Faisanderie

(Oiseaux domest.). Le faisan n’est qu’à demi-domestique : bien qu’on puisse en rendre quelques-uns assez familiers pour les habituer à aller et venir dans la maison comme le coq le mieux apprivoisé, cet oiseau n’accepte la captivité que pour lui-même ; la femelle captive pond tous les ans, mais elle ne couve pas. La connaissance de ce fait a donné naissance aux deux méthodes en usage pour faire multiplier les faisans, la faisanderie libre et la faisanderie domestique. — Pour organiser une faisanderie libre, il faut entourer de murs ou de très hautes palissades une portion de bois taillis de 4 à 6 hectares d’étendue, contenant des clairières bien gazonnées et, s’il se peut, traversée par un filet d’eau courante. On lâche dans cet enclos 4 à 6 familles de faisans dont chacune est composée d’un mâle et de 5 ou 6 femelles. On a soin de casser le fouet de l’aile aux mâles, pour les empêcher de s’envoler ; tant que ceux-ci restent dans l’enclos, il n’y a point lieu de craindre que les femelles s’en éloignent. À l’époque de la ponte, chaque femelle, sous la protection du mâle, fait choix d’un emplacement écarté où elle construit son nid ; elle y pond de bonne heure au printemps, 12 à 15 œufs, qu’elle couve environ 30 jours. La durée de l’incubation peut varier de 2 ou 3 jours, selon l’état de la température. Chaque poule faisane ayant une couvée à élever, s’empare d’un canton où elle promène sa famille et où elle ne souffre pas que les autres viennent la troubler. Les mâles, depuis l’époque où commencent pour eux les devoirs de la paternité, s’y consacrent entièrement et cessent tout rapport avec les autres groupes. Quand les petits sont élevés, les mâles redeviennent sociables ; on les rencontre alors par bandes nombreuses vivant en bonne intelligence jusqu’à la saison de la ponte de l’année suivante. Rien de plus facile que de faire multiplier les faisans dans une faisanderie libre. Il faut avoir soin qu’ils ne manquent ni d’eau propre, ni de grains, surtout quand la terre est couverte de neige ou durcie par la gelée. Le froment, le sarrasin, le chènevis, le petit maïs, répandus de place en place dans la faisanderie, sont les aliments qui leur conviennent le mieux. Dans la belle saison, on peut diminuer la quantité de nourriture qu’on leur distribue, parce qu’ils trouvent alors dans leur enclos des glands, des faines, diverses graines de plantes sauvages, des limaces, des vers et des larves d’insectes. Pendant l’hiver, on leur ménage un perchoir sous un abri couvert en planches, au pied d’un mur, à l’exposition du midi. — On doit respecter l’humeur sauvage des faisans et n’entrer dans la faisanderie que le moins souvent possible, si l’on veut qu’ils multiplient dans cet état de demi-liberté qui leur convient, du reste, mieux que l’état de domesticité. On prend les jeunes faisans au moment où ils quittent leur mère, et où ils ne sont pas encore assez forts pour voler. Comme ils sont doués d’un robuste appétit, en leur offrant des aliments de leur goût, on les attire aisément dans un enclos préparé d’avance, dont la porte est refermée derrière eux et d’où ils ne peuvent plus sortir. Un autre moyen de s’emparer des jeunes faisans consiste à tendre des panneaux sur un coin de l’enclos, où l’on répand du grain à la tombée de la nuit ; les faisans s’y font prendre en venant manger. Les faisans élevés de cette manière sont les meilleurs de tous pour le peuplement des chasses gardées, et on est toujours sûr d’en obtenir un bon prix. Quant aux personnes qui les achètent, elles doivent s’assurer qu’ils ne proviennent pas d’une faisanderie située à peu de distance du bois où ils doivent vivre ; autrement ils ne manqueraient pas de retourner au lieu de leur naissance.

