Froment

(Agriculture). — 1°Sol. Le sol le plus propre à la culture du froment est une bonne terre franche où l’élément calcaire forme un cinquième, l’argile et la silice, chacune deux cinquièmes. Lorsque, dans une terre semblable, l’humus accumulé par d’anciennes fumures, figure pour 2 ou 3 p. 100 de la couche arable, on peut en attendre avec peu d’engrais la plus riche récolte. Mais les terres privilégiées qui réunissent ces conditions ne sont pas communes. Heureusement, les terres argileuses, argilo-calcaires, argilo-siliceuses, et leurs variétés dans la composition desquelles l’argile entre au moins pour un quart, forment la majorité du sol français ; toutes ces terres sont, à divers degrés, propres à la production du froment. Il est même à remarquer que les terres douces, celles où le sable domine assez pour les rapprocher de la composition des terres franches, sont plus propres à la production des blés fins que les terres fortes, argileuses, froides, dans lesquelles les gros froments barbus, à paille pleine et roide, sont ceux qui réussissent le mieux.

2°Place dans l’assolement. Dans la plus grande partie de la France, on cultive encore le blé à la suite d’une jachère, pendant laquelle on a ameubli, nettoyé, et fumé la terre destinée à le recevoir. Dans la culture alterne, le froment suit une récolte sarclée ; mais les récoltes de ce genre ne lui sont pas toutes également favorables comme précédents. Quelques-unes, spécialement les pommes de terre et les navets, épuisent trop le sol, et presque toutes se récoltent trop tard pour permettre de semer le blé en temps opportun. On peut néanmoins semer du blé après des pommes de terre, des betteraves, des carottes, dans des terres saines et abritées, où les semailles peuvent être retardées jusqu’après la Saint-Martin (11 novembre), mais jamais le froment, dans ces conditions, n’est aussi productif qu’après la jachère. Le maïs et les haricots bien fumés, semés en lignes espacées, sont un bon précédent pour le blé. Les fèves sont, dans les terres fortes, une préparation du froment équivalente à la jachère. Les vesces, gesses, pois, surtout les variétés qui se sèment en automne, et qui par cette raison laissent le sol libre de bonne heure, sont une excellente préparation pour le blé en terre légère, mais à la condition que ces plantes soient fauchées en fleurs pour fourrage, et non pas récoltées pour leurs graines. Pour la même raison, un trèfle plein, vigoureux, ayant tellement couvert la terre que toutes les mauvaises herbes ont disparu, est la meilleure de toutes les préparations pour le froment. Aussi, est-ce à la suite d’un trèfle d’un an, dont les deux premières coupes ont été fauchées et dont on enfouit la troisième par un coup de charrue, que la culture alterne place presque toujours le blé. Lorsque, dans une culture pastorale mixte, on laisse subsister le trèfle pendant plusieurs années, il se dégarnit dès la seconde et fait place aux mauvaises herbes. Dans ce cas, on ne pourrait pas compter sur une récolte pleine du froment qui lui succéderait. Il vaut mieux le faire suivre par l’avoine, qui se plaît toujours dans une terre neuve, que celle-ci soit ou non infestée de mauvaises herbes. Il faut aussi éviter de semer du blé après une luzerne ou un sainfoin qui ont duré 5 ou 6 ans. Ce n’est qu’après une, ou mieux, deux récoltes d’avoine, que l’on doit admettre le blé à cette place. En faisant alors précéder celui-ci de 3 labours et d’un parc léger, on obtient une récolte abondante.

