Boissons

(Hygiène, Écon. domestique). Tout liquide de nature à être ingéré dans l’estomac pour apaiser la soif, délayer les aliments, et fournir au sang et aux humeurs l’eau nécessaire à leur fluidité, est une boisson. Une série nombreuse de préparations destinées à être bues par l’homme a pour point de départ l’eau, et pour terme extrême l’alcool ou esprit-de-vin, la plus enivrante des boissons.

L’usage exclusif de l’eau pure comme boisson, rencontre, même parmi les médecins, de nombreux partisans ; cette opinion repose sur ce fait que l’eau est la boisson offerte par la nature, que les animaux à l’état libre n’en connaissent pas d’autre, et que sous l’influence de ce régime, ils jouissent d’une santé robuste. Mais les nécessités de la vie en société apportent dans la constitution humaine de telles modifications que les boissons fermentées sont éminemment utiles à l’homme pour entretenir sa vigueur ; la preuve en est dans le cortège de maladies et d’infirmités qui accablent ceux que la pauvreté condamne à une existence toute de privations. L’eau est quelquefois néanmoins la seule boisson possible, soit par motif d’économie, soit par suite d’affections maladives qui empêchent l’usage des boissons fermentées : dans ce cas, il faut la choisir limpide, exempte de mauvais goût, bien aérée, et parfaitement pure ; on doit surtout éviter de boire l’eau chargée d’un excès de chaux, comme l’est celle qui filtre à travers les terrains calcaires. En général, l’eau est potable quand les légumes frais ou secs y cuisent bien, et que le savon s’y dissout sans se coaguler. L’eau chargée de calcaire peut devenir potable ; il faut à cet effet la faire bouillir, lui laisser former son dépôt par le refroidissement, la décanter, l’aérer et la filtrer. L ’eau vaseuse et de mauvais goût perd les gaz qui la rendent repoussante et malsaine, si on la filtre à travers du charbon de bois en poudre grossière. — Lorsque l’eau pure est saturée artificiellement de gaz acide carbonique, elle imite l’eau naturelle de Seltz, boisson stimulante, d’un usage très répandu. Pendant les fortes chaleurs de l’été, on peut ajouter à l’eau pure qui doit servir de boisson, quelques gouttes de vinaigre par verre.

Les boissons fermentées les plus en usage sont le vin, la bière, le cidre et le poiré (Voy. Vin, Bière, Cidre, Poiré). En ajoutant de l’eau en plus ou moins grande quantité au marc du raisin, on obtient une boisson légère nommée piquette, douée de propriétés apéritives, et qui est à la fois saine, peu coûteuse et agréable. Le marc des groseilles qui ont servi à faire des confitures peut aussi fournir une boisson analogue à la piquette. Quand le vin ordinaire est cher et rare, plusieurs boissons économiques de ce genre sont usitées dans un grand nombre de ménages (Voy. ci-après Boissons économiques). — Les boissons fermentées agissent diversement sur l’économie. On dit vulgairement que le vin nourrit parce qu’en général, ceux qui boivent beaucoup de vin mangent moins que ceux qui en sont privés. Cette circonstance tient à ce que le vin, en raison des principes toniques qu’il contient, rend la digestion plus complète et permet à l’estomac d’extraire d’une dose donnée d’aliments une plus forte somme de substance nourrissante. Pendant les repas, il vaut mieux boire le vin avec de l’eau que de le boire pur ; les vins blancs ne conviennent pas aux tempéraments nerveux ; il faut en user avec encore plus de modération que des vins rouges. — Le cidre préparé sans eau, uniquement avec le jus de la pomme, est stomachique ; il passe pour nourrissant comme le vin parce qu’il contient un principe astringent qui donne de l’énergie à l’estomac et le soutient dans ses fonctions. Le poiré agit sur les nerfs à la manière du vin blanc ; il est beaucoup plus capiteux que le cidre de pommes. L’abus de ces deux boissons produit fréquemment l’hydropisie. — La bière, formée de principes tout différents de ceux du vin et du cidre, contribue directement et énergiquement à l’alimentation. Les bières très alcooliques en usage dans les pays où la vigne ne peut mûrir son fruit, ont les propriétés utiles du vin et du cidre ; elles en ont aussi les inconvénients lorsqu’on en abuse.

Boissons économiques. — 1° On met dans un chaudron une certaine quantité de gousses de pois verts ou cosses avec une quantité d’eau suffisante pour qu’elles en soient couvertes de 8 ou 10 centimètres et on les laisse cuire sur un feu modéré pendant 3 heures. Quand le mélange est refroidi, on filtre le liquide, on y ajoute de la sauge dans la proportion d’une forte poignée pour 15 ou 20 litres de liquide, et on le renferme dans un baril pour le laisser fermenter et ensuite en faire usage. Si, quand le liquide est refroidi, on y fait cuire une nouvelle quantité de gousses de pois verts, on obtient une boisson qui n’est pas inférieure à la bière bien préparée.

