Compromis

(Droit). Un acte de compromis est indispensable pour donner à des arbitres le droit de prononcer sur les contestations dont le jugement leur a été volontairement déféré. Il peut avoir pour objet toutes les difficultés qui existent entre les parties, ou bien seulement une ou plusieurs contestations spéciales. Il doit être librement consenti, sans violence, fraude ni erreur.

1° Le compromis se fait par écrit ; il a lieu, soit d’avance, dans un acte notarié, ou dans un acte sous seing privé, soit par un procès-verbal passé devant les arbitres choisis (C. de proc. civ., art. 1005), et signé par les parties. Un compromis simplement verbal serait nul ; toutefois cette nullité ne serait pas encourue si les parties signaient la sentence arbitrale dans laquelle se trouveraient toutes les mentions que le compromis doit contenir. Le compromis peut être établi par toutes sortes d’actes sous seing privé, même par une correspondance, si elle renferme un lien réciproque pour les parties. Lorsqu’il est fait par procès-verbal devant les arbitres, un seul original de cette pièce suffit ; mais s’il a été contracté par un acte entre les parties, il doit y avoir autant d’originaux que de parties, sous peine de nullité ; cette nullité serait couverte toutefois par la partie qui aurait exécuté le compromis. Il doit aussi être fait mention du nombre des originaux. — Il faut que le compromis soit revêtu de la signature de chaque partie ou de son fondé de pouvoir : celui qui n’aurait pas signé pourrait demander la nullité de l’arbitrage, à moins qu’il n’eût acquiescé à la sentence arbitrale ou ne l’eût volontairement exécutée.

Le compromis doit contenir, à peine de nullité, la désignation des objets en litige et les noms des arbitres (C. de proc., art. 1006). — Il faut donner aux arbitres la connaissance la plus précise et la plus complète que l’on pourra, des points qu’on entend leur soumettre, et éviter à ce sujet, les locutions générales. On ne regarde plus comme valables les causes appelées compromissoires, autrefois en usage dans plusieurs contrats, notamment dans les polices d’assurance, et par lesquelles on convenait d’avance que toutes les contestations qui pourraient naître du contrat actuellement passé, ou de quelqu’une de ses parties, seraient déférées à des arbitres qu’on choisirait ultérieurement, s’il y avait lieu. Toutefois des commerçants associés, peuvent convenir d’avance dans leur acte de société qu’ils soumettront à des arbitres amiables compositeurs toutes les difficultés qui s’élèveront entre eux relativement à la société. Quoique la désignation spéciale des points en litige soit exigée, les arbitres pourraient prononcer, sans que le compromis en ait fait mention, sur les conséquences nécessaires et immédiates des points qui leur auraient été déférés, et sur les dommages-intérêts résultant de l’inexécution d’un contrat soumis à l’arbitrage. — Les noms des arbitres doivent se trouver dans le compromis ; toutefois la désignation par la qualité pourrait remplacer celle des noms, p. ex., le maire de la commune, le président de la Cour d’appel, le juge de paix du canton, etc. On peut désigner aussi un être collectif, comme la chambre des notaires, la chambre de commerce, le conseil d’administration de telle compagnie. Les désignations individuelles, exprimées par les noms, sont toujours plus sûres. Le nombre des arbitres que le compromis peut désigner n’est pas limité ; il est bon de les prendre en nombre impair, pour qu’en cas de dissentiment, il y ait une majorité, et qu’on ne soit pas obligé de recourir à un tiers arbitre.

Le compromis peut contenir des conditions diverses, donner aux arbitres des pouvoirs plus ou moins étendus, les autoriser à juger comme amiables compositeurs, renoncer à attaquer la sentence qui interviendra, sauf quelques exceptions toujours réservées par la loi. Voy. Arbitrage.

Le compromis doit être écrit sur papier timbré et enregistré ; l’enregistrement coûte 3 fr. de droit fixe, à moins que l’acte ne contienne obligation de sommes et valeurs donnant lieu à la perception du droit proportionnel.