3° Engrais. On ne fume le blé, ni après la récolte-jachère qui a reçu une forte fumure, ni après un trèfle vigoureux. Lorsque ce dernier n’a pas végété dans cette condition essentielle, il faut donner au blé qui lui succède, soit une demi-fumure enfouie avec le trèfle, soit du guano du noir animal ou de la poudrette à défaut de fumier. Généralement, les proportions suivantes suffisent pour un hectare : guano, 125 kilos ; noir, de 4 à 6 hectol. ; poudrette, 10 hectol. Une moitié de ces quantités se sème avec le blé, et l’autre est répandue au printemps. Lorsque le froment a été précédé par un maïs, des fèves, des haricots, on peut n’appliquer à ces récoltes que la moitié du fumier ; l’autre moitié se donne au blé. Si on fait succéder ce dernier à un fourrage annuel, vesces, pois, gesses, on peut donner toute la fumure à ces légumineuses ou ne l’appliquer que plus tard au blé, selon les quantités d’engrais disponibles au moment des semailles. — La dose de fumier à appliquer au blé varie suivant la nature des terres, et aussi suivant les ressources du cultivateur, rarement à même de fournir à ses récoltes tout l’engrais dont elles auraient besoin. Les sols médiocres sont plus communs en France que les sols riches ; pour les premiers, 50 000 kilos de fumier de ferme sont une forte fumure ; 35 000 sont une bonne fumure ; 25 000 sont une fumure ordinaire. Le parc donné aux terres, en vue d’une semaille de froment, est fort, lorsque les moutons n’ont pas été changés de place pendant la nuit, et qu’on ne leur a donné qu’un mètre d’espace par tête. Dans ce cas, un hectare reçoit 10 000 kilos de déjections solides et liquides, qui équivalent à 30 000 kilos de fumier de ferme. Dans une terre riche, le blé ne pourrait pas supporter une pareille fumure sans vesce ; on peut semer dans la céréale, sur un tel parc, un trèfle, une luzerne, un sainfoin. En général, on ne donne au blé sur jachère que la moitié de ce parc. Voy. Parcage.

4° Choix et préparation de la semence ; culture. On ne doit jamais semer que du blé de tête, c.-à-d. de première qualité. Le blé pour les semailles doit subir un nettoyage rigoureux au moyen du tarare d’abord, et ensuite du crible cylindre (Voy. ces mots). Faute d’un bon instrument de nettoyage, il ne faut pas hésiter à trier grain à grain le blé en le versant sur une table autour de laquelle sont assises les ouvrières : c’est ce que l’on appelle rouler le blé sur table. Les femmes attirent devant elles 5 à 6 litres du blé à nettoyer et en font 2 lots, un du blé de semence et l’autre du rebut. Ce dernier, repassé au tarare, fait encore de bon pain. Dans la Brie, les femmes qui font ce travail reçoivent de 1 fr. 20 c. à 3 fr. par hectolitre de grain épuré, suivant que ce grain, avant le triage, est plus ou moins net. Le blé de semence, surtout si c’est du blé étranger, se paye souvent 25, 50 et même 100 p. 100 au-dessus du cours des blés marchands ; il est encore d’une bonne économie de renouveler ainsi tous les ans une partie de la semence, ne fût-ce qu’un dixième. — Avant de confier le blé à la terre, il faut le chauler (Voy. Chaulage et Semailles). — Les soins à donner au blé après la semaille consistent à égoutter le sol au moyen de rigoles. Souvent, au printemps, une végétation luxuriante fait craindre la verse des blés ; il faut alors avoir recours à l’effanage ou au pâturage par les moutons. En mars, dans les sols légers et dans les terres argileuses sujettes à déchausser les plantes par l’effet des faux dégels, il faut rouler les blés : cette opération doit également se faire dans les terres fortes à la suite du rehersage des grains. Enfin, depuis la mi-avril jusqu’à la mi-mai, lorsque la terre est ressuyée, on procède à l’échardonnage, et un mois plus tard à l’éniellage et à l’esseiglage des froments. Il ne reste plus alors qu’à faire la moisson (Voy. Égouttement, Blés versés, Roulage, Rehaussage, Échardonnage et Moisson). — Le rendement des blés en grains varie non seulement de canton à canton, de commune à commune, mais encore d’un point quelconque d’un domaine à un autre. Dans une bonne terre franche, bien cultivée de longue main, le produit des blés tendres peut s’élever à 45 hectol. par hectare ; il peut aussi tomber à 12 hectol. dans une terre trop argileuse ou trop sèche. Au-dessous de ce dernier produit, dont il faut déduire en moyenne 2 hectolitres de grain de semence, celui qui s’obstinerait à cultiver du froment ne ferait pas ses frais. Le rendement moyen de cette céréale, en France, est de 22 hectol. du poids de 76 kilogr. Le rendement de la paille est de 2 à 3 fois le poids du grain en y comprenant les éteules ou chaumes que dans quelques contrées la faucille laisse debout sur le sol, quelquefois à la hauteur de 0m,50, et que l’on arrache après la moisson pour servir de litière aux bestiaux.

