Drainage

(Économie agricole). Personne n’ignore le tort que fait à la végétation des plantes cultivées la présence d’un excès d’humidité stagnante, soit dans la couche de terre labourable, soit dans le sous-sol. Cet excès d’humidité rend les terres difficiles à labourer au printemps et en automne, retarde le mouvement de la végétation à l’issue de l’hiver, fait pourrir les racines des plantes et rend souvent les produits des terres presque nuls comparativement à leurs frais de culture. Les rigoles d’égouttement et les fossés à ciel ouvert creusés pour l’écoulement des eaux superflues, outre qu’ils enlèvent un espace considérable à la production des végétaux utiles, et qu’ils s’encombrent promptement par l’éboulement de leurs bords ne donnent que très imparfaitement les résultats qu’on veut en obtenir. Le drainage est de beaucoup préférable. Il consiste en fossés étroits et profonds, parallèles entre eux, communiquant avec un fossé principal par lequel s’écoulent les eaux ; au fond de chaque fossé, on établit une série de tuyaux de terre cuite posés à la suite les uns des autres, et entourés de pierres grossièrement concassées, de manière que l’eau puisse filtrer à travers les vides qu’elles laissent entre elles, et l’on achève de combler le fossé avec de la terre. Le drainage ainsi pratiqué ne dérobe pas un centimètre carré de terrain à l’agriculture ; il n’exige pas de frais d’entretien, l’empierrement des fossés prévenant tout éboulement intérieur ; il assure en toute saison le soutirage de l’eau en excès, de sorte qu’à l’exception des jours de neige ou de fortes gelées, la terre drainée peut toujours recevoir les façons qu’exige sa culture ; ces avantages compensent et au delà les frais nécessaires pour l’établissement d’un bon drainage. — Avant tout, il faut s’assurer que la terre a besoin d’être drainée. La nature du sous-sol qu’il est toujours facile de vérifier par des sondages, et l’état de la surface comparée à celui des terres saines du voisinage, donnent à ce sujet des indications suffisantes. Voici du reste à quels signes principaux on reconnaît qu’un terrain quel qu’il soit, terre arable, vigne, prés, bois, etc., a besoin d’être drainé : 1° lorsque après la pluie, l’eau séjourne à la surface ou dans les sillons ; quand, après les grandes chaleurs, la terre se fendille ; 2° si la culture se fait habituellement en ados ou billon ; 3° si au printemps le terrain est élastique ou mou ; 4° si on ne peut commencer que tardivement les labours de printemps ; 5° si l’on ne peut labourer que 10 ou 15 jours après une pluie abondante, et si les labours sont difficiles ; 6° si la terre s’attache aux pieds, si le bétail y enfonce ; 7° si les jeunes plants y sont sujets à la gelée, et si après les gelées et dégels ils sont soulevés et déchaussés ; 8° si l’on rencontre des plantes parasites telles que pas-d’âne, sauge, queue-de-cheval, persicaire, presle, menthe, narcisse, laiche, iris, colchique, mousses, etc.

La profondeur à donner aux fosses ou drains ne doit presque jamais être moindre de 1m,10 ; elle est le plus souvent de 1m,30 ; elle peut, selon l’épaisseur du sous-sol imperméable, être portée jusqu’à 2 mèt. La distance entre les lignes parallèles de drains est très variable ; elle dépend entièrement du degré d’humidité naturelle du sol et de la perméabilité plus ou moins grande du sous-sol. Les études, à cet égard, doivent être faites d’avance ; ces points très importants sont réglés pour chaque opération de drainage, selon les circonstances locales ; l’espacement de 6 à 12 mèt. est le plus usité. La place des drains étant jalonnée, il est utile de faire apporter sur le terrain les pierres concassées pour l’empierrement, afin que leur transport ne puisse donner lieu à l’éboulement des bords des fossés. Les tuyaux de terre cuite doivent aussi être tenus prêts, de manière que la besogne ne souffre aucun retard. Toutes ces dispositions préliminaires étant bien prises, on peut creuser les fossés avec économie en leur donnant des côtés presque perpendiculaires et une ouverture supérieure peu différente en largeur de celle du fond. De plus, si l’on procède, sans désemparer, à la pose des tuyaux et à l’empierrement, l’éboulement des bords n’est jamais à craindre. Le diamètre des tuyaux varie selon le volume de l’eau qui est présumée devoir y couler. Le diamètre de 0m,06 et la longueur de 0m,35, sont les proportions les plus usitées. Bien que les tuyaux semblent se joindre très exactement, il reste toujours entre eux assez d’espace libre pour livrer passage au courant d’eau souterrain.

La série d’outils nécessaire à un atelier de 3 hommes se compose de :
1° Une grande bêche de 0m,40 de fer, manche à œil, coûtant moyennement : 8 fr.
2° Une bêche de fond de 0m,40 de fer, à pédale, manche à œil : 7 fr.
3° Une pelle en tôle : 3 fr.
4° Une drague dite curette : 5 fr.

Total : 23 fr.

Une seule série des outils ci-après suffit pour un chantier composé de 5 ou 6 ateliers :
Une drague pour collecteur à petit manche 6 fr.
Une drague pour collecteur à long manche 6 fr. 50
Une drague pour drains ordinaires à long manche 5 fr. à 5 fr. 50
Un posoir à double collet 3 fr.
Un martelet à ajuster les tuyaux au point de rencontre 3 à 4 fr.

