Engraissement

Engraissement des bestiaux (Agriculture). L’engraissement du bétail est une des parties les plus importantes de la science agricole. Le cultivateur qui n’en fait point une industrie particulière, a toujours intérêt à employer à l’engraissement du bétail une partie des fourrages, des grains et des racines que produit son exploitation, non seulement parce que la vente des bêtes grasses est toujours lucrative, mais encore parce que l’engrais produit par les animaux pendant le cours de l’engraissement est bien supérieur au fumier des mêmes animaux tenus seulement à la ration d’entretien. — Les conditions qui assurent le succès de l’engraissement sont : 1° un bon choix des animaux à engraisser. En trois mois on engraissera complètement un animal qui est déjà en chair, et il faudra peut-être six mois pour mettre en chair un animal qui a la peau collée sur les os. Les bestiaux qui manquent d’appétit, qui digèrent mal et ne profitent pas de ce qu’ils mangent, ne doivent pas être destinés à l’engraissement ; ils ne payeraient pas par leurs produits la dépense de leur nourriture ; 2° une bonne méthode : quelle que soit celle que l’on adopte, il faut apporter dans son application de l’ordre et une exactitude rigoureuse. Les heures des repas une fois déterminées, il faut les observer avec une ponctuelle régularité, et donner toujours aux animaux la quantité précise de nourriture qui leur est nécessaire, selon leur état d’engraissement ; 3° de bons fourrages ; 4° enfin, le pansage et des soins hygiéniques donnés judicieusement pendant toute la durée de l’engraissement.

Espèce bovine. Lorsque les dents des bœufs de labour commencent à s’user, que les taureaux sont épuisés, que les vaches ne donnent plus de bon lait, ce qui arrive pour les bœufs à 15 ans, pour les taureaux et les vaches à 10 ans, on les engraisse pour les vendre au boucher. Quant aux bœufs spécialement destinés à l’engrais, on commence beaucoup plus tôt, dès l’âge de 4 ou 5 ans p. ex. Le bœuf que l’on veut engraisser doit avoir les os petits, le ventre ample, la bouche et les naseaux d’un rose pâle, le poil épais et luisant. Il doit être vif, gai, manger d’un bon appétit, avoir en un mot tous les signes extérieurs d’une parfaite santé. On peut commencer l’engrais au mois de mai pour le voir achevé à la fin d’octobre, ou à la Saint-Martin, en novembre, pour qu’il soit terminé au mois de mai. — Engrais d’été. Le bœuf, après avoir bu de grand matin de l’eau blanche ou de l’eau mêlée d’un peu de marc de noix ou de betteraves, est conduit dans un bon pâturage. Lorsque la chaleur commence à se faire sentir, on le ramène lentement à l’étable, on lui donne encore à boire, puis on le laisse dormir et ruminer dans un repos absolu pendant 2 heures ; après ce temps, on lui distribue une légère ration de luzerne qu’on met dans le râtelier, avec des pois gris concassés ou des fèves de marais qu’on met dans l’auge ; plus tard on y mêle de l’avoine, du son et des criblures : cette ration mangée, le bœuf doit encore se reposer et ruminer jusqu’à ce que la grande chaleur soit passée ; on le reconduit alors au pâturage jusqu’à la nuit. À son retour, il boit un seau d’eau demi-tiède bien blanchie avec de la farine d’orge, et rentre à l’étable où il devra trouver une litière neuve et de l’herbe fraîchement coupée. Huit jours après le commencement de l’engrais, le bœuf ne boira plus qu’une fois par jour ; huit autres jours après, il boira de deux jours l’un, et ainsi de suite, en diminuant toujours jusqu’à ce qu’il ne boive plus. — Engrais d’hiver. Pendant cette saison, le bœuf doit toujours rester à l’étable et n’en sortir que pour prendre un peu d’exercice par un beau temps. On l’affourage très souvent et en abondance avec du bon foin ou du regain : dans les premiers temps, on peut mêler au foin un tiers de paille d’orge ou de froment fraîchement battue ; en même temps on met dans l’auge des pommes de terre, des navets ou des carottes bien hachés et roulés d’abord dans du son, puis dans de la farine d’avoine, de seigle et d’orge ; vers la fin, on lui donne de temps en temps des pelotes faites avec de la farine d’orge et d’avoine pétries avec de l’eau tiède et du sel. Sa boisson sera toujours de l’eau blanche. Du reste, l’alimentation indiquée ci-dessus peut être modifiée suivant les ressources des localités : elle n’est donnée ici que comme exemple. — Si l’appétit du bœuf languit pendant l’engrais, on lui lave la bouche et la langue avec un mélange de sel et d’ail écrasés dans du vinaigre, puis on le laisse un jour à la diète ou on ne lui donne pour nourriture qu’un peu de son et de l’eau blanche. — Les taureaux et les vaches peuvent être soumis au même système d’engraissement. Pour les veaux, il leur faut des soins particuliers. Voy. Veau.