2° Le compromis peut être passé par toute personne, pourvu qu’elle soit légalement capable et qu’elle ait la libre disposition de l’objet sur lequel porte le compromis (C. de proc., art. 1003). En conséquence, ne peuvent compromettre : le mineur non émancipé, le mineur émancipé, pour les actes dépassant l’administration de ses biens, ou, s’il est commerçant, pour tous actes autres que ceux de son commerce ; l’interdit ; l’individu pourvu d’un conseil judiciaire et agissant sans l’assistance de ce conseil ; la femme mariée non autorisée ; le mari pour la partie des biens de sa femme dont la loi ou le contrat de mariage ne lui attribue pas la disposition ; le tuteur pour tout autre objet qu’un acte d’administration, et lors même qu’il y aurait eu autorisation du conseil de famille ; le curateur d’un absent et les envoyés en possession, dans les cas d’absence ; le mandataire non pourvu d’un pouvoir spécial ; les maires et administrateurs des hospices et établissements publics ; le gérant ou liquidateur d’une société civile ou commerciale ; le failli ; celui qui a fait cession de biens ; les syndics d’une faillite, quant aux intérêts du failli ; l’héritier bénéficiaire s’il veut conserver sa qualité d’administrateur et ne pas prendre celle d’héritier pur et simple ; les condamnés à une peine afflictive ou infamante, pendant la durée de la peine. Le mineur, l’interdit, la femme mariée peuvent seuls attaquer le compromis qu’ils ont fait malgré leur incapacité ; mais toute personne intéressée peut demander la nullité du compromis passé par un des autres incapables qui viennent d’être énumérés.

Les personnes capables peuvent faire un compromis sur tous les objets qui ne sont pas exceptés par la loi. On ne peut compromettre sur une question d’état civil (C. de proc., art. 1004), ce qui embrasse les difficultés sur les mariages, la filiation, l’adoption, la majorité ou la minorité, la qualité de Français ou d’étranger, etc. De telles questions ne peuvent pas être soumises à des arbitres, lorsque leur solution serait nécessaire pour vider un différend relatif à un simple intérêt pécuniaire. On ne peut compromettre sur les séparations de corps ou de biens, sur des contestations relatives à des dons et legs d’aliments, sur aucune des affaires qui doivent être communiquées au ministère public ; les causes de cette dernière nature sont toutes celles qui concernent l’État, le domaine, les communes, les établissements publics, les dons et legs au profit des pauvres, les tutelles, les déclinatoires sur incompétence, les règlements de juges, les récusations et renvois pour parenté et alliance, les prises à partie ; les mineurs, les personnes défendues par un curateur, les femmes mariées lorsqu’il s’agit de leur dot, et qu’elles sont mariées sous le régime dotal (C. de proc., art. 83). Si on ne peut compromettre sur la dénonciation, sur l’existence d’un délit, il est permis de le faire sur les questions d’intérêt purement civil, de réparation, dommages-intérêts, résultats ou conséquences du délit.

3° Le compromis prend fin : par la mort d’un des arbitres (C. de procéd. civ., art. 1012) ; par la mort d’une des parties, si elle laisse des héritiers mineurs, mais non si tous ses héritiers sont majeurs (art. 1013) ; par le refus de l’un des arbitres d’accepter la mission de juger (art. 1012), refus qui doit être dûment constaté avant de procéder au remplacement ; par le déport, c.-à-d. la démission, le refus de prendre part à l’arbitrage après l’avoir accepté : il en est de même des empêchements involontaires ; du reste, les arbitres ne peuvent plus abandonner leur mandat une fois que leurs opérations sont commencées (art. 1012, 1014), à moins qu’ils ne justifient d’une cause légitime ; par la récusation des arbitres, qui ne peut avoir lieu que pour des causes survenues depuis le compromis (art. 1014) : les motifs de récusation sont, en général, les mêmes que ceux qu’on peut faire valoir contre les juges de première instance ; les tribunaux civils statuent sur la récusation. Le décès, refus, déport ou empêchement d’un arbitre ne fait pas cesser le compromis, si les parties ont stipulé qu’en ces cas il sera passé outre, ou que le remplacement sera à leur choix ou au choix de l’arbitre ou des arbitres restants. — Le compromis prend encore fin si, pendant le délai qu’ils ont pour juger, les arbitres sont révoqués du consentement unanime des parties (art. 1008) ; cette révocation peut être notifiée aux arbitres même par une simple lettre signée de toutes les parties ; si le délai pendant lequel doivent durer les pouvoirs des arbitres vient à expirer : ce délai est celui que les parties ont elles-mêmes stipulé ; si elles ne l’ont pas réglé, il est de 3 mois à partir du jour du compromis (art. 1007, 1012). Le délai est prorogé s’il s’élève des incidents, tels qu’une inscription de faux, pendant la durée de l’arbitrage (art. 1015) ; il reprend à partir du jugement de l’incident. Les parties peuvent, par un acte postérieur et séparé fait dans les mêmes formes que le compromis, prolonger le délai du compromis, ou autoriser les arbitres à le proroger. La nomination d’un tiers arbitre proroge le délai du compromis pendant le temps que durent les pouvoirs de ce tiers. La prorogation peut être consentie sans écrit, et elle résulte de ce qu’après le délai les parties ont comparu devant les arbitres et y ont défendu contradictoirement leurs prétentions. — Enfin le compromis cesse par le partage d’opinions déclaré entre les arbitres, s’ils n’ont pas le pouvoir de prendre un tiers arbitre (art. 1012).