5° Variétés. — On distingue les froments en blés tendres, sans barbes et barbus ; et en blés durs, presque toujours barbus. Les blés tendres se partagent en blés rouges et en blés blancs ; et chacun de ceux-ci, en blés de saison ou d’hiver, et en blés de mars ou de printemps. Tous ces froments sont à grains libres, c.-à-d. qu’au battage, ils se séparent de leurs balles. Il est une autre sorte de blés dont le grain est adhérent à la balle et qu’il faut moudre dans des moulins spéciaux ; ce sont les épeautres. — Les blés tendres transportés dans les départements méridionaux y acquièrent un peu d’années cette cassure glacive et cornée qui caractérise les blés durs. Les premiers sont les plus estimés ; leur farine rend d’avantage à la planification. Les blés durs fournissent un pain plus grossier, à la vérité, mais plus savoureux et plus nourrissant que celui qu’on obtient des blés tendres ; en sorte qu’il y a peut-être compensation. — Les blés blancs fournissent plus, et de plus belle farine que les blés rouges ; aussi, depuis quelques années, leur culture s’est-elle considérablement propagée. Toutefois, on ne peut pas employer cette farine seule dans la confection du pain, parce qu’elle fait une pâte trop courte. Les boulangers ne l’introduisent que pour un tiers, contre deux tiers de celle du blé rouge, dans leur fabrication. Ce défaut des blés blancs tient à ce qu’ils contiennent une trop grande proportion de fécule et d’amidon au détriment de celle du gluten qui abonde d’autant plus dans les blés rouges que ceux-ci se rapprochent plus de la qualité des blés durs.

A. Blés tendres sans barbes. Le nombre en est considérable. Voici, parmi les blés rouges d’hiver, ceux dont la qualité et le rendement supérieurs sont constatés, et dont la culture est générale en France.

Le Froment commun de Beauce ou de Brie. C’est le plus cultivé de tous nos blés, dans nos plaines du Centre et du Nord. Son épi gros, allongé en pyramide, présente en bon sol, de 10 à 12 mailles de chaque côté de l’axe, et chaque maille est de 2 ou 3 grains, en tout, 60 à 72 grains. Ce blé est plutôt roux que rouge.

Le Blé rouge ordinaire, ou Froment de Normandie. C’est celui qui convient le mieux aux terres très argileuses. C’est aussi un des plus productifs. Sa paille, très grosse, le préserve de la verse, mais elle plaît moins aux bestiaux que celle du froment commun.

Le Blé rouge d’Odessa est assez cultivé, surtout dans le Centre. On le reconnaît à la belle couleur jaune dorée de son grain. Il est également cultivé comme blé d’hiver et comme blé de mars.

Le Blé lammas, Blé d’Alsace, ou Blé rouge anglais, est très remarquable par sa grande finesse et l’abondance de ses produits. Il craint un peu plus les hivers secs et rigoureux que les variétés précédentes, et, comme il est un peu plus qu’elles sujet à s’égrener, il faut le récolter un peu avant sa complète maturité. Néanmoins on ne saurait trop en recommander la culture : il est hâtif (sa maturité a lieu en même temps que celle du seigle) ; il se contente des terrains médiocres nommés terres à méteil ; et, dans ces terres, son rendement est supérieur à celui de nos blés les plus productifs.

Parmi les blés blancs d’hiver, on doit préférer :

Le Blé blanc de Flandre, Blé de Bergues, Blanczée, dont l’épi est plus gros, plus trapu et plus fourni que ne le sont ceux des blés rouges. Les balles de ce blé sont blanches comme son grain, qui est tendre, plein, et le plus estimé de tous les blés du Nord.

Le Blé richelle, Richelle blanche de Naples, est d’un blanc moins mat que le blé précédent ; son grain, d’une teinte jaunâtre, est plus allongé que le précédent ; il lui faut une terre saine, bien exposée ; il n’est d’ailleurs pas plus exigeant sous ce rapport que le blé de Bergues qui, malgré son origine septentrionale, craint les froids excessifs et prolongés. La richelle est un blé productif et de qualité supérieure.

La Touzelle blanche, égale en qualité à la précédente, est spécialement un blé de la Provence. Dans le sud même, l’hiver, pour peu qu’il soit prolongé, lui fait un tort considérable. Aussi sa culture est-elle restreinte au midi de la France. La touzelle perd dans le Nord sa qualité de blé blanc, et, jusqu’à un certain point, celle de blé tendre : son grain y devient presque rouge et un peu glacé. C’est le meilleur blé du Midi.

