Filtrage ou Filtration des liquides

(Écon. domestiq.). On filtre les liquides à travers diverses matières dont les plus usitées sont, pour le filtrage en grand, la pierre poreuse calcaire, dite pierre à filtrer, le grès poreux, le sable fin et grossier, la terre glaise calcinée et pulvérisée, la pierre ponce grossièrement broyée, le charbon en poudre et à gros grains, et le verre pilé. Pour le filtrage de petites quantités de liquide on emploie surtout le coton cardé, la laine brute et dégraissée, l’éponge, la pâte à papier, le papier joseph ou gris non collé, la paille, la sciure de bois, la toile plus ou moins serrée, le drap, l’étamine, la flanelle, la soie, le feutre. En général, les matières filtrantes sont placées dans des récipients ou filtres disposés de manière à faciliter le prompt dépôt à leur surface et dans leurs interstices, des parties solides et étrangères que contiennent les liquides.

Filtrage de l’eau. C’est surtout pour le filtrage des eaux à boire que le choix et la préparation des matières filtrantes ont une importance particulière. On emploie de préférence pour cet usage le sable, le grès, le charbon et les éponges.

Sable. Le meilleur est le sable siliceux, exempt de matières calcaires, ce qu’on reconnaît aisément en versant sur le sable du vinaigre ou un acide étendu d’eau. La présence des matières calcaires se trahit par un léger bouillonnement. Le sable, préalablement criblé de manière à éliminer le trop gros et le trop fin, est recueilli et lavé séparément dans un crible à très petites mailles, placé au-dessus d’un baquet ; le lavage est prolongé jusqu’à ce que l’eau sorte très claire.

Grès. On choisit le grès blanc, dont la cassure est très faiblement grenue. Ce grès pilé est passé au travers d’un crible à petites mailles, de manière à obtenir un grain fin et régulier.

Charbon. Le meilleur est celui de chêne. Il est grossièrement pilé et criblé, comme les sables et les grès, afin de l’obtenir en grains réguliers à peu près de la grosseur des grains de blé.

Éponges. Il faut les choisir bien saines, d’un tissu assez fin, régulier et serré. On les laisse macérer pendant 15 jours ou 1 mois dans un baquet plein d’eau renouvelée tous les jours, pour enlever le goût et l’odeur des plantes marines. Elles sont ensuite foulées et lavées dans plusieurs eaux jusqu’à ce que la dernière eau s’écoule limpide. Enfin, on les presse fortement dans un linge, dont on tord les deux extrémités en sens inverse, pour en exprimer toute l’eau et hâter leur dessiccation qui doit être complète. Si l’on conservait les éponges trop humides, elles prendraient le goût de moisi en séchant à l’air et le communiqueraient ensuite à l’eau filtrée. Cet inconvénient a souvent lieu dans les filtres mal entretenus, lorsqu’on n’a pas soin de tenir les éponges plongées dans la masse d’eau. Dans ce cas, on retire les éponges du filtre, et on les fait macérer pendant quelque temps dans de l’eau contenant un peu d’ammoniaque liquide, et on les lave ensuite à plusieurs eaux. Quand les éponges sont amollies par l’usage, il faut les remplacer par d’autres.

Filtres domestiques. Ce sont ordinairement de grands vases de grès, de forme allongée, semblables à un pot à beurre. Un grand récipient de tôle ou de fonte bien nettoyé pourrait servir au même usage ; le cuivre, le zinc et le plomb doivent être rejetés, parce que ces métaux s’oxydent au contact de l’eau et forment alors des sels doués de propriétés nuisibles. On fait percer, à 0m,02 du fond du vase, un trou qui sert à fixer un robinet en étain, destiné à soutirer l’eau filtrée. Le robinet est assujetti avec du mastic de fontainier. (Voy. Mastic). On place dans l’intérieur, un peu au-dessus du robinet, une plaque de grès, percée de petits trous comme une passoire ; la forme conique du vase la retient à la place qu’elle doit occuper.

Une couche de 0m,02 à 0m,03 de gros sable ou de cailloux siliceux, bien lavés et séchés, est disposée sur la plaque trouée ; une seconde couche de sable demi-fin, également de 0m,04 à 0m,05 d’épaisseur, est étendue sur la première ; cette seconde couche est recouverte elle-même très uniformément de charbon concassé en gros grains ; le tout forme une couche filtrante d’une épaisseur de 0m,06 à 0m,08 au plus ; le charbon est recouvert de sable fin ; enfin, le tout est surmonté d’une cinquième et dernière couche de cailloux, ayant à peu près la grosseur d’un œuf. Ces cailloux empêchent l’eau, lorsqu’on la verse dans la fontaine, de déranger les matières filtrantes. On ajoute à la solidité du filtre en recouvrant le tout d’une plaque trouée, soit de grès, soit de tôle perforée, soit même de planche. Le vase doit être muni d’un couvercle de bois, de grès ou de tôle étamée. Une fontaine-filtre ainsi préparée contenant environ un demi-hectolitre, peut servir pendant 5 ou 6 mois à un ménage nombreux. Après ce temps, on doit laver les sables et le charbon, et les disposer de nouveau comme ci-dessus. Par ce procédé, le filtre donne sans interruption une eau aussi limpide et aussi pure que possible.