Total : 25 fr. 00

La nécessité de fabriquer à très bas prix les tuyaux de terre cuite pour le drainage a fait inventer des machines appropriées à ce genre de fabrication, et qui permettent de livrer les tuyaux du diamètre le plus usité à 20 ou 25 fr. le mille.

On trouve aussi des entrepreneurs qui se chargent à forfait de toutes les opérations du drainage qui revient alors, dans les conditions ordinaires, à 175 ou 200 fr. l’hectare, tous frais compris.

Drainage par perforation. Dans les terrains où le niveau du sol est très peu élevé, et où le drainage par tuyaux serait presque impossible, on a recours au drainage perpendiculaire. On perce, au moyen d’une sonde ou vrille des trous plus ou moins profonds dans le sous-sol, de manière à atteindre une couche perméable, et on introduit dans le trou une pièce de bois pour l’empêcher de se reboucher : 6 000 perforations par hectare en donnent 60 par 100 mètres . Ces distances rapprochées permettent à l’eau des pluies de s’échapper très rapidement. La perforation vivifie une superficie de 0m,20 autour de l’ouverture, et fait, pendant la sécheresse, monter l’humidité le long des issues perforées. La terre amenée à la surface améliore et ameublit le sol. Le drainage par perforation peut être appliqué sans bouleverser le champ. On paye généralement par 100 perforations de 1 fr. à 1 fr. 50 ; 100 pièces de bois coûtent 2 fr. ; 2 vrilles, l’une de 1 mèt., l’autre de 1m,50, se payent 10 fr. Ces vrilles sont du même modèle que celles qui servent à perforer les corps de pompes en bois.

Drainage (Législation). Tout propriétaire qui veut assainir son fonds par le drainage, peut, moyennant une juste et préalable indemnité, fixée soit à l’amiable, soit par le juge de paix, en conduire les eaux, souterrainement ou à ciel ouvert, à travers les propriétés qui séparent ce fonds d’un cours d’eau ou de toute autre voie d’écoulement. Sont exceptés de cette servitude les maisons, cours, jardins, parcs et enclos attenant aux habitations. Les propriétaires de fonds voisins ou traversés ont la faculté de se servir des travaux faits pour l’écoulement des eaux de leurs propres fonds ; dans ce cas, ils supportent les dépenses résultant des modifications que l’exercice de cette faculté peut rendre nécessaires, et contribuent ensuite à l’entretien des travaux devenus communs. Les mêmes droits et les mêmes obligations existent à l’égard des propriétaires qui s’associent pour assainir leurs héritages au moyen de travaux d’ensemble ; ces associations peuvent, sur leur demande, être constituées en syndicats, par arrêtés du préfet. Ces associations syndicales peuvent être déclarées d’utilité publique.

Les contestations sur l’établissement et l’exercice de la servitude, la fixation du parcours des eaux, l’exécution des travaux de drainage, les indemnités ou les frais d’entretien, sont portées en premier ressort devant le juge de paix ; l’appel de sa sentence est porté devant le tribunal de 1re instance. S’il y a lieu à une expertise, il peut n’être nommé qu’un seul expert.

La destruction totale ou partielle des travaux exécutés pour le drainage, conduits d’eau ou fossés évacuateurs, est punie d’un emprisonnement d’un mois à un an, et d’une amende égale au quart des restitutions et des dommages-intérêts, et qui ne peut être au-dessous de 50 fr. Tout obstacle apporté au libre écoulement des eaux est puni de la même amende, et, s’il y a eu quelques dégradations, d’un emprisonnement de 6 jours à 1 mois. Les lois réglant la police des eaux s’appliquent au drainage.

Les particuliers et les associations de propriétaires qui veulent exécuter les dispositions légales sur le drainage peuvent obtenir le concours gratuit des ingénieurs du service hydraulique, des conducteurs et autres agents placés sous leurs ordres. Des hommes capables de diriger un atelier sont mis à la disposition des propriétaires pendant le temps nécessaire pour donner aux gens du pays l’habitude des travaux. Ces chefs d’ateliers sont généralement payés à raison de 3 ou 4 fr. par jour. Les propriétaires qui veulent profiter de ces avantages doivent adresser à la préfecture ou à la sous-préfecture une pétition sur papier timbré, dont voici le modèle.

Monsieur le Préfet,

Le sieur… domicilié à… canton de… a l’honneur de vous exposer qu’il est dans l’intention de faire drainer… pièce de… sise en la commune de… lieu dit… d’une contenance de… portant le n°… section… du plan cadastral et dont le plan à l’échelle de … est joint à la présente demande ; il vous prie, Monsieur le Préfet, de lui accorder le concours de l’administration, notamment pour (dresser les plans, surveiller les travaux, fournir des chefs d’atelier, indiquer des entrepreneurs, prêter des outils, etc.)

Dans le cas où les plans produits ne seraient pas suivis d’exécution dans le délai de 2 ans, il s’engage à verser dans la caisse départementale une indemnité de… par are de la surface comprise dans le périmètre du projet.

Il désire commencer les travaux vers le… du mois d… (Date et signature).

La loi du 17 juill. 1856 sur le drainage autorise le gouvernement à avancer aux cultivateurs les sommes nécessaires pour ce genre de travaux. Le Crédit foncier de France (Voy. ce mot) est chargé du service de ces prêts : c’est aux bureaux de cette administration que les propriétaires doivent s’adresser pour obtenir le prêt des sommes dont ils pourraient avoir besoin.

Laisser un commentaire