Chemin

(Agriculture, Législation). — 1° Le mauvais état d’entretien des chemins à la campagne ruine les attelages, use et détruit les instruments de transport, et grève les exploitations grandes ou petites de frais exagérés. Le fermier doit donc placer le bon entretien des chemins au premier rang de ses obligations. Les chemins vicinaux (Voy. ci-après), sont ceux dont le bon état de viabilité importe le plus aux cultivateurs, trop disposés à se soustraire à l’obligation de contribuer à les réparer. Pour qu’ils soient au moins praticables en toute saison, il faut nettoyer fréquemment les fossés servant à l’écoulement des eaux pluviales ; combler les ornières sans les laisser devenir trop profondes, et se servir pour les remplir, de pierres dures concassées de la grosseur d’un œuf tout au plus, en ayant soin de ne pas en mettre trop à la fois. Quand le sol où doit être établi un chemin est marécageux, il faut le défoncer avant de l’empierrer ; mais, s’il est par lui-même d’une nature sèche et solide, on se borne à lui donner, sans l’entamer, une forme bombée, puis on le charge de pierres concassées.

Chemins d’exploitation. Ce sont des chemins purement privés ; ils appartiennent, soit à titre de propriété, soit à titre de servitude, à chacun des propriétaires qui s’en servent et qui ont, eux ou leurs auteurs, fourni le terrain nécessaire pour les établir. Chacun de ces propriétaires a le droit de veiller à ce qu’ils soient conservés, et le devoir de contribuer à leur entretien ; chacun d’eux a aussi le droit de poursuivre devant les tribunaux ses copropriétaires ou les étrangers qui commettraient des anticipations, ou gêneraient la circulation par des obstacles. Pour faire cesser les obstacles ou réprimer les anticipations, on ne doit pas s’adresser à l’administration, comme quand il s’agit d’un chemin public. Le propriétaire troublé dans la possession du chemin assigne celui qui le trouble devant le juge de paix ; il n’a pas besoin de produire un titre : le sol est présumé avoir été fourni en commun par tous ceux qui jouissent du chemin. Une personne qui aurait des propriétés de chaque côté du chemin d’exploitation, pourrait, si le passage lui devenait plus onéreux, obtenir de la justice, si les autres propriétaires s’y refusaient, que la servitude de passage s’exerçât par un autre endroit qu’il leur offrirait, pourvu que ce nouveau passage fût aussi commode que l’ancien. — Le fermier qui, pour son usage, a établi un chemin d’exploitation temporaire, peut, lorsqu’il n’en a plus besoin, le supprimer et livrer à la culture la place que ce chemin avait occupée.

Chemins de halage. Les propriétaires riverains d’un fleuve ou d’une rivière navigable ou flottable sont tenus de fournir un chemin de halage conformément aux règlements. La largeur du chemin est déterminée par le préfet, sauf recours au Ministre de l’Intérieur et au Conseil d’État ; les préfets prononcent sur les réclamations formées par les riverains pour obtenir la diminution de la largeur légale. Quand la largeur n’est déterminée que par les règlements généraux, elle diffère pour les rivières navigables et pour les rivières flottables. Les propriétaires des fonds qui aboutissent à des rivières navigables doivent laisser 24 pieds (7m,79) au moins de largeur pour le chemin, sans pouvoir bâtir, ni planter, ni tenir clôture ou haies plus près que 30 pieds (9m,75) du côté où les bateaux se tirent, et 10 pieds (3m,33) de l’autre bord, sous peine de 500 fr. d’amende, de confiscation des arbres et d’être contraints à réparer et remettre les chemins en état, à leurs frais. Le marchepied des cours d’eau flottables à bûches perdues est fixé à 4 pieds (1m,33) de large ; celui des rivières flottables avec trains ou radeaux, sans traits de chevaux, à 10 pieds (3m,33), celui des rivières flottables avec traits, à 24 pieds (7m,79). La largeur des chemins de halage et des marchepieds se mesure à partir du point couvert par la hauteur moyenne des eaux : si la berge est à pic, la largeur se mesure à partir de son arête. L’espace réservé pour le halage doit exister sur les fleuves où la marée se fait sentir, même lorsque la navigation ne s’effectue qu’à l’aide du flux et du reflux de la mer. — Quand la navigation s’établit là où elle n’existait pas, les propriétaires riverains ont le droit d’obtenir une indemnité proportionnée au dommage que leur cause l’établissement du halage ; c’est au conseil de préfecture qu’ils doivent demander de fixer cette indemnité.