2° Par le procédé suivant on obtient une bière de ménage, saine et rafraîchissante, qui revient en moyenne à 3 centimes le litre. Pour un tonneau pouvant contenir 100 litres on emploie 15 litres de seigle qu’on fait germer, c.-à-d. qu’on met dans un grand baquet avec de l’eau en suffisante quantité pour que le seigle soit toujours humide sans être noyé. On le remue 2 ou 3 fois par jour. Quand les germes ont à peu près 1 centimètre de longueur, on verse le grain dans le tonneau en y ajoutant 500 gr. de levure de bière et 40 litres d’eau chaude, mais non bouillante, et on agite le mélange au moyen d’un bâton fendu par le bout. Le lendemain on ajoute 40 litres d’eau chaude, et on agite encore le mélange. Le troisième jour, on achève de remplir le tonneau avec de l’eau chaude, on le bouche et on laisse reposer le liquide pendant 5 ou 6 jours. Après ce temps on peut commencer à en faire usage. Au bout de 15 jours en été et de 3 semaines en hiver, il faut soutirer la boisson, de peur qu’elle ne prenne un goût trop piquant.

3° À la campagne on peut utiliser les fruits sauvages pour préparer des boissons économiques. Voici un procédé de préparation des plus simples. Dans un tonneau de 240 ou 250 litres , on met 7 ou 8 kilogr. de mûres de haies ou prunelles, ou bien encore de ces prunes de petit-damas noir, dites de domino ; on verse par-dessus 250 gr. de tartre brut rouge dissous dans 2 litres d’eau bouillante, puis 3 chaudronnées d’eau bouillante d’environ 8 litres chacune. On agite le mélange avec un bâton et on l’abandonne au repos pendant 5 jours. Après ce temps on ajoute 5 à 6 litres d’alcool 3/6, on achève de remplir le tonneau avec de l’eau et on le bouche au moyen de la bonde. Il est bon d’attendre que le liquide soit devenu clair avant de le tirer ; on peut alors le mettre en bouteilles. Cette boisson revient à peu près à 7 centimes le litre.

4° Une autre boisson qui revient au même prix et dont la formule a été donnée par un habile chimiste, M. Barruel, se prépare avec diverses substances qu’il est toujours facile de se procurer partout savoir :

Vinaigre : 1/2 litre
Vergeoise : 4 k.500 g.
Fleurs de violettes : 60 gr.
Fleurs de sureau : 40 gr
Fleurs de houblon : 60 gr
Levure de bière : 12 gr
Eau : 100 litres .

On fait bouillir pendant 5 minutes les fleurs dans 20 litres d’eau pris sur les 100 litres , et, après avoir passé cette infusion à travers un linge, on la verse dans le tonneau en y ajoutant le sucre et on agite le mélange avec un bâton. Ensuite on verse successivement dans le tonneau les 80 litres d’eau, le vinaigre, la levure de bière qu’on divise avec la main, on agite encore fortement le mélange et il ne reste plus qu’à boucher le tonneau et à attendre quelques jours pour commencer à faire usage de la boisson.

5° La boisson suivante diffère peu de la précédente et est peut-être plus agréable au goût : Voici les substances dont elle se compose avec les doses nécessaires pour 12 litres :

Genièvre : 15 grammes
Coriandre : 6 grammes
Fleurs de sureau : 6 grammes
Fleurs de violettes : 6 grammes
Houblon : 3 grammes
Mélasse : 500 grammes
Vinaigre, environ un demi-verre.

On met le tout, avec 12 litres d’eau, dans une cruche ordinaire en grès, et on laisse infuser pendant 3 jours, en ayant soin d’agiter le mélange 2 ou 3 fois par jour. Au bout de ce temps, on tire à clair en passant le liquide à travers un linge ou une chausse, on met en bouteilles et on bouche avec soin. On place les bouteilles à la cave en les couchant d’abord ; mais il faut avoir soin de les relever 2 ou 3 jours après. On peut boire 6 ou 8 jours au plus après la préparation, et on a alors une boisson qui, le plus souvent, mousse et pétille comme le cidre et la bière. Il est bon de ne fabriquer à la fois qu’une quantité peu considérable, et de préparer une nouvelle provision lorsqu’on commence à boire la première.

