l’objet. Il est inutile qu’elles soient acceptées en termes exprès : toutes donations faites aux époux par leur contrat de mariage sont, lors de l’ouverture de la succession du donateur, réductibles à la portion dont la loi permet de disposer, mais elles ne sont pas révocables pour cause d’ingratitude. Elles sont caduques si le mariage ne s’ensuit pas. — Toute donation entre-vifs de biens présents, quoique faite par contrat de mariage aux époux ou à l’un d’eux, est soumise aux règles générales prescrites pour les donations faites à ce titre : elle ne peut avoir lieu au profit des enfants à naître, si ce n’est en faveur des petits-enfants du donateur ou testateur, ou des enfants de ses frères et sœurs : elles sont réductibles, révocables, etc., dans les cas déterminés par la loi et soumises aux dispositions relatives à leur validité. La donation de biens présents et à venir n’est valable que dans les contrats de mariage, pourvu qu’il soit annexé à l’acte un état des dettes et charges du donateur existantes au jour de la donation : auquel cas, il sera libre au donataire, lors du décès du donateur, de s’en tenir aux biens présents en renonçant au surplus des biens du donateur. Le donataire a le choix d’accepter la donation pour le tout, ou de s’en tenir aux biens présents, en payant les dettes existantes. D’où il suit que le donateur ne peut pendant l’intervalle conférer que des droits conditionnels ; car le donataire a entre les mains le pouvoir d’anéantir ou de confirmer, à son gré, les droits des tiers en transformant la disposition en donation entre-vifs ou en institution contractuelle. Si l’état des dettes n’est pas annexé à l’acte contenant donation des biens présents et à venir, le donataire sera obligé d’accepter ou de répudier pour le tout. En cas d’acceptation, il ne pourra réclamer que les biens qui se trouveront existants au jour du décès du donateur, et il sera soumis au payement de toutes les dettes et charges de la succession. La nullité pour vice de forme d’une donation de biens présents et à venir, faite par contrat de mariage, peut être couverte par l’exécution volontaire de la part du donateur. — Le donateur peut joindre à la donation l’obligation de payer ses dettes ou des conditions dont l’exécution dépend de sa volonté : il peut p. ex. se réserver la liberté de disposer d’une partie des biens donnés ; dans ce cas, s’il meurt sans en avoir disposé, l’effet ou la somme sur lesquels il s’était réservé ce droit sont censés compris dans la donation, et appartiennent au donataire ou à ses héritiers, c.-à-d. aux enfants à naître du mariage. Pour bien apprécier la portée des réserves faites dans les donations, il faut consulter les termes de l’acte et l’intention présumée du disposant. Ainsi, il faut bien distinguer si au lieu de se réserver la faculté de disposer d’un effet compris dans la donation, le donateur s’était réservé cet effet ; dans ce dernier cas, l’effet ne serait pas compris dans la donation (C. Nap., art. 1081-92).

Donations entre époux pendant le mariage

Les époux, pendant le mariage, peuvent se faire mutuellement, ou l’un des deux à l’autre, des donations. Ces libéralités peuvent être plus ou moins étendues suivant qu’il n’y a pas ou qu’il y a des enfants de leur mariage, ou que l’un des époux s’est remarié ayant des enfants d’un précédent mariage (Voy. Portion disponible). Ces limites ne peuvent être dépassées par des donations indirectes (C. Nap., art. 1094-99). — Un époux qui a moins de 16 ans, ne peut rien donner à son époux ; au-dessus de 16 ans, il ne peut disposer en sa faveur que par testament et seulement jusqu’à concurrence de la moitié de ce qu’il pourrait donner s’il était majeur (art. 903, 904). Les donations que les époux peuvent se faire pendant leur mariage sont valables et doivent être maintenues, alors même que, dans leur contrat de mariage, ils ont renoncé à se faire d’autres avantages que ceux renfermés dans ce contrat, ou qu’ils se sont interdit réciproquement de disposer de certains de leurs biens ; ces clauses sont considérées comme contraires à la liberté naturelle de disposer, et au bien-être des mariages ainsi qu’à la bonne intelligence des époux, que des libéralités mutuelles peuvent favoriser. Un même acte ne peut contenir qu’une donation par l’un des époux à l’autre ; s’ils veulent s’avantager mutuellement ou réciproquement, ils doivent le faire dans deux actes séparés, soit de donations entre-vifs, soit de testaments (art. 1097). — Les donations, même entre-vifs, faites entre époux pendant le mariage, sont toujours révocables ; la femme peut révoquer celle qu’elle a faite à son mari, sans l’autorisation de celui-ci ou de la justice. Elles ne sont point révoquées pour cause de survenance d’enfants (art. 1096). Quoique révocable, la donation de biens présents faite par un époux à l’autre, n’en a pas moins le caractère de la disposition entre-vifs, en ce sens que le donataire est saisi immédiatement des choses données dès qu’il a accepté la donation, et qu’il n’est jamais soumis, comme un légataire, à en demander la délivrance. Mais une telle donation tombe si le donataire meurt avant l’époux donateur, puisque celui-ci ne peut plus exercer son droit de révocation, qui devait durer jusqu’à son propre décès. Les époux peuvent se donner l’un à l’autre des biens à venir, c.-à-d. tout ou partie des biens qu’ils laisseront au moment de leur mort. Quand les époux prennent, pour se faire des libéralités, la forme d’un acte entre-vifs, ils doivent accomplir les formalités des donations. Il faut aussi qu’il y ait une acceptation expresse, soit dans la donation même, soit dans un acte séparé (Voy. Acceptation de donation). Pour les donations de biens présents, il faudrait, comme pour celles qui se font entre personnes étrangères, dresser un état estimatif du mobilier (Voy. Donation). — La révocation que la loi autorise n’est soumise à aucune forme particulière ; l’époux donateur peut l’opérer par toute espèce d’acte régulier, pourvu qu’il exprime bien clairement la volonté de révoquer la donation antérieure. Le donateur manifesterait aussi suffisamment sa volonté de révoquer, s’il faisait un acte contraire à la donation ou incompatible avec ses dispositions, p. ex., si le donateur vendait à un tiers l’objet même qu’il avait précédemment donné à son époux.

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