Formules. — 1° Compromis avant procès. Entre les soussignés (nom, prénoms, domicile, profession ou qualité de chacune des parties), il a été dit et convenu ce qui suit (ici un exposé détaillé des faits et une indication précise de ce qui forme le différend). Dans cet état de choses, ne voulant pas porter leurs contestations devant les tribunaux, les susdits… sont convenus et conviennent de les faire juger par des arbitres, ainsi qu’il suit : M… nomme pour son arbitre M… (nom, prénoms, profession, domicile), et M…, de son côté, nomme M… Si ces deux arbitres ne peuvent s’accorder sur la décision à rendre, ils nommeront un tiers arbitre, et s’ils ne peuvent s’entendre sur cette nomination, elle sera faite, à la requête de la partie la plus diligente, par le président du tribunal civil de… — En cas de décès, refus, déport ou empêchement de l’un des arbitres, la partie qui l’a nommé en choisira un autre dans les… jours de la sommation qui lui en sera faite, sinon la nomination sera faite par le président du tribunal de… Si le tiers arbitre vient à décéder, refuser, se déporter ou être empêché, son remplaçant sera nommé par les deux parties, sinon par le président du tribunal. (Si le tiers arbitre avait été nommé par le président du tribunal, on dirait : son remplaçant sera nommé de la même manière qu’il a été nommé lui-même). Les arbitres statueront sur les contestations ci-dessus, et sur toutes les demandes incidentes ou accessoires, dans le délai de… à partir de ce jour.

[Si les parties veulent dispenser les arbitres de la rigueur du droit, et leur donner le pouvoir de juger souverainement, elles pourront établir les deux clauses suivantes : Les arbitres ne sont pas tenus de suivre les délais et formes de la procédure, ni de faire l’application rigoureuse des règles du droit ; mais ils pourront juger comme amiables compositeurs, d’après les seules règles de l’équité. — Les parties s’engagent à accepter la décision qui sera rendue, et à l’exécuter comme jugement en dernier ressort, renonçant à l’attaquer par appel ni requête civile].

Si l’une des parties ne comparaissait pas devant les arbitres, il lui serait fait, à son domicile, sommation de se présenter, et il ne pourrait être statué par défaut contre elle que… jours après cette sommation.

Pour l’exécution du présent compromis, chacune des parties fait élection de domicile en sa demeure.

Fait double (ou triple, etc.) à… le… (Date et signatures).

2° Compromis après jugement. — (L’indication des noms des parties, puis l’exposé des faits, sont suivis de la mention détaillée, avec la date du jugement ou de l’arrêt, des points qu’il a jugé, de la nature du recours dont il a été frappé, si l’une des parties l’a attaqué ; après quoi on ajoute) : Les parties s’étant rapprochées, et voulant faire cesser tout procès devant les tribunaux, sont convenues de faire juger leurs contestations par des arbitres ainsi qu’il suit : (recourir à la formule précédente ; ajouter que les parties déclarent se désister des actes de procédure faits jusqu’alors et consentent à en supporter les frais ; que celle qui a obtenu le jugement ou l’arrêt du… consent à le considérer comme non avenu).

3° Compromis par procès-verbal devant arbitres. — L’an… le… par-devant nous (noms, prénoms, profession, demeure) réunis dans le cabinet de M… à… rue… sont comparus… (noms, prénoms, profession, domicile des parties), lesquels nous ont exposé (mention détaillée de l’objet du différend), que voulant éviter un procès devant les tribunaux, ils nous ont choisis pour arbitres, à l’effet de juger leurs contestations de la manière suivante : (conditions du compromis comme dans la première formule).

En conséquence MM… nous ont requis de recevoir leurs déclarations, de dresser procès-verbal de leurs réquisitions, et de leur donner acte de notre nomination comme arbitres, et ont signé après lecture. (Signatures des parties).

Sur quoi, nous, arbitres susdits et soussignés, avons donné acte aux parties de leurs comparution, dires et réquisitions, avons accepté et acceptons les pouvoirs qu’elles nous ont conférés, et nous sommes constitués en tribunal arbitral, à l’effet de statuer sur les contestations qui nous sont soumises.

(Mentionner, en continuant le procès-verbal, si une des parties ou les parties ont été entendues, sinon terminer ainsi 🙂 et pour entendre les parties nous nous sommes ajournés au… heure de… dans le cabinet de M… jour, lieu et heure où les parties se sont engagées à comparaître sans sommation.

Et avons signé avec les parties après lecture faite. (Signature des arbitres et des parties.)

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