6° Ajoutons encore la recette suivante qui fournit une des boissons les plus salubres au point de vue de l’hygiène : raisins secs communs, 1 kilogr. ; sucre brut, 500 gr. ; son de froment, 1 litre ; vinaigre, demi-litre ; fleurs sèches de violettes, 15 gr. ; eau pure, 12 litres . Sur toutes ces substances jetées ensemble dans un petit baril ou une cruche de grès, on verse l’eau en ébullition. De temps en temps on remue avec un bâton jusqu’à ce que le liquide bouillonne et se couvre d’écume, signe de la plus grande fermentation ; il est alors tiré au clair et mis en bouteilles. Cette boisson désaltère très bien et à peu de frais, elle est très diurétique, propriété plutôt utile que nuisible à la santé.

Boissons (Contributions indirectes.)

Les boissons soumises à l’impôt sont : 1° le vin, le cidre, le poiré, l’hydromel, la bière, les eaux-de-vie et les esprits, les liqueurs et les fruits à l’eau-de-vie, l’absinthe ; 2° les râpés ou piquettes, les vinaigres et les vins factices.

L’impôt des boissons, perçu au profit du trésor, comprend, en dehors du droit de licence (Voy. ce mot) : 1° le droit de circulation perçu sur les vins, cidres, poirés, hydromels et autres boissons spiritueuses, sauf la bière et le vinaigre, mis en mouvement à destination de simples particuliers ; pour le vin, il est de 1 fr. 20 c. à 2 fr. 40 c. par hectolitre pour les vins en cercles, de 15 fr. pour les vins en bouteilles ; pour les cidres, poirés et hydromels, il est fixé à 1 fr. ; 2° le droit de consommation, applicable aux spiritueux : ce droit est de 150 fr. par hectolitre d’alcool pur sur les eaux-de-vie et les esprits en cercles et de 210 fr. par hectolitre d’alcool pur sur les liqueurs, fruits à l’eau-de-vie et eaux-de-vie en bouteilles ; — 3° le droit d’entrée, qui frappe toutes les espèces de boissons, à l’exception de la bière, tant celles qui sont introduites dans les villes que celles qui sont fabriquées à l’intérieur. La quotité du droit varie selon la population des villes, et, pour le vin, selon la classe des départements ; les villes qui ont moins de 4 000 âmes ne sont point soumises au droit d’entrée. Il en est de même des habitations éparses et des dépendances rurales détachées du lieu principal ; mais les faubourgs des villes y sont assujettis. Le plus souvent ce droit est confondu avec le droit de détail (Voy. ci-après, n° 4) et remplacé par un droit de taxe unique (n° 5). À Paris et dans les autres villes également rédimées, il est compris dans la taxe de remplacement (n° 6) ; partout ailleurs, il peut varier de 60 c. jusqu’à 4 fr. ; de plus, ce droit est très souvent frappé de surtaxes locales. Les cidres, poirés et hydromels payent, suivant la population, de 25 c. à 1 fr. Les alcools, les eaux-de-vie, les liqueurs, etc., payent de 6 à 24 fr. — Les vendanges, les fruits, les fruits à cidre ou à poiré, qu’ils soient nouveaux ou secs, payent un droit d’entrée ; 4° le droit de détail, qui frappe les boissons débitées et qui est fixé à 15 p. 0/0 du prix de vente (Voy. Débit de boissons et aussi exercice) ; — 5° le droit de taxe unique, qui, dans les villes sujettes au droit d’entrée, peut, avec le consentement du Conseil municipal, remplacer le droit d’entrée et le droit de détail, épargnant ainsi aux débitants l’ennui des exercices ou vérification à domicile ; — 6° le droit de remplacement : à Paris, il remplace toutes les autres taxes ci-dessus énoncées, y compris le droit de licence. Il est fixé comme il suit (non compris le double décime) : par hectolitre, vins en cercles, 8 fr. 50 c. ; en bouteilles, 15 fr. ; cidres, poirés, hydromels, 4 fr. ; alcool pur sur eaux-de-vie en cercles, 149 fr., sur liqueurs en bouteilles et sur absinthe en cercles comme en bouteilles, 199 fr. — 7° le droit de fabrication de la bière : il est constaté et perçu à la fabrication (Voy. Brasseries), et fixé à 3 fr. par hectolitre de bière forte et à 75 c. par hectolitre de petite bière.