Le Blé de haies (hedge wheat), Blé blanc velouté, vulgairement Blé blanc anglais, a l’épi carré comme celui de l’orge d’hiver. Il est aussi hâtif que le blé lammas, et il n’est pas de froment qui soit supérieur au blé blanc anglais, ni pour le rendement, ni pour la qualité.

Le Froment sans barbes de Talavera est, parmi les blés blancs, un des plus productifs en terre médiocre. Son grain, un peu velu, d’un blanc jaunâtre, produit un pain d’une blancheur éclatante. On le cultive dans le Centre sous le nom de blé anglais.

Les variétés suivantes se sèment au printemps et sont désignées sous le nom de blés de mars ou trémois. Le grain du blé de mars est plus ramassé, plus court, plus petit que celui du blé d’hiver. Il donne plus de son et moins de farine que celui du blé d’hiver.

Le Blé de mars blanc, sans barbes, très cultivé dans le Centre, convient surtout aux terres légères. Ce blé, comme tous les trémois, est moins productif que les blés d’hiver, le rendement de ces derniers étant à l’égard des trémois comme 3 est à 2. Ce blé blanc de mars a une variété connue sous le nom de gros grain. Cette variété est plus exigeante, et il faut lui réserver les meilleurs terrains : elle paye ce soin par un produit plus considérable.

Le Blé de mars rouge, sans barbes, est plus cultivé que le précédent dans la Brie, la Picardie, la Normandie et la Beauce. Il convient par-dessus toutes les autres variétés aux fortes terres de ces contrées, où son grain a pris une teinte grisâtre qu’il perd au bout de quelque temps pour reprendre sa nuance rouge, lorsqu’il est cultivé dans une terre calcaire ou amendée avec de la chaux.

B. Blés tendres, barbus. — Le Froment barbu d’hiver, à épis jaunâtres ou blanchâtres, le plus universellement cultivé en France il y a moins de 30 ans, reste encore aujourd’hui, en partie, le seul que l’on sème dans l’Ouest et le Centre, où sa rusticité le fait préférer, par les cultivateurs qui tiennent plus à l’abondance des produits qu’à la qualité, pour emblaver les terres humides et sujettes à déchausser.

Le Blé de mars, barbu ordinaire, est, comme le précédent, le plus répandu encore aujourd’hui dans l’Ouest et le Centre. Il paraît être le type d’où est sorti le blé de mars blanc, dans lequel on le retrouve souvent mélangé, et qu’il devance de quelques jours en maturité. La paille de ce blé barbu est cassante et plaît peu aux animaux, mais son grain ne le cède pas en qualité à celui du blé non barbu, et il est moins difficile que ce dernier sur le choix du terrain.

C. Blés renflés ou poulards. — Ces blés forment une classe intermédiaire entre les blés tendres et les blés durs. Tous les poulards sont barbus et se sèment avant l’hiver. On les reconnaît facilement à leur épi-quadrangulaire et à leur grain renflé et plus gros que celui de toutes les variétés d’hiver ci-dessus décrites. Le blé poulard est rustique et productif. Sa paille pleine et roide est peu du goût des bestiaux. Ce blé dépasse souvent 1m,60 en hauteur. Comme sa vigueur est incomparablement supérieure à celle des variétés dites blés fins, on le sème de préférence dans les terres défrichées, dans les étangs desséchés et dans toutes les terres humides et humeuses où les autres blés verseraient. La farine des poulards n’a pas la finesse de celle des blés fins, et à la mouture ils rendent plus de son que ces derniers ; mais à terrain égal, son rendement est plus considérable. — Les principales variétés du blé poulard sont :

La Pétanielle blanche d’Orient, un peu sensible aux gelées, et propre seulement aux contrées méridionales et abritées de la France.

La Pétanielle rousse, Gros poulard rouge velu, cultivée dans le Midi et les montagnes du Centre.

La Pétanielle noire, remarquable par sa hauteur (1m,70), et par le volume et le poids de ses épis chargés de gros grains. Les barbes de cette variété prennent une couleur noire en mûrissant, et sont si peu adhérentes que le vent les fait tomber. L’épi prend aussi la couleur noire à sa maturité, mais le grain reste au battage d’un gris terne comme celui des autres blés poulards.