On peut encore faire une fontaine-filtre avec un simple tonneau, bien jointé et bien cerclé en fer ; mais il faut avoir soin qu’il soit toujours complètement rempli d’eau, afin que le bois n’ait pas le temps de prendre un mauvais goût, qu’il communiquerait au liquide. Du reste, il est très facile d’éviter cet inconvénient, en carbonisant tout l’intérieur du tonneau. Pour faire les plateaux troués, on choisit du vieux bois de chêne ou de châtaignier que l’on fait préalablement bouillir dans de l’eau fortement vinaigrée, et on nettoie ces plateaux avec du grès toutes les fois qu’on lave la fontaine.

Les fontaines filtrantes employées dans les ménages, surtout à Paris, sont rectangulaires et construites en pierre calcaire poreuse. Pour aérer l’eau, un petit tube en plomb est placé dans l’un des angles du filtre, et son extrémité inférieure pénètre dans l’intérieur du compartiment qui contient l’eau filtrée. Ce tuyau en plomb est dangereux, lors même qu’on a soin de le nettoyer fréquemment pour enlever l’oxyde vénéneux qui se forme à sa surface et dans son intérieur. Un tube d’étain pur, ou mieux un tube de verre, est bien préférable.

On fait aussi des filtres portatifs en grès tourné et creusé, sous la forme de flacons, de bouteilles ou gourdes, destinés principalement aux voyageurs et aux chasseurs. Ces filtres se placent au milieu de l’eau impure, qui se clarifie en passant à travers le grès poreux et s’épanche limpide dans l’intérieur. — Voy. Supplément.

Filtrage des vins, cidres, bières, vinaigres, liqueurs, sirops, huiles, etc. En France, on filtre rarement les vins ; on les clarifie seulement par l’emploi de certains agents et le repos (Voy. Clarification). Quelquefois on filtre la lie au travers d’un filtre en papier placé au fond d’un entonnoir. Les vins d’Espagne et de Portugal, principalement ceux de Madère, qui arrivent en France, sont passés au travers d’une chausse en laine, pour qu’ils soient parfaitement limpides.

Le cidre, la bière et le vinaigre sont, en général, traités comme les vins (Voy. ces mots).

Les liqueurs et les sirops sont soumis d’abord aux agents de la clarification, et ensuite filtrés. Les liquoristes et les confiseurs emploient ordinairement soit une chausse ou blanchet en tissu croisé, ou en feutre, qu’ils suspendent à un bâti appelé carrelet, soit un filtre de papier joseph, ou un entonnoir de verre ou de métal rempli à moitié de coton cardé, de laine tontisse ou de pâte à papier, très blanche. Les plus soigneux se servent d’une chausse en flanelle qu’ils garnissent intérieurement de pâte à papier broyée avec la liqueur elle-même, pour en former un composé très liquide. On verse ce composé dans la chausse placée elle-même dans un entonnoir, et l’on ajoute ensuite une quantité de liqueur suffisante pour remplir la chausse. On agite le mélange avec un bâton et on le verse aussitôt dans un autre vase. Dans cette opération, la pâte à papier s’attache fortement aux parois de la chausse ; elle forme un filtre réunissant toutes les qualités désirables. Il faut avoir plusieurs chausses d’étoffes de laine plus ou moins serrées, que l’on applique avec discernement, selon la fluidité ou la viscosité de la liqueur. — Avant de se servir d’une chausse neuve, on la plonge dans un sirop chaud ou dans une liqueur froide, semblable à celle que l’on veut filtrer afin de resserrer et de boucher les pores du tissu. La chausse imbibée de liqueur est placée dans un entonnoir ou suspendue seulement au moyen d’un cercle de fer passé dans des anneaux et fixé à un support de bois. Si la liqueur filtrée paraît louche au premier abord, on attendra qu’elle coule parfaitement claire, pour reverser dans la chausse la partie trouble passée en premier lieu. Si la liqueur est sujette à l’évaporation, l’entonnoir doit être couvert. — Quand l’opération est finie, la chausse est lavée à grande eau, puis pressée entre les mains sans la tordre, après l’avoir retournée pour en faire sortir tout le sirop et les impuretés dont elle est imprégnée. Les chausses ne sont jamais savonnées ni lessivées, dans la crainte qu’elles ne prennent un mauvais goût et ne s’altèrent promptement.

Les huiles sont généralement épurées, clarifiées et filtrées dans le pays de production, et les consommateurs sont dispensés de leur faire subir aucune autre opération. Au surplus, on peut encore les filtrer dans les ménages, si besoin est, au moyen de la sciure de bois ou du charbon de bois en poudre, ou de la pierre ponce pilée, que l’on dispose dans le creux d’un entonnoir de verre ou de métal. La pâte à papier sert spécialement pour filtrer les huiles fines, notamment pour celles qui sont destinées à l’horlogerie.

En agriculture, la paille et le jonc terrestre sont les matières les plus économiques pour filtrer en grande masse les eaux bourbeuses des étangs, mares et ruisseaux, ainsi que les jus de pommes, de poires, de raisins destinés à servir de boissons.

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