Dans les communes qui sont assujetties à l’octroi (Voy. ce mot), les boissons payent encore un droit particulier au profit de la commune et perçu à l’entrée de celle-ci dans des bureaux disposés à cet effet. Ce droit varie suivant les localités et suivant la nature des boissons. À Paris, les droits d’octroi sont fixés (décime compris) ainsi qu’il suit : vins en cercles, 11 fr., vinaigres, par hectolitre, 12 fr. ; vins en bouteilles, 20 fr. 40 c. ; bière, 15 fr. ; cidres et poirés, 4 fr. 50 c. ; alcool pur contenu dans les esprits, eaux-de-vie, liqueurs, ainsi que l’absinthe, en cercles ou en bouteilles, 79 fr. 80 c. la vendange, pour 3 hectolitres, 16 fr. ; le raisin non foulé, pour 3 hectol., 8 fr. ; les fruits à cidre et à poiré, pour 5 hectolitres de fruits frais, 8 fr., et pour 50 kilogr. de fruits secs, 4 fr. — Un droit de fabrication est dû pour toutes ces boissons, lorsqu’elles sont fabriquées dans Paris ; ce droit est le même que celui qui se perçoit à l’entrée, déduction faite de ce qui a été payé pour les fruits ou substances ayant servi à la fabrication.

Ceci posé, nous ajouterons quelques détails concernant surtout les simples particuliers, c.-à-d. ceux qui ne font point commerce de boissons, soit comme propriétaires récoltant, soit comme marchands en gros ou en détail, soit comme distillateurs ou brasseurs. — Toutes les boissons transportées d’un lieu à un autre et envoyées à un simple particulier sont, quelle que soit la qualité de l’expéditeur, assujetties à la formalité de la déclaration et au payement du droit de circulation, si ce sont des vins, cidres, poirés et hydromels, ou du droit de consommation, si ce sont des spiritueux. — La déclaration doit indiquer exactement l’espèce, la qualité et la quantité des boissons. On doit payer le droit de circulation et faire la déclaration au premier bureau des contributions placé sur le parcours des boissons. Le droit de consommation peut, au gré de l’expéditeur, être payé soit au départ, soit à l’arrivée.

Les événements de force majeure allégués pour justifier le retard d’un transport de boissons doivent être attestés d’une manière authentique par les autorités des lieux où ils sont survenus. — Toutes les fois qu’un conducteur de boissons éprouve sur sa route un accident qui l’empêche de faire décharger à temps l’acquit-à-caution délivré par la régie des contributions indirectes, il est obligé, pour éviter la contravention, de se munir d’un certificat ainsi conçu :

« Nous, (maire, adjoint, commissaire de police), sur la déclaration qui nous en a été faite par (noms et prénoms des témoins) certifions que le nommé (nom et prénoms du conducteur) conducteur d’un convoi de boissons passant sur le territoire de notre commune au lieu-dit… à… heures de relevée (détailler ici la nature de l’accident).

« En foi de quoi, nous lui avons délivré le présent pour lui servir au besoin.

« À… le… 18… »

Les boissons cédées par un simple particulier à un autre simple particulier, sont de nouveau passibles du droit. Une exception est admise pour les boissons qui, par suite de décès, passent à des héritiers directs ou collatéraux. — Les simples particuliers qui changent de demeure ne peuvent, s’ils sont domiciliés dans un lieu sujet au droit d’entrée, être soumis au payement des droits de circulation ou de consommation sur les boissons qu’ils déplacent. Un acquit-à-caution doit leur être délivré en franchise. Mais s’ils sont domiciliés dans des lieux non sujets aux droits d’entrée, la régie peut exiger la taxe de circulation ou de consommation, à moins qu’il ne soit prouvé que l’impôt a déjà été acquitté. — Les vins, cidres, poirés, etc., expédiés à de simples particuliers en quantité inférieure à 25 litres subissent exceptionnellement le droit de détail. — Les boissons assujetties aux droits d’octroi ne peuvent être introduites que par les barrières ou bureaux désignés à cet effet. Tout porteur ou conducteur d’objets assujettis à l’octroi, est tenu d’en faire la déclaration au bureau avant de les introduire, d’exhiber aux préposés les lettres de voiture, connaissements, acquits-à-caution, et toutes autres expéditions délivrées par la régie des impositions indirectes, et d’acquitter les droits, sous peine d’une amende égale à la valeur de l’objet soumis. À cet effet, les préposés peuvent après interpellations, faire sur les bateaux, voitures et autres moyens de transport, toutes les visites et perquisitions nécessaires, etc. — Les conducteurs sont tenus de faciliter toutes les opérations. Tout objet sujet aux droits qui, nonobstant l’interpellation des préposés, serait introduit sans avoir été déclaré, ou sur une déclaration fausse ou inexacte, peut être saisi.

Les simples particuliers peuvent être personnellement mis en cause pour les faits de contravention constatés au moment même de l’enlèvement de leur domicile ou de l’introduction à leur domicile. Il est donc de leur intérêt de s’assurer si les conducteurs sont munis d’expéditions régulières. En tout cas, ils sont responsables des contraventions commises par les personnes à leur service.

Laisser un commentaire