Conditions

(Droit). On donne quelquefois ce nom aux différentes clauses auxquelles on soumet une obligation : on confond alors les conditions proprement dites avec les charges et autres modifications qu’une obligation peut subir. Mais on ne doit regarder comme conditionnel, dans le sens de la loi, que l’engagement qu’on fait dépendre d’un événement futur et incertain, soit qu’on le suspende jusqu’à ce que l’événement arrive (condition suspensive), soit qu’on déclare qu’il sera résilié si tel événement arrive ou n’arrive pas (condition résolutoire). On peut stipuler toute condition de l’une ou l’autre espèce, sous les restrictions suivantes. Toute condition de faire une chose impossible, ou contraire aux mœurs, ou défendue par les lois, est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend ; telle serait la promesse de payer une somme à une personne pour commettre une action nuisible à autrui et se déshonorer elle-même ; la condition de ne pas faire des choses impossibles, immorales ou illégales n’est pas nulle. On peut soumettre une obligation à une condition dépendant seulement du hasard, ou, du moins, ne dépendant de la volonté d’aucune des parties, p. ex. : je payerai si tel vaisseau attendu est arrivé à telle époque ; on peut convenir d’une condition qui dépende à la fois de la volonté de celui qui s’engage et de la volonté d’un tiers, p. ex. : je m’oblige à telle chose si mon voisin avec lequel je suis en marché me vend sa maison pour le prix que je lui en offre. Mais celui qui s’engage ne peut le faire sous une condition qui ne dépende que de sa volonté seule, puisque alors, maître de se dédire quand il lui plaira, il ne s’oblige en réalité à rien ; telle serait la promesse de vendre sa maison à quelqu’un, si l’on se décide à l’aliéner ; des obligations de ce genre sont nulles. Mais un débiteur qui a pris un engagement sérieux, qui le lie, peut en subordonner l’exécution à des délais dépendant de lui seul ; p. ex., un acheteur peut stipuler qu’il payera le prix convenu à sa volonté, en payant jusque-là les intérêts du prix. — Les règles des conditions dans les contrats s’appliquent à celles que l’on inscrit dans les donations et les testaments. Il y a toutefois cette différence que, tandis que dans les conventions les conditions contraires aux mœurs et aux lois annulent la convention, dans les donations et testaments, elles sont considérées comme n’existant pas, et laissent subsister la disposition elle-même comme si elle avait été faite sans condition. On regarde comme n’engageant pas un donataire ou légataire la condition de ne pas se marier ; mais est très valable et obligatoire la condition de se marier ; vous pouvez donc donner à telle personne si elle se marie, ou si elle épouse telle personne dénommée.

Quand une condition a été établie, les parties doivent l’accomplir de la manière dont elles ont vraisemblablement voulu et entendu qu’elle le fût ; en cas de contestation sur l’exécution, les tribunaux décident. La condition est réputée accomplie, lorsque c’est l’obligé qui en a empêché l’accomplissement ; ainsi une donation mutuelle entre époux faite au survivant ne s’ouvre pas au profit de celui des époux qui a causé la mort de l’autre ; c’est lui qui a empêché la condition de survie de s’accomplir naturellement ; les biens donnés passent donc aux héritiers de la victime. Si une obligation est subordonnée à la condition qu’un événement arrivera dans un délai fixé, et que l’événement n’arrive pas dans cet intervalle, la condition est censée défaillie ; p. ex. : je m’engage à vous prêter une somme si tel vaisseau attendu d’Amérique arrive dans 3 mois dans tel port ; si le bâtiment n’est pas entré au port après l’expiration des trois mois, la condition de mon engagement manque : je ne suis plus tenu à rien envers vous. Si aucun temps n’a été fixé, la condition peut s’accomplir jusqu’à ce qu’il soit certain que l’événement ne s’accomplira pas ; p. ex., si je vous ai promis de vous céder mon commerce au retour de mon vaisseau dans tel port, l’engagement tombe par la nouvelle que le bâtiment a péri sur mer. La condition qu’un événement n’arrivera pas dans un temps donné est accomplie quand le délai fixé s’est écoulé sans que l’événement soit arrivé, ou si, avant le terme, il est certain que l’événement n’arrivera pas ; p. ex., une donation que je fais sous la condition que ma sœur n’aura pas d’enfants durant 5 ans devient sans condition, si les 5 ans se sont écoulés sans que ma sœur ait eu aucun enfant, ou si elle meurt avant l’expiration des 5 années ; il en serait de même si aucun délai n’avait été déterminé et que ma sœur fût morte sans enfant, parce qu’il était certain, par son décès, que l’événement de la condition n’arriverait plus. — Lorsqu’une condition s’accomplit, l’obligation qui y était subordonnée est censée avoir eu son effet le jour même où elle a été contractée ; si celui qui devait en profiter meurt avant l’accomplissement de la condition, ses droits passent à ses héritiers. Le créancier peut, avant l’accomplissement de la condition, exercer les actes conservatoires de son droit ; p. ex., si je m’oblige à vous prêter une somme de à la condition que, dans tel délai, tel débiteur m’aura payé la somme de qu’il me doit ; vous pouvez, en attendant l’accomplissement de la condition, prendre hypothèque sur ma maison pour sûreté du prêt que je vous ai promis (C. Nap., art. 1168-1180).

