Avoine

(Agriculture). I. Le genre avoine referme plusieurs plantes exclusivement fourragères (Voy. Prairies). — Parmi les variétés qui appartiennent aux céréales, on considère comme les meilleures : 1° l’A. commune, noire, grise, brune ou blanche : l’A. de Brie, qui en est une sous-variété noire, est la plus estimée à Paris tant pour sa fécondité que pour la grosseur et la qualité de son grain ; son rendement est très élevé lorsqu’on lui donne une terre fraîche comme celle dont elle est originaire ; — 2° l’A. de Hongrie, A. orientale, A. unilatérale qui se reconnaît à sa panicule serrée (celle de l’avoine commune est lâche) et à ce que ses grains sont disposés d’un seul côté de l’épi : ses deux variétés, très productives, la noire et la blanche, donnent dans les bons terrains plus de paille et plus de grain que l’avoine de Brie ; mais ce grain, surtout le grain de la variété blanche, a moins de qualité ; l’avoine de Hongrie ne supporte pas aussi bien que l’avoine commune les sols légers et maigres où elle est plus sujette que cette dernière à s’échauder ; — 3° l’A. d’hiver, qui est grise : son grain plus cylindrique que celui de l’avoine de printemps est plus lourd, et renferme plus de farine. Dans les années de disette, on fait quelquefois entrer cette farine pour 1/4 ou pour 1/3 dans le pain, quoiqu’elle se prête mal à la panification. L ’avoine d’hiver produit plus en grain et en paille que celle de mars, surtout dans les terres légères où celle-ci est sujette à manquer à la suite des printemps secs ; mais sa paille, plus rigide, est moins du goût des bestiaux, et l’enveloppe ligneuse de son grain est tellement dure, que, malgré l’excellente qualité de celui-ci, les chevaux lui préfèrent l’avoine de printemps. En Belgique et en Écosse, l’avoine a été singulièrement perfectionnée par la culture. L ’A. blanche des Flandres donne, par hectare, jusqu’à 45 hectolitres de grain du poids de 55 kilogr. l’hectolitre : les avoines d’Écosse, spécialement celle du Shérif, de Kildrummie et de Hopetown, ont une croissance assez rapide pour mûrir sur les pentes élevées des montagnes. Ces avoines à pellicule extérieure mince, sont aisément converties en gruau ; leur supériorité sur la plupart des avoines cultivées dans les cantons peu fertiles de nos régions montagneuses, rendrait fort avantageuse l’introduction des avoines d’Écosse, également rustiques et productives.

II. Culture. L’avoine est peu difficile quant à la qualité du terrain. Elle prospère dans les argiles fortes et humides où nulle autre céréale ne pourrait croître, et dans les terres trop légères pour l’orge, aussi bien que dans les terres calcaires avec excès, où elle peut donner encore de bons produits. Les sables arides où la pomme de terre elle-même ne saurait végéter sont les seules qui ne lui conviennent pas (Voy. Sarrasin). Dans l’assolement triennal, l’avoine occupe la sole d’été, c.-à-d. qu’on la place après le seigle ou le froment sur jachère. Au reste, c’est une céréale si peu exigeante qu’elle réussit après toutes les autres, même lorsqu’elle revient très fréquemment dans la même terre. Ainsi dans un défrichement de bois, de luzerne, de pré, de pâture ; à la suite d’un dessèchement de marais, d’étang, de tourbière, l’avoine se succède à elle-même pendant plusieurs années pour préparer la place au blé, et son grain prend de la qualité et produit plus à mesure qu’elle s’éloigne de l’époque du défrichement. Enfin dans la culture alterne, on la place à la suite des racines, du trèfle, et souvent pour terminer la rotation, après une et quelquefois deux autres céréales. — Il est rare que l’on donne plus d’un labour à la terre qui doit porter de l’avoine. En terre forte, après une culture de froment, ce labour se donne en hiver pour profiter de l’ameublissement du sol par les gelées : après un trèfle, une luzerne, il est de règle absolue de ne donner qu’un labour ; le second ramènerait à la surface les gazons enfouis par le premier. En terre légère, ce labour unique donné pendant l’hiver est une nécessité pour conserver la fraîcheur de la terre. Les sols argilo-sableux se plombent pendant l’hiver, et leur surface se revêt d’une croûte blanche sur laquelle les gelées ni les herses n’ont aucune action. À la suite d’un blé, d’un seigle, pendant la durée duquel le sol s’est repris, il est bon, dans ces sortes de terrains, de donner un labour d’hiver ; mais après une récolte sarclée, ce premier travail serait plus nuisible qu’utile. — Que l’on se soit trouvé ou non dans le cas de donner cette première façon, lorsque le temps de semer l’avoine de mars est arrivé, on répand préalablement la semence, et on l’enterre par un trait de charrue suivi d’un hersage. On peut agir de même dans les sables légers mais par un temps de pluie seulement. Le labour enterre avec la semence la surface détrempée du sol, et l’avoine résiste d’autant mieux aux hâles d’avril, qu’elle est ainsi enfouie à une profondeur plus que double de celle où elle aurait pu l’être par un hersage. — Ce qui convient à l’avoine, c’est moins le fumier qu’une terre neuve, c.-à-d. le sol défriché d’un pré, d’une luzerne, ou d’un sainfoin, où elle prospère en dépit des mauvaises herbes. Aussi est-il rare que l’on donne une fumure à l’avoine. C’est cependant une excellente pratique ; l’avoine paye largement la fumure, et comme elle s’accommode très bien d’un fumier frais, la récolte qui la suit trouve toujours après elle une nourriture abondante dans la terre. Dans la culture triennale, on trouve un grand avantage à donner à l’avoine, à défaut de fumier, une dose même faible, de guano, de poudrette, de colombine ou de noir animal. On peut presque toujours doubler le rendement d’une récolte d’avoine en grain et en paille en lui donnant par hectare 125 kilogr. de guano : la moitié de cet engrais est semée en même temps que l’avoine et enterrée avec elle ; l’autre moitié lui est administrée au moment de procéder au second hersage ou au roulage de la céréale.