On range encore parmi les blés poulards, le Blé géant de Sainte-Hélène et le Blé de Dantzick, qui paraissent être des variétés de la pétanielle rouge ; ainsi que le Blé de miracle, Blé de Smyrne, plus remarquable par l’apparence de son épi, qui figure plusieurs épis soudés ensemble, que par l’abondance de son rendement : ce blé dégénère lorsqu’on ne le cultive pas dans un sol très riche ou abondamment fumé. Ces trois dernières variétés sont moins cultivées que les autres poulards.

D. Blés durs ou cornés. Ceux-ci sont nombreux et plus cultivés dans le sud de l’Europe qu’en France. Cependant les variétés suivantes sont répandues dans nos départements méridionaux et jusque sous le climat de Paris. Tous les blés durs sont pourvus de barbes.

Le Blé de Tangarok a ses glumes lavées de noir ainsi que ses barbes. C’est un blé d’hiver que l’on peut semer jusqu’à la fin de février dans le Midi. Le grain de ce blé est glacé ; mais il y a une variété, le blé blanc de Tangarok, dont le grain jaunâtre est plus gros, et qui, cultivée en France, a une tendance à passer à l’état, de blé tendre ou demi-tendre. Son aspect sur pied est celui du blé dur, mais la nuance de l’épi est moins foncée.

Le Tréminia, ou Trémois barbu de Sicile, a l’épi jaunâtre, presque quadrangulaire. Sa paille est roide et assez dure, ce qui ne l’empêche pas d’être du goût des bestiaux. Sa tige, pleine vers le sommet, le rend très propre à résister aux orages, et en fait une variété précieuse pour les pays de montagnes.

Le Blé de Pologne, ou Blé d’Astracan, renferme un grand nombre de variétés avec ou sans barbes. Malgré sa dénomination septentrionale, c’est un blé du Midi, originaire d’Égypte. C’est le plus dur et le meilleur des blés cultivés en France. La cassure de son grain est glacée, presque vitreuse. Quoique productif et de bonne qualité, il a plusieurs défauts. Comme blé d’hiver, il supporte mal nos hivers du climat de Paris ; comme blé de mars, il est tardif, et, dans les années froides et pluvieuses, il mûrit incomplètement. D’un autre côté, il présente le très grand avantage de venir dans les terres à seigle où les autres froments courraient risque de ne pas épier ; le blé de Pologne y donne, outre un rendement bien supérieur à celui du seigle, un grain de beaucoup préférable à ce dernier.

E. Épeautres. Les froments de cette classe se distinguent de tous les autres par l’adhérence de leur balle qui ne se sépare pas du grain au battage. Aussi est-on obligé, au moulin, de leur faire subir une première préparation, en les faisant passer entre deux meules plus écartées que pour la mouture ordinaire. Cette opération sépare le grain de la balle : ensuite il est soumis à la mouture à la manière accoutumée. La farine des épeautres est bien supérieure à celle des blés poulards : elle est recherchée pour les pâtisseries fines.

Les diverses variétés de l’épeautre se sèment toutes à l’automne, ou au moins pendant le cours de l’hiver jusqu’en janvier. Les plus cultivées dans nos départements frontières du Nord sont l’Epeautre noir, barbu, et l’Epeautre à épi blanc, sans barbe. C’est la première de ces variétés qui est le Poutre des Limousins et le Speoüta des Provenceaux.

Le Froment amidonnier est rangé parmi les épeautres à cause de ses balles adhérentes au grain, ce qui, malgré l’abondance et la bonne qualité de ses produits, lui fait partager la réprobation dont les épeautres sont frappés dans la plupart de nos départements. Le Blé de Tartarie est une des plus petites, mais des meilleures variétés de l’amidonnier : son épi est aussi gros que celui des espèces plus hautes de tige. Les blés amidonniers sont des blés de mars, ce qui les a fait nommer Épeautres de printemps.

Enfin, le Froment engrain, Ingrain, Blé locular, est aussi rangé parmi les épeautres, toujours pour le même motif. C’est un blé d’hiver qui a plutôt l’apparence d’une orge à deux rangs que celle d’un froment. C’est le plus petit de nos blés. Toutefois, comme il vient dans les plus mauvaises terres, trop arides même pour le seigle, on le cultive dans les parties pauvres du Berri et du Gâtinais d’une manière plus générale que les deux précédents. Il est également cultivé dans les pays plus riches, mais comme fourrage, et consommé en vert par les bestiaux.

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