Dommage

(Droit). On a le droit de demander la réparation de tout dommage qu’on a éprouvé par le fait d’autrui. Si le préjudice vient d’un crime, délit ou contravention, on peut, ou se porter partie civile dans les poursuites criminelles intentées par le ministère public, et demander des dommages-intérêts au même juge qui prononce sur la peine, ou agir devant les tribunaux civils simplement pour la réparation pécuniaire du tort qu’on a éprouvé. Si on prend ce dernier parti, on doit s’adresser au juge de paix jusqu’à concurrence de la somme de 200 fr. qui serait demandée ; au delà, il faudrait citer devant le tribunal de 1re instance ; c’est le juge de paix ou le tribunal du domicile de la personne poursuivie qu’il faudrait saisir de l’action. — Dans certains cas, le juge de paix a une compétence spéciale pour les dommages causés ; il punit d’une amende de 11 à 15 fr. ceux qui ont causé volontairement des dommages aux propriétés mobilières d’autrui ; la personne lésée peut alors, sans avoir besoin de se porter partie civile, citer directement le prévenu devant le tribunal de police, qui peut statuer sur le dédommagement demandé, même lorsqu’il est plus élevé que le taux de la compétence en matière civile sur le dommage causé aux champs, fruits et récoltes. Voy. Dégradation.

Le dommage causé donne lieu à une réparation exigible devant les tribunaux, non seulement de la part de celui qui en est personnellement auteur, mais de la part de ceux qui répondent civilement pour lui, comme les père et mère pour les enfants mineurs, les maîtres pour leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ; les instituteurs et artisans pour leurs élèves et apprentis pendant qu’ils sont sous leur surveillance. Si le dommage a été causé par un animal, on peut en demander la réparation au propriétaire de cet animal ou à celui qui s’en servait. Enfin si le dommage a eu pour cause la ruine d’un édifice arrivée par suite du défaut d’entretien ou d’un vice de construction, on peut agir contre le propriétaire (C. Nap., art. 1382-86). Les actes par lesquels on fixe le montant d’un dédommagement sont passibles du droit de 1 p. 100 comme obligation de somme (L. du 22 frim. an VII).

Dommages-intérêts (Droit)

Ils sont dus même par celui qui, sans avoir passé aucun contrat, a causé à un autre, par son fait, un préjudice qu’il est tenu de réparer (Voy. Responsabilité) ; nous ne parlerons ici que des dommages-intérêts dus à la suite d’une convention.

Celui qui n’exécute pas un engagement qu’il a pris doit des dommages-intérêts à la partie envers laquelle il s’était obligé (C. Nap., art. 1147). S’il s’agit de donner une chose, on peut bien trouver des moyens de forcer une personne à livrer un objet ; mais il est impossible de contraindre un individu à faire un ouvrage qu’il a promis d’exécuter, ou de l’empêcher, d’une manière absolue, de faire une chose qu’il s’était engagé à ne pas faire ; dans de pareils cas, on n’a d’autre ressource contre celui qui a manqué à sa parole que de le faire condamner à des dommages-intérêts (art. 1142). Pour que l’exécution d’un engagement puisse donner lieu à des dommages-intérêts, il faut qu’il soit valable : qu’ainsi sa cause n’ait rien de contraire aux bonnes mœurs ni aux lois ; p. ex. il ne pourrait être demandé de dommages-intérêts pour le fait seul d’avoir refusé d’exécuter une promesse de mariage, ou d’avoir contracté une autre union, au mépris d’une promesse de ce genre (Voy. Promesse de mariage). — Il n’est pas nécessaire, pour qu’un débiteur devienne passible de dommages-intérêts, qu’il y ait mauvaise volonté ou fraude de sa part ; il suffit qu’il n’exécute pas, ou qu’il soit en retard d’exécuter son engagement ; il ne peut se soustraire au payement des dommages-intérêts qu’en justifiant que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée (art. 1147). Les tribunaux apprécient l’excuse proposée par le débiteur, et décident. Il n’y a jamais lieu à condamnation lorsque c’est par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit que le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit (art. 1148) ; ainsi celui qui a loué sa maison ne doit point de dommages-intérêts au locataire si la maison vient à être expropriée pour cause d’utilité publique, si le feu du ciel la consume, si une inondation ou un autre accident la rend inhabitable. Il y a des circonstances où même le cas fortuit ne peut dispenser des dommages-intérêts ; p. ex. si le débiteur s’est chargé de répondre des cas fortuits, si le cas fortuit a été précédé d’une faute de sa part, comme un incendie qui aurait été causé par son imprudence. Le cas fortuit doit être prouvé par celui qui l’allègue pour s’excuser de n’avoir pas rempli ses engagements.

