Choléra

(Médecine, Hygiène). L’effroi trop bien motivé, causé par la première invasion en Europe du choléra asiatique, s’est en partie dissipé, depuis que les visites réitérées du fléau ont familiarisé les médecins avec les moyens de le combattre. Ce n’est plus, pour ainsi dire, aujourd’hui qu’une maladie comme une autre, dont il ne faut pas s’alarmer outre mesure, et qui n’a de réellement redoutable que la rapidité de sa marche, qui déjoue quelquefois toutes les prévisions du médecin. Au point de vue pratique, le choléra n’est pas contagieux ; il ne se gagne pas par le contact de ceux qui en sont atteints. Ce serait donc une véritable lâcheté que de laisser dans l’abandon les malades frappés du choléra. Quand cette maladie règne sous la forme épidémique, chacun peut en être atteint, aussi bien en s’éloignant des cholériques qu’en leur donnant les soins réclamés par leur état. Ce qu’on doit faire, en temps de choléra, c’est de conserver le repos d’esprit si nécessaire à la santé du corps, sans rien changer d’ailleurs à sa manière ordinaire de vivre, d’éviter toutes les occasions de commettre des imprudences ou des écarts de régime. Voici du reste l’instruction rédigée par l’Académie impériale de médecine sur les premiers signes du choléra, et sur les soins à donner aux personnes qui en sont atteintes.

« Le choléra épidémique ne se déclare guère d’une manière soudaine : presque toujours plusieurs symptômes en signalent d’avance l’invasion. C’est dès l’apparition de ces accidents précurseurs, qu’il faut se presser de les attaquer vivement ; l’expérience l’a démontré, ce traitement de prévoyance a d’immenses avantages contre chaque cas en particulier, et contre l’épidémie en général. Quand on peut ainsi combattre à temps les symptômes qui servent d’acheminement au choléra, on a toute chance d’arrêter la maladie dans son principe, ou, du moins, de lui préparer une issue facile et favorable.

« Les plus fréquents de ces symptômes avant-coureurs sont les borborygmes ou grouillements d’entrailles, la colique, le dévoiement. Aussitôt qu’ils se déclarent, même à des degrés faibles, que l’on se hâte de prendre du repos, de garder le lit et de faire diète (Voy. Cholérine). À cela il faut joindre : un bain de jambes très chaud, d’un quart d’heure de durée, pris immédiatement avant de se mettre au lit, et que l’on a rendu plus actif en y ajoutant du sel, du savon, du vinaigre ou de la moutarde en poudre ; des cataplasmes faits avec la mie de pain, ou la pomme de terre, ou la farine délayée dans une forte décoction de têtes de pavots, ou bien ces mêmes cataplasmes préparés à l’eau, et arrosés de laudanum ; on en recouvre tout le bas-ventre, et l’on a soin de maintenir ces cataplasmes constamment chauds et humides ; une infusion de fleurs de mauve, de violettes, de tilleul, ou bien de l’eau de riz légère, et que l’on donnera par demi-tasses toutes les heures avec la gomme arabique ; des demi-lavements ou des quarts de lavements avec la décoction, soit d’amidon, soit de son, auxquels on ajoute moitié d’une forte décoction de têtes de pavots, ou de feuilles de laitue, et mieux encore 6 à 8 gouttes de la teinture de Rousseau, ou 15 à 20 gouttes de laudanum de Sydenham.