L’avoine d’hiver se sème dans la seconde moitié du mois de septembre. On peut encore la semer dans le courant d’octobre ; mais outre que l’avoine tardivement semée a moins de temps pour taller et pour garnir le terrain, elle est moins forte pour supporter les gelées. — L’avoine de mars se sème le plus tôt possible : dès la fin de février, dans les terres légères ; en mars et jusqu’à la fin d’avril, dans les terres fortes et dans les sols humides, où il n’est pas possible de mettre la charrue avant cette époque. Mais c’est là une limite extrême qu’on ne doit jamais dépasser, et à laquelle il faut toujours s’efforcer de ne pas atteindre. Pour la quantité de semence à employer, elle dépend beaucoup de sa qualité. Plus l’avoine a de poids, plus on peut compter que tout le grain semé lèvera. Quand on sème de l’avoine légère à la mesure, il peut arriver qu’un tiers de la semence ne lève pas. C’est pourquoi il faut soumettre à un criblage sévère (Voy. Crible) l’avoine réservée pour les semailles, celle de printemps surtout. Le déchet provenant de ce criblage n’est pas perdu ; on le repasse au tarare pour en extraire la poussière, et il est mêlé dans l’avoine des chevaux ou dans celle de vente. — Il faut par hectare 3 hectolitres d’avoine d’hiver. Bien que celle-ci ait plus le temps de garnir que celle de printemps, on peut calculer sous le climat de Paris, qu’on perdra par les gelées un tiers du grain levé. Dans une terre saine, 2 hectolitres de très belle avoine de mars sont la moindre quantité que l’on puisse semer en commençant de bonne heure. Selon que l’on sème plus tard ou que l’on a des doutes sur la qualité de la semence, on en porte la quantité à 250 et 300 litres . Ce dernier chiffre est le plus élevé de ce que l’on sème par hectare en France. — En Brie, en Beauce, en Picardie, on herse les avoines une seconde fois après qu’elles sont levées : cette pratique est excellente, partout où la terre est assez consistante pour que le hersage n’arrache pas trop de plant. On commence par rouler les avoines après leur levée pour écraser les mottes qui ont persisté après la semaille ; on passe ensuite les herses de bois ou même de fer si la nature du sol le permet ; on donne ainsi 2, 3 et même 4 traits de herses en long et en travers. Enfin on roule de nouveau pour tasser le terrain et appuyer le plant ébranlé par le second hersage, et afin que rien ne gène le fauchage à la moisson.