Le débiteur ne doit les dommages-intérêts que lorsqu’il est mis en demeure de remplir son obligation, à moins que la chose qu’il s’était obligé de donner ou de faire ne pût être donnée ou faite que dans un certain temps qu’il a laissé passer (art. 1146) ; comme exemple de cette exception, on pourrait citer les commandes que des entrepreneurs feraient pour la célébration d’une fête à jour fixe ; le défaut de livraison ce jour-là obligerait à des dommages-intérêts sans que l’entrepreneur ait été obligé de mettre les ouvriers ou fournisseurs en demeure. Lorsque, d’après la règle générale, la mise en demeure doit avoir lieu, elle résulte, pour les obligations de donner ou de faire une chose : 1° de la convention passée entre les parties si elle porte que, sans qu’il soit besoin d’acte, et par la seule échéance du terme stipulé, le débiteur sera en demeure ; 2° de la loi, lorsque, p. ex., elle fixe à certains actes pour lesquels on a traité un délai péremptoire, ou qu’elle ordonne que certaines obligations soient remplies dans certaines limites de temps ; ainsi l’emprunteur qui a gardé la chose prêtée plus longtemps qu’il n’a été convenu, doit des dommages-intérêts par le fait seul de la perte de la chose, survenue ensuite, même par cas fortuit (art. 1881) ; 3° d’une sommation, ou d’un autre acte écrit équivalent (art. 1139), tel qu’une citation en conciliation avec sommation de payer, une assignation en justice, etc. La mise en demeure, pour faire encourir les dommages-intérêts, doit être faite par ou à une personne capable ; ainsi le débiteur d’un mineur non émancipé ne serait pas mis en demeure par le mineur lui-même auquel la loi lui défend de payer : il devrait l’être par le tuteur. Il faut ici qu’il n’y ait pas d’empêchement légal, tel qu’une saisie pratiquée entre les mains du débiteur.

Quand il s’agit de la dette d’une somme d’argent, l’inexécution n’oblige le débiteur qu’aux intérêts pour tous dommages-intérêts (art. 1153 ; Voy. Intérêts). Pour les autres obligations, le montant des dommages-intérêts peut être fixé par les parties elles-mêmes : cela se fait au moyen d’une clause qui porte que celui qui manquera d’exécuter la convention payera une somme déterminée, à titre de dommages-intérêts ; alors il ne peut être alloué une somme plus forte ni moindre (art. 1152). Lorsqu’une telle stipulation a eu lieu, le créancier n’est pas en droit de demander indifféremment ou la somme promise ou l’exécution du contrat ; le débiteur n’est tenu de payer cette somme qu’après qu’il a été mis en demeure : il en résulte que si, avant la mise en demeure, la chose qu’il devait périt par cas fortuit, il ne doit plus rien.

Si les contractants n’ont pas fixé d’avance l’indemnité que devra celui qui ne remplirait pas son engagement, ce sont les tribunaux qui en font l’évaluation. En général les dommages-intérêts doivent être d’une somme qui indemnise le créancier de la perte qu’il a faite et du gain qu’il a manqué de faire (art. 1149). C’est celui qui les demande qui doit prouver la perte et l’omission de gain ; s’il n’était pas prouvé qu’il fût résulté pour lui un préjudice de l’inexécution du contrat, il ne devrait rien lui être alloué. Il ne faut pas entendre par le bénéfice perdu et dont le créancier aurait droit de se faire indemniser tout celui qu’il comptait retirer de la chose d’après l’usage auquel il la destinait, mais celui qu’elle produit actuellement et qu’elle aurait produit en sa faveur si elle lui avait été livrée. Ceci est l’objet d’une appréciation très variable suivant les circonstances ; il est plus facile d’obtenir la réparation de la perte éprouvée que le dédommagement du gain non réalisé.

Ces deux éléments des dommages-intérêts diffèrent selon que le débiteur est de bonne ou de mauvaise foi, et que les dommages ont été ou pu être prévus. Si le débiteur qui n’exécute pas son obligation est de bonne foi, il ne doit que les dommages-intérêts prévus ou qui pourraient l’être lors du contrat ; s’il est de mauvaise foi, il doit même les dommages imprévus ; mais, dans aucun cas, les dommages ne peuvent comprendre que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention (art. 1150-51). Ce sont les juges qui décident si le débiteur a été de bonne ou de mauvaise foi, si le dommage dont on demande réparation pouvait être prévu lors du contrat, enfin s’il résulte forcément et directement de l’inexécution du contrat. Ainsi dans la vente d’un cheval atteint de la morve, si le vendeur ignorait ce vice, il doit seulement rembourser le prix qu’il a reçu, et les frais occasionnés par la vente ; s’il savait que le cheval vendu était atteint de la maladie, il doit de plus des dommages-intérêts ; à ce titre, il serait tenu de payer le prix des chevaux placés auprès du cheval malade et auquel il aurait communiqué la maladie qui les aurait fait périr, ce dommage étant de nature à être prévu lors du contrat, et résultant directement de l’inexécution d’une des obligations du vendeur, celle de livrer un cheval sain. Mais si l’acheteur, n’ayant pas le moyen d’acheter des chevaux en quantité suffisante, a négligé la culture de ses terres, et a éprouvé dans ses revenus une diminution qui l’a empêché de faire honneur à ses engagements, le vendeur du cheval morveux ne saurait, malgré sa mauvaise foi, être condamné à payer, outre le prix de tous les chevaux qui ont péri, les frais de poursuites, de saisie, etc. : ce ne sont là que des conséquences éloignées de son dol. — Quand il y a plusieurs débiteurs d’un engagement non exécuté, les dommages-intérêts ne peuvent être réclamés contre chacun que pour sa part, et non solidairement pour la totalité. Il en est autrement des dommages-intérêts prononcés contre des individus condamnés pour crimes ou délits ; ils sont dus solidairement (C. pén., art. 55). Cette solidarité ne s’étend pas aux individus condamnés pour simple contravention de police.

Lorsque le montant des dommages-intérêts a été débattu devant le tribunal, et que les juges ont tous les documents et preuves nécessaires pour les fixer, ils doivent être liquidés par le jugement même qui les accorde ; sinon ils prononcent qu’ils sont dus, et, pour la liquidation, ils ordonnent qu’elle sera faite d’après un état fourni et débattu entre les avoués de la cause ; la partie qui conteste l’état des dommages-intérêts demandés doit faire l’offre de ce qu’elle veut payer (C. de proc. civ., art. 128, 523, 524).

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