Espèce ovine. Voy. Agneau et Mouton.

Espèce porcine. Voy. Cochon.

Engraissement des volailles (Basse-cour). Aucune volaille ne devrait être livrée à la consommation sans avoir été engraissée ; dans une volaille maigre, la proportion de la chair aux os est des cinq sixièmes ; dans un poulet gras, cette proportion est de onze douzièmes. Ce fait, constaté par l’expérience, suffit pour démontrer l’utilité de l’engraissement, sans parler encore de la supériorité de la volaille grasse sous le rapport du goût. On peut ajouter qu’à moins de choisir à dessein des aliments chers qui ne donnent pas de meilleurs résultats que d’autres, l’accroissement en poids des volailles engraissées représente toujours beaucoup au-delà de la valeur de ce qu’elles ont consommé pour s’engraisser.

Poulets, poulardes et chapons. — 1° On peut se borner à nourrir ces volailles à discrétion dans une cour de ferme : c’est le procédé le moins embarrassant, mais c’est aussi le plus long et le plus coûteux ; toutes les autres méthodes lui sont préférables. — 2° Engraissement à l’épinette. Les volailles mises à l’engrais dans une épinette (Voy. ce mot), doivent toujours avoir du grain dans leur mangeoire. Tous les grains, à l’exception du seigle, peuvent être employés indifféremment ; cependant on devra préférer l’orge, le sarrasin et le maïs dit maïs à poulet. Cet engraissement dure de 35 à 40 jours ; il coûte fort cher, et les volailles n’arrivent jamais à un état parfait de graisse fine. On gagne du temps en plaçant l’épinette dans un lieu tranquille et obscur, où on ne laisse pénétrer la lumière que pendant les repas, qui ont lieu trois fois par jour. Pour le repas du milieu du jour, le grain peut être remplacé par des pommes de terre cuites écrasées, mêlées d’un peu de farine de froment ou d’orge, et humectées avec du lait caillé. — 3° Eng. à la pâte. Au lieu de présenter aux volailles renfermées dans l’épinette les grains en nature, on les réduit en farines dont on forme une pâte assez ferme pour qu’elle puisse être façonnée en boulettes de la grosseur d’une noisette, lesquelles sont distribuées aux volailles trois fois par jour à discrétion. Toutes les farines se réduisent aisément en pâte, à l’exception de celle du maïs, qui a besoin d’être mélangée avec le quart au moins de son poids d’une autre farine pour prendre consistance avec de l’eau. Quand les volailles sont rassasiées, on leur offre de l’eau à boire et on retire les boulettes qui restent dans la mangeoire. Par cette méthode, moins dispendieuse que la précédente, les volailles parviennent à un état de graisse assez complet dans un espace de 25 à 30 jours. — Ces trois procédés d’engraissement sont défectueux. Le 1er ne donne que ce qu’on nomme des poulets de grain, à demi-graisse, fort bons, mais fort chers, et peu avantageux pour la vente. Le 2e et le 3e, bien que meilleurs, ne conviennent encore qu’à ceux qui craignent la peine et l’embarras. Du reste, la moindre négligence dans la distribution des repas, le défaut de propreté dans l’épinette ou dans le local où elle est placée, un peu de pâte aigre mêlée à la ration des volailles, compromettent le succès de l’opération.