La maturité des avoines d’hiver précède celle des blés de quelques jours. Celle des avoines de printemps ne tarde pas à suivre les blés. Les avoines les plus hâtives se récoltent dès la fin de juillet, et les plus tardives avant la fin d’août. Il y a toujours avantage à récolter l’avoine avant sa complète maturité. On la coupe avec la faux ou la faucille. L ’avoine coupée ne doit pas rester plus de huit jours sur le sol ; après ce temps, il faut lier et rentrer les gerbes. L’avoine javelée se bat mieux que celle qui n’a pas subi l’opération du javelage. — Le rendement de l’avoine est très variable : avec les soins indiqués ci-dessus, et en terre moyenne, on peut compter par hectare, dans l’assolement triennal, sur une récolte de 25 à 45 hectolitres, l’hectolitre pesant de 45 à 50 kilogr. À la suite d’un trèfle, d’une luzerne, après un défrichement, il n’est pas rare de voir ce rendement s’élever de 60 à 80 hectolitres. Le produit de la paille est de une fois et demie à deux fois le poids du grain.

L’avoine, celle d’hiver surtout, est un des grains qui se battent le mieux à la machine à battre debout, sans que sa paille soit notablement brisée. Avec les machines qui battent en travers, sa paille n’éprouve pas plus de déchet que par le battage au fléau (Voy. Machine à battre). — La paille d’avoine est avec la paille d’orge une des plus précieuses ressources du cultivateur pour la nourriture de ses bêtes à cornes et même de ses moutons. Aussi doit-il faire en sorte d’employer la plus grande quantité possible de ces pailles à l’alimentation de ses bestiaux.

III. L’avoine est la nourriture par excellence pour le cheval : elle lui conviendra parfaitement si l’écorce en est lisse, mince et lustrée ; si l’odeur en est peu sensible, la saveur se rapprochant de celle de la noisette. La fécule doit en être blanche et abondante. Il est important qu’il ne s’y trouve ni écailles glumacées qui déchirent le palais des poulains, ni corps étrangers, tels que sable, terre, plâtre, gravier, dont le contact use les dents. Il faut aussi écarter de l’avoine toutes les graines étrangères qu’on récolte avec elle et qui en altèrent les qualités nutritives. C’est par son poids que l’avoine doit être appréciée, et celle qui à mesure égale est la plus pesante est la meilleure. Celle qui se rapprochera le plus de 40 kilogr. par hectolitre sera préférée.

L’avoine fraîchement récoltée, c.-à-d. celle qui n’a pas deux mois de grange ou de magasin, provoque des inflammations du tube digestif chez les animaux : elle ne doit leur être donnée qu’en cas d’absolue nécessité, et alors, pour en corriger les mauvais effets, il faut ajouter à chaque ration 12 ou 15 gr. de sel. On se méfiera aussi de l’action de l’avoine trop javelée qui, par suite de l’humidité, a subi un commencement de germination. Celle qui est atteinte de la rouille, de la moisissure ou du charbon produit constamment de mauvais effets. — Aussitôt que le poulain peut manger de l’avoine, vers le 20e jour qui suit sa naissance, il faut lui en donner 1/2 litre après l’avoir concassée. On doit augmenter cette dose promptement et progressivement. Avec de l’avoine et de l’orge concassées, des carottes découpées et un peu d’eau bouillante, on prépare un mélange qu’on emploie avec beaucoup de succès chez les jeunes chevaux. — Il faut peser, et non mesurer, l’avoine qui est donnée en nourriture aux animaux adultes. Une ration de 3 à 5 kilogr. pour un cheval, de taille ordinaire, soumis à un travail régulier, est généralement regardée comme suffisante ; mais si l’on augmente le travail, on doit aussi augmenter à proportion la ration d’avoine : cette ration peut sans inconvénient être portée jusqu’au double.

Bouillie d’avoine. C’est une précieuse ressource dans les exploitations où l’on a à nourrir un assez grand nombre d’ouvriers ; c’est de plus une excellente nourriture, bien préférable aux pommes de terre employées seules ; la fécule d’avoine contient près de 70 p. 100 de matière nutritive, tandis que la fécule de pomme de terre n’en contient, à poids égal, que 16 p. 100. Le moyen de procéder avec économie c’est d’acheter à la fois 1 hectolitre d’avoine, pesant en moyenne 50 kilogr. et coûtant 7 ou 8 fr. On met toute cette quantité d’avoine dans un four médiocrement chaud, quelques heures après que le pain en a été retiré ; on l’y étend en une couche de 15 ou 16 centimèt. d’épaisseur, et on l’y laisse environ 12 heures de manière à la sécher sans la griller. À la sortie du four, on la vanne pour enlever la poussière et le grain trop léger, puis on la porte au moulin pour la réduire en une farine grossière. Ces diverses opérations lui font perdre un cinquième de son poids.