La servitude légale du halage n’a pour but que de rendre possible et facile le tirage des bateaux, ainsi les propriétaires qui y sont assujettis ont le droit de s’opposer à ce que des particuliers ou le public se servent du chemin pour le passage à pied, à cheval, en voiture, ou avec des bestiaux, à moins qu’il n’y ait un titre qui donne ce droit, ou bien qu’un naufrage ou un péril imminent ne rende momentanément nécessaire le dépôt de quelques objets ou l’amarrage de câbles. Les propriétaires du chemin peuvent aussi empêcher les pêcheurs de déposer et faire sécher leurs filets sur les rives. Chaque fois qu’il se commet un abus de ce genre ou autre semblable, les propriétaires peuvent le faire constater par les agents de la voirie ou par tout officier ou agent ayant droit de verbaliser et de poursuivre devant les tribunaux. Il y a pourtant des exceptions au droit des riverains ; ainsi qu’un propriétaire enclavé ait absolument besoin du chemin de halage pour passer, il pourra s’en servir moyennant une indemnité ; de même si la circulation y est nécessaire dans un intérêt vicinal, et que le chemin n’ait pas été classé comme vicinal, les riverains ont droit à une indemnité, ainsi que dans le cas où l’État y ferait, dans l’intérêt de la navigation, des travaux qui modifieraient l’état naturel des lieux. — Les riverains ne sont ni chargés d’entretenir le chemin de halage, ni obligés de faire aucuns travaux qui facilitent l’usage de la servitude : mais il leur est interdit de rien faire qui puisse l’entraver ; toutes les contraventions qu’ils pourraient commettre à cet égard, comme anticipations sur la largeur du chemin, dépôts de fumier ou autres matériaux, etc., les feraient traduire devant le conseil de préfecture. Les peines qu’ils encourraient peuvent être considérables : sont punis d’une amende de 500 fr. les riverains qui anticipent, en labourant, sur la largeur des chemins de halage ; les propriétaires qui interceptent le chemin ; ceux qui enlèvent des terres du bord des rivières navigables ou flottables à une distance moindre de 6 toises (12 mèt.) ; ceux qui font un dépôt de bois sur le chemin. Ces peines ne peuvent être réduites au-dessous de 16 fr. d’amende. — Les riverains troublés dans la possession du chemin par d’autres personnes que celles employées au service de la navigation peuvent les poursuivre devant le juge de paix, et demander des dommages-intérêts pour tout dégât que la navigation ou la pêche n’aurait pas rendu indispensable. Si des travaux d’art ou des circonstances naturelles rétrécissaient le lit d’une rivière navigable et rendaient l’ancien chemin en tout ou en partie inutile à la navigation, la commune n’aurait pas le droit de prétendre conserver la possession de la partie non nécessaire au halage ; la jouissance en appartiendrait de droit aux propriétaires riverains : la cessation de la servitude du halage leur aurait rendu le libre usage de leurs terrains, et ils pourraient y faire, sans autorisation de personne, les plantations et constructions qu’ils voudraient y établir, en respectant toujours la largeur du chemin qui doit exister au bord de la rivière pour le tirage des bateaux.

Chemins ruraux. Quand ces chemins ont besoin d’être élargis, cette opération ne peut se faire que du consentement des propriétaires riverains. Ces chemins sont prescriptibles, et par conséquent peuvent être acquis par la possession. Toute personne qui commet une anticipation, dégradation ou détérioration sur un chemin rural est passible d’une amende de 11 à 15 fr. ; mais si celui qui est prévenu de cette contravention, prétend avoir un droit de possession ou de propriété sur le chemin, le tribunal de police ne peut le condamner immédiatement ; il doit surseoir jusqu’à ce que la question de possession ou de propriété ait été jugée par les tribunaux civils. Quand des arrêtés municipaux ont défendu de construire ou d’établir des clôtures le long des chemins ruraux sans avoir obtenu un alignement, ou quand ils prescrivent des mesures quelconques nécessaires pour la sûreté et la commodité du passage sur les chemins ruraux, on doit se soumettre à ces arrêtés, sous peine d’une amende de 1 à 5 fr. appliquée par le tribunal de simple police. C’est la commune, et non les riverains, qui est chargée de l’entretien des chemins ruraux (C. pén., art. 471 et 479).

Chemins vicinaux. Un chemin existant dans une commune et servant au public, ne prend le caractère légal de vicinal que lorsqu’il a été classé comme tel. Tout propriétaire qui y a intérêt peut solliciter, par une demande au préfet, la déclaration de vicinalité. Les rues des bourgs et villages ne peuvent être classées comme chemins vicinaux, sauf celles qui sont la prolongation des chemins vicinaux de grande communication dans la traverse des communes, et qui doivent être considérées comme faisant partie de ces chemins. Quand une demande de classement d’un chemin comme vicinal a été faite, un agent-voyer reconnaît d’abord le chemin ; le procès-verbal de son opération reste déposé à la mairie pendant un mois ; des publications et affiches annoncent ce dépôt aux habitants pour qu’ils puissent présenter leurs observations ou réclamations. Le conseil municipal délibère sur la proposition de classement et sur les réclamations des particuliers. C’est le préfet qui statue sur le classement demandé, en réservant les droits des particuliers, mais sans être obligé d’attendre que la question de propriété revendiquée par un habitant ait été décidée. Le propriétaire qui veut réclamer contre l’arrêté de classement pris par le préfet peut y former opposition ; mais l’effet du classement étant de transférer à la commune la propriété du sol du chemin, la réclamation de celui qui revendique un droit de propriété sur le terrain ne peut aboutir qu’à établir son droit à l’indemnité qui devra lui être payée. L’opposition à l’arrêté de classement se fait par une requête adressée au Ministre de l’Intérieur. — Le préfet détermine la largeur que doivent avoir les chemins vicinaux dans le département ; cette largeur ne dépasse pas, en général, 6 mèt. pour les chemins vicinaux de petite communication, et 8 mèt. pour les chemins vicinaux de grande communication, le tout non compris les parapets, banquettes, murs de soutènement, talus de remblai ou de déblai, et autres ouvrages accessoires établis en dehors de la voie, et qui font partie intégrante du chemin. Quand l’élargissement d’un chemin vicinal a été ordonné, le maire notifie l’arrêté qui le prescrit aux propriétaires des parcelles à prendre, et les invite à se trouver sur les lieux pour la délimitation de ces parcelles ; l’opération se fait en leur absence, s’ils ne se présentent pas aux jour et heure indiqués, après avoir été mis en demeure. Les propriétaires peuvent demander la remise des