« Si les accidents persistent et augmentent, on aura recours à des moyens plus actifs. Aux personnes d’un tempérament faible, lymphatique, lorsque la langue est molle, épaisse, humide et recouverte d’un enduit blanchâtre, ou jaunâtre, on donne l’ipécacuanha, et l’on soutient les effets du vomissement par de fréquentes doses d’eau chaude. Chez les individus jeunes, robustes, sanguins, sujets aux inflammations, on emploie les sangsues appliquées à l’anus ou sur le bas-ventre. Souvent on fait précéder les sangsues d’une saignée au bras, plus ou moins considérable, suivant l’âge ou les forces du malade. Toutefois, pour décider de la nécessité de l’ipécacuanha ou de la saignée, dans ces circonstances, l’avis d’un homme de l’art serait fort désirable. — Le soir, à l’heure du sommeil, on prend une pilule d’extrait gommeux d’opium de 5 centigr., ou une pilule de cynoglosse de 25 centigr. On peut prendre aussi, soit 8 gr. de diascordium, soit 4 gr. de thériaque dans un tiers de lavement, plusieurs fois dans les 24 heures. On fait usage des sinapismes appliqués successivement aux pieds, aux jambes, aux cuisses, et même sur l’abdomen. Les sinapismes sont dans cette période d’une grande efficacité.

« Les borborygmes, la colique, le dévoiement, ne sont pas les seuls signes précurseurs du choléra ; il s’annonce encore quelquefois par des douleurs au creux de l’estomac, par le manque d’appétit, par des envies de vomir, par des maux de tête, par des lassitudes et par des crampes. Sans doute l’ensemble des moyens que nous venons d’indiquer s’applique également à ces derniers symptômes ; leur localité spéciale exige cependant aussi quelques soins particuliers. Ainsi, aux douleurs d’estomac et aux vomissements, on oppose des applications de sangsues, des cataplasmes sur le creux de l’estomac ; la glace prise fréquemment par petits morceaux ; 5 ou 6 gouttes d’éther dans une cuillerée d’eau fraîche ; la potion antiémétique de Rivière. — On combat les crampes par des bains chauds, par des frictions avec les flanelles chaudes, par le massage, par des ligatures ou bandes de linge serrées fortement autour des membres, par un liniment composé avec huile essentielle de térébenthine, 2 p. ; laudanum de Sydenham, 1 p. ; huile de camomille camphrée, 1 p. ; et dont on frotte fréquemment les jambes, les cuisses, les bras et l’épine du dos. Si les urines commencent à se suspendre, on donnera 5 à 6 gouttes d’éther sulfurique, ou 20 centigr. de sel de nitre dans une cuillerée d’eau sucrée, réitérée toutes les deux heures.

« Quand à la température des boissons en général, on pourra suivre les désirs du malade et les lui donner chaudes, froides, ou même glacées, à sa volonté.

« Si le refroidissement gagne le malade, on cherchera à le réchauffer par des couvertures suffisantes, par des briques chaudes, par des sachets pleins de son ou de sable bien chauffés, par des bouteilles de grès remplies d’eau bouillante, par le massage, par des frictions sèches et chaudes, par l’urtication, c.-à-d. en frappant les membres et le corps à de fréquentes reprises, avec des orties fraîches. Mais s’il faut agir à l’intérieur pour rétablir la chaleur, c’est alors que l’on donnera avec avantage les infusions de menthe, de sauge, de mélisse ; le café pur et bien chaud, de petites quantités de vin pur, et même le punch.

« Dans le but de se prémunir contre l’invasion de la maladie, on se doit toujours chaudement couvrir. On entretiendra sur soi, autour de soi, dans les vêtements et dans les habitations une constante propreté ; on aura soin de renouveler souvent l’air des logements, en ouvrant fréquemment les croisées depuis le lever jusqu’au coucher du soleil ; on ne commettra aucune sorte d’excès, on se garantira de l’humidité et de la trop grande fraîcheur, on évitera les surcharges de l’estomac et les indigestions, on insistera particulièrement sur une nourriture frugale et saine, mélangée autant que possible, et dans de sages proportions, de viandes, de poissons, de légumes frais et de fruits ; ceux-ci devront être toujours de bonne qualité, bien mûrs et en quantités modérées.

« Avec ces précautions, on peut n’avoir aucune crainte de l’épidémie. Ce sont là les véritables, les seuls préservatifs de ce mal : tous les élixirs, tous les vinaigres, tous les sachets et autres prétendus spécifiques contre le choléra ne sont qu’une insigne tromperie. »

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