On met dans un vase en bois ou en terre une certaine quantité de cette farine, 5 kilogr. par exemple, pour la mouiller et la détremper avec 10 litres d’eau bien chaude mais non bouillante ; on couvre le vase et on laisse fermenter pendant 12 heures environ, à la température ordinaire des cuisines. Après ce temps, on la mouille suffisamment avec de l’eau froide bien pure ; on agite, on presse fortement ce mélange et on le verse sur un tamis de crin placé au-dessus d’un vase plus grand. Quand la partie liquide s’est écoulée, on prend par poignées la portion solide restée sur le tamis, et on la presse fortement entre les mains pour exprimer le liquide qui tombe dans le vase. Toutes les pelotes résultant de cette pression sont mises à mesure en tas, puis détrempées au moins encore une fois dans l’eau froide et pressées de nouveau pour qu’elles donnent toute la fécule qu’elles contiennent. On place alors le vase dans un endroit retiré pour que la fécule se dépose, on décante deux fois par jour l’eau qui la recouvre et qu’on remplace par de nouvelle eau froide. Au bout de quelques jours, quand on veut employer la fécule, on décante toute l’eau en inclinant doucement le vase ; on prend alors la quantité de fécule dont on a besoin, et, après l’avoir mélangée avec de l’eau, ou, ce qui vaut beaucoup mieux, avec du lait doux écrémé, à raison d’un quart de litre par personne, on la verse dans une bassine de fonte large et peu profonde, et on la fait cuire sur un feu clair en la remuant continuellement pendant trois quarts d’heure ou une heure au plus. Pour éviter les coups de feu, il faut avoir la précaution de revêtir préalablement le dessous de la bassine avec un mélange de terre glaise, de cendre et de bouse de vache. Vers le milieu de la cuisson, ou ajoute pour tout assaisonnement une poignée de sel, et l’on juge que la cuisson est achevée lorsque la masse est prise en une bouillie ni trop épaisse, ni trop claire. Dès qu’elle est retirée du feu, on la remue vivement, on la laisse reposer un moment et on la sert dans les assiettes. Si elle a été cuite simplement à l’eau, on peut y ajouter, pour la manger, soit du gros lait caillé ou du lait de beurre, soit du lait doux dont on a enlevé la crème ; 5 kilogr. de farine d’avoine suffisent au repas de 18 hommes, et le repas de chaque homme revient à peu près, tout compris, à 12 centimes.

Gruau d’avoine. Le pain dans lequel la farine d’avoine entre pour une portion, même assez faible, est brun, gluant et d’une saveur désagréable. Il n’en est pas de même du gruau, qui se prête parfaitement à toute sorte d’assaisonnements : préparé comme le riz, avec du lait ou du bouillon, ou cuit simplement à l’eau avec du beurre et du sel, il fournit une nourriture aussi agréable que salutaire, et bien supérieure au pain noir et à la bouillie de sarrasin qui sont encore la base de l’alimentation dans les contrées peu fertiles de la France. Pour préparer ce gruau, on met une certaine quantité d’avoine dans un chaudron avec très peu d’eau et on la laisse cuire doucement, comme à la vapeur, jusqu’à ce qu’un bâton de bois blanc, plongé dans la chaudière, puisse en être retiré aussitôt sans porter aucune trace d’humidité. Alors on étend l’avoine sur l’âtre du four, quand on en a retiré le pain, et on l’y laisse ainsi pendant 12 ou 15 heures en ayant soin de tenir le four ferme. Le grain, en se grillant, prend une couleur foncée de noisette, et devient d’une digestion plus facile. On fait passer l’avoine entre deux meules suffisamment espacées pour qu’elles brisent l’enveloppe sans écraser le grain ; ensuite on la vanne et on la réduit en gruau entre des pierres très dures.

Le gruau d’avoine peut être employé à la préparation d’une tisane (tisane de gruau) adoucissante et légèrement nutritive qui convient surtout aux enfants. Il suffit de faire bouillir deux cuillerées à bouche de gruau d’avoine dans un litre d’eau ; on passe la tisane quand elle est faite, et on l’édulcore soit avec du sucre, soit avec du sirop de gomme. — L’avoine entière, c.-à-d. le grain entier de l’avoine est quelquefois avantageusement employé dans les douleurs de reins. Voici comment on procède. On fait chauffer et même légèrement rissoler une certaine quantité d’avoine avec du vinaigre dans une poêle à frire ; après avoir écoulé le vinaigre, on verse l’avoine dans un linge qu’on replie et qu’on noue de manière qu’elle ne puisse pas s’échapper, et on l’applique aussi chaude que possible sur la partie malade, c.-à-d. aussi chaude que la personne souffrante peut la supporter.

avoine élevée. Voy. Fromental.

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