Condition résolutoire. Elle ne suspend point l’obligation ; mais lorsqu’elle s’accomplit, elle opère la révocation de cette obligation, et remet les choses en même état que si elle n’avait pas existé : celui qui a reçu doit restituer ; p. ex., je vous donne ma maison, sous la condition que mon frère n’aura pas d’enfant ; s’il naît un fils à mon frère, la condition prévue s’accomplit, la donation est résolue, et vous devez me restituer la maison donnée. Tous les droits que celui qui a reçu avait concédés à des tiers sont résolus comme ses propres droits, par l’événement de la condition. — Lorsqu’il s’agit d’un contrat imposant des obligations à chacune des parties, comme une vente, qui soumet le vendeur à livrer et garantir la chose vendue, et l’acheteur à payer le prix, il est toujours sous-entendu, sans qu’il soit besoin de l’exprimer, que la convention sera résiliée si l’une ou l’autre partie manque à ses engagements ; cette résolution, toutefois, n’a pas lieu de plein droit ; celui qui a à s’en plaindre doit agir en justice, et peut demander ou que l’autre partie soit obligée, si cela est possible, d’exécuter la convention, ou que le contrat soit résolu avec dommages-intérêts. Les juges peuvent, suivant les circonstances, accorder au débiteur ainsi poursuivi un délai pour l’exécution de son obligation. Le débiteur peut échapper à la résolution en exécutant son engagement, même après le terme convenu, jusqu’à ce qu’il ait été condamné en dernier ressort. Les parties peuvent convenir qu’en cas d’inexécution de leurs engagements dans le délai fixé, la convention sera résolue de plein droit, sans qu’il soit besoin de demander la résiliation en justice. Si la partie qui a encouru cette résolution ne restitue pas ce qu’elle a reçu, les tribunaux ne peuvent accorder au débiteur aucun délai : ils doivent le condamner aux conséquences de la résolution (C. Nap., art. 1183-1184).

Condition suspensive. Elle empêche l’obligation de s’exécuter, tant que l’événement prévu ne s’accomplit pas. Si l’obligation consiste dans la livraison d’une chose, par exemple la vente d’une maison, d’un mobilier, subordonnée au retour ou à la mort d’une personne, la chose demeure, en attendant, aux risques de celui qui s’est engagé à la livrer lors de l’événement de la convention ; si cette chose périt sans sa faute, l’obligation est éteinte ; si elle est détériorée sans sa faute, celui à qui elle devait être livrée a le choix, le moment venu, ou de faire résoudre l’obligation, ou d’exiger la livraison de la chose dans l’état où elle se trouve, sans diminution du prix convenu ; si c’est par la faute du débiteur que la chose s’est détériorée, l’autre partie a le droit ou de résoudre l’obligation, ou d’exiger la chose dans l’état où elle se trouve, avec des dommages-intérêts (C. Nap., art. 1181-1182).

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