Dans la faisanderie domestique, on traite les faisans comme oiseaux de basse-cour. Cette méthode est plus embarrassante que la première et donne des résultats moins assurés ; mais elle exige peu d’espace et peut être mise en pratique par quiconque dispose d’une basse-cour qui n’est point occupée par d’autres oiseaux domestiques. Dans le cas contraire, il faut un local entièrement séparé. Une cour carrée, close de murs, ayant de 10 à 12 mèt. de côté, suffit pour 4 coqs faisans, accompagnés chacun de 4 ou 5 poules. L’espace qu’on leur consacre est divisé par des cloisons de treillage ou de grillage de fil de fer, en autant de compartiments qu’on entretient de familles de faisans pour la reproduction. On fait circuler dans une rigole en briques sur champ, un filet d’eau courante à travers tous les compartiments. Partout où ce moyen n’est pas praticable, on enterre de petits baquets ou des terrines de grès, dont l’eau doit être renouvelée tous les jours. Pendant la plus grande partie de l’année, les portes par lesquelles les enclos communiquent les uns avec les autres, restent ouvertes ; les faisans se plaisent évidemment dans la société les uns des autres ; ils ne deviennent querelleurs et ne cherchent à s’isoler que quand vient le moment de la ponte. Comme , dans la faisanderie domestique, la poule faisane ne veut pas couver, on se sert, pour faire éclore les couvées de faisans, de petites poules naines de la race de Bantam, non seulement parce qu’elles sont très bonnes couveuses, mais parce que leur petite taille les expose moins que les poules de grande race à écraser les œufs de faisans, dont la coque est mince et très fragile. De petites cabanes bien couvertes sont construites le long du mur de clôture, autant que possible, à l’exposition du midi ; leur nombre doit être égal à celui des poules faisanes ; chaque cabane contient un nid semblable à ceux où pondent les poules communes. La poule faisane commence à pondre du 1er au 15 mars, et pond régulièrement tous les 2 jours, ou même tous les jours, en prenant, après avoir effectué la moitié de sa ponte, un repos de 8 jours. La ponte est habituellement de 20 œufs ; mais les bonnes poules faisanes donnent ce qu’on appelle une reponte de 5 à 6 œufs, 8 ou 10 jours après la ponte principale ; après quoi, elles cessent de pondre jusqu’au mois de mars de l’année suivante. Les œufs doivent être enlevés tous les jours et toujours par la même personne qui aura soin de les déposer à mesure dans un vase quelconque rempli de son, et en les touchant qu’avec précaution à cause de leur fragilité. L’enlèvement des œufs doit se faire pendant que les faisans sont occupés à consommer la ration qu’on vient de leur distribuer ; il importe beaucoup, surtout pendant l’époque de la ponte, que les faisans soient dérangés le moins possible et qu’ils ne voient pas d’autres personnes que celles qui les soignent habituellement. — Les œufs de faisane, conservés dans du son, dans un lieu frais, attendent, sans que l’existence du germe soit compromise, que les poules communes commencent à vouloir couver. Il ne faut donner à chacune d’elles que 12 œufs de poule faisane, et ne confier le soin de les faire éclore qu’aux meilleures couveuses. Mais ici s’offre une difficulté sérieuse : la durée de l’incubation des œufs de la poule faisane est plus longue que celle des œufs de la poule commune ; au bout de 21 à 22 jours, la poule de Bantam, ne voyant pas sortir des œufs qu’elle couve les petits impatiemment attendus, se lasse et les abandonne ; il n’y aurait donc pas d’éclosion si l’on négligeait d’avoir ce qu’on nomme des poules de relais, c.-à-d. des poules auxquelles on donne, en calculant convenablement le temps, des œufs de leur espèce qu’elles commencent à couver. Le moment venu où celles qui ont commencé l’incubation des œufs de poule faisane, les quittent en désespoir de cause, les poules de relais reprennent la besogne et la mènent à bien. L’extrême familiarité des poules de Bantam se communique jusqu’à un certain point aux couvées de faisandeaux dont elle facilite l’élevage. On place la mère avec les petits non pas sous une mue comme la poule qui est entourée de jeunes poulets, mais dans une petite hutte bien close, si ce n’est du côté du midi. Cette hutte est disposée dans un petit enclos de treillage où les faisandeaux peuvent prendre l’exercice qui leur est nécessaire ; chaque fois qu’ils en sentent le besoin, ils viennent se réfugier sous les ailes de la mère, qui ne manque pas de les rappeler aux heures des distributions. La première nourriture qu’on leur donne consiste en une pâtée formée de mie de pain, de jaune d’œufs cuits émietté et d’œufs de fourmis : ce dernier aliment est celui qui leur est le plus indispensable pendant toute la durée de l’élevage. Voici comment on se procure ces œufs de fourmis : deux hommes, munis d’une pelle à long manche et d’un sac de forte toile, vont au point du jour rechercher les fourmilières dans les bois. L’un des deux ouvre le sac renversé sur la demeure des fourmis, tandis que l’autre avec sa pelle y porte le trouble et réveille les insectes en sursaut. Ne trouvant pas d’issue, les fourmis se réfugient toutes dans le fond du sac, dont on lie l’ouverture pour les retenir prisonnières. Les larves sont alors enlevées sans difficulté. Le sac plein de fourmis est porté dans un four dont le pain vient d’être retiré ; elles s’y dessèchent et peuvent être conservées plusieurs mois en cet état sans se corrompre ; les larves n’ont pas besoin d’être passées au four pour se conserver. Il n’en faut donner aux faisandeaux que très peu à la fois ; c’est un aliment qui les altère beaucoup ; l’eau dont on les abreuve doit être fréquemment renouvelée. À 15 jours, on commence à faire alterner les repas de pâtée avec des repas de criblures de froment à un mois, ils peuvent ne plus recevoir par jour qu’une distribution de pâtée et trois de grains. Vers l’âge de 2 mois, les faisandeaux éprouvent une crise violente, mais qui est rarement dangereuse lorsqu’ils sont bien soignés ; cette crise est causée chez le mâle par la formation des grandes plumes de la queue et chez la jeune poule faisane par la croissance qui, dans l’espace d’une semaine, la fait augmenter de volume d’une manière très marquée. Cette crise passée, les faisandeaux quittent leur mère ; ils peuvent désormais être traités comme les autres oiseaux de basse-cour et nourris principalement de froment, d’orge et de sarrasin.

Dans les pays vignobles, on conserve du marc de raisin desséché pour la nourriture des jeunes faisans. Les carottes cuites, le céleri et le persil crus, grossièrement hachés, et surtout les oignons ou épluchures d’oignons, forment pour eux un supplément de ration très favorable à leur développement et à leur bonne santé. Ceux des faisans qu’on destine au repeuplement des chasses gardées doivent passer leur premier hiver dans la faisanderie domestique ; on a le soin de les préserver du froid pendant les plus mauvais jours. On les met en liberté à l’époque de la reproduction, c.-à-d. vers la fin de février ou le commencement de mars.

Outre le faisan commun, plus facile à élever que les autres espèces, on peut faire multiplier par le procédé qui vient d’être indiqué le faisan doré, d’un admirable plumage, et le faisan argenté, l’un et l’autre originaires de la Chine. Le faisan commun produit avec la poule commune des métis dont la chair est à peu près aussi délicate que celle du faisan lui-même ; ces métis sont plus rustiques que leur père et peuvent être élevés dans la basse-cour avec les autres oiseaux, mais ils ne pondent pas. — V. Gibier (Supplément).

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