On obtient des résultats plus prompts, plus sûrs et plus économiques par les méthodes suivantes. — Méthode du Mans. Les volailles sont mises dans une épinette particulière qui s’ouvre par-dessus. Les volailles sont prises une à une pour recevoir leur nourriture et remises en place après l’avoir reçue ; pendant ce temps, leur cage a été nettoyée avec soin. Les pâtons qu’on leur distribue sont des cylindres de la grosseur du doigt, longs de 0m,05 à 0m,06 et coupés en biais, pour que leur extrémité terminée en pointe soit plus facile à introduire dans le bec des volailles. La consistance des pâtons doit être telle qu’ils entrent facilement dans leur gosier sans les blesser. Les repas se donnent matin et soir. La personne qui procède à l’empâtement s’assied et place l’animal en travers sur ses genoux, un peu de côté. Tandis que la main gauche ouvre le bec, la main droite y fait entrer un pâton, qui par une légère pression des doigts descend facilement jusque dans le jabot. La volaille repue est replacée dans l’épinette où le silence et l’obscurité la disposent au sommeil favorable à l’engraissement. Elle reçoit le premier jour 3 pâtons le matin et autant le soir ; on augmente la ration d’un pâton le matin et d’un pâton le soir, jusqu’à ce qu’on arrive à en donner autant que l’estomac de la volaille peut en contenir. Chaque fois qu’on empâte, il faut s’assurer en tâtant légèrement le jabot qu’il est vide ou à peu près, et ne donner qu’une demi-ration, ou même supprimer un repas complètement, si l’on reconnaît que le précédent n’a pas été entièrement digéré. L’engraissement par cette méthode dure de 17 à 22 jours ; prolongé au-delà de ce dernier terme, il causerait la mort de l’animal. Les pâtons sont ordinairement faits avec de la farine de sarrasin. La farine d’un décalitre de sarrasin peut suffire à l’engraissement d’une très forte volaille ; celle de 2 décalitres en peut engraisser 3 de grosseur moyenne. Lorsqu’on emploie la farine de maïs mêlée d’un quart de farine d’orge ou de sarrasin, les pâtons doivent être moins gros ; 2 décalitres de ce mélange engraissent 4 volailles d’un volume ordinaire. — Méthode de la Bresse. Elle ne diffère pas essentiellement de celle du Mans ; mais on y emploie à peu près exclusivement la farine de maïs, ce grain étant fort abondant dans le pays. On ne commence l’empâtement que quand les volailles largement nourries au grain en liberté, sont déjà à moitié grasses, de sorte que l’engraissement proprement dit ne dure pas plus de 12 à 15 jours. — Méthode de la Campine (Belgique). Les volailles amenées à un bon état de chair, sans commencement d’engraissement, sont placées, non dans des épinettes, mais sous des mues, semblables à celles sous lesquelles on abrite les poules couveuses. Ces mues reposent sur une couche épaisse de paille assez souvent renouvelée pour que les pattes des volailles ne soient jamais salies ; chaque mue contient de 8 à 12 volailles, selon leur grosseur ; les mues sont rangées en lignes à la suite les unes des autres. La farine de sarrasin, non blutée, est le seul aliment usité pour l’engraissement : elle est pétrie avec du lait de beurre, et, au moment de la distribution, les rations, exactement pesées, sont de 125 gr. par repas, soit à raison de 2 repas semblables, 250 gr. par tête et par jour. Pendant l’empâtement, la personne chargée de cette besogne place à sa gauche une mue vide dans laquelle elle fait passer chaque volaille à mesure qu’elle a reçu sa ration, ce qui rend impossible l’oubli comme le double emploi. L’empâtement n’est pas prolongé au-delà de 10 à 12 jours ; en le continuant jusqu’au 15e jour, on a des volailles grasses égales en qualité à celles du Mans et de la Bresse.

Engraissement des dindons. Il ne faut engraisser les dindons que quand ils ont pris à peu près toute leur croissance ; tant qu’ils grandissent, ils engraissent difficilement. L’engraissement commence par de larges distributions de grains en liberté ; pendant les 10 derniers jours, on les place sous des mues dans un lieu tranquille et obscur, et on les empâte 4 fois par jour avec des pâtons composés par parties égales, de farine d’orge, de farine de sarrasin et de pommes de terre écrasées. La dose, proportionnée du reste à la taille des volailles, est habituellement double de celle qu’on donne aux poulardes et aux chapons.

Engraissement des canards. Ces oiseaux sont si disposés à prendre la graisse, qu’ils deviennent très gras en liberté, pourvu qu’on leur distribue à discrétion toute sorte d’aliments à leur convenance. Dans le Bas-Rhin et la Haute-Garonne, on donne aux canards à l’engrais, en les forçant à rester immobiles sous l’influence d’une température élevée, une maladie qui fait devenir leur foie énormément volumineux ; ce procédé est également pratiqué à l’égard des oies et c’est ainsi qu’on obtient ces fois si renommés sous le nom de foies gras.

Engraissement des oies. On engraisse les oies de septembre en novembre, après qu’elles ont entièrement repris le duvet et les plumes dont on les avait dépouillées. Lorsqu’on ne veut pas amener les oies à un état de graisse exagéré, on peut se contenter de les tenir dans un lieu tranquille et obscur, où on leur distribue 2 ou 3 fois par jour de l’avoine à discrétion ; leur litière doit être renouvelée tous les jours. La plupart de celles qu’on livre à la consommation n’ont pas été engraissées autrement. Pour pousser l’engraissement jusqu’où il peut aller, et obtenir en 35 ou 40 jours des oies du poids de 8 à 10 kilogr., on peut les empâter, comme les poulardes, avec des pâtons faits de farines de maïs et d’orge. On se borne aussi quelquefois à leur faire avaler, au moyen d’un petit entonnoir, du maïs en grain autant que leur jabot en peut contenir. Par ce dernier procédé, il faut de 25 à 30 litres de maïs pour engraisser complètement une oie de grande taille.

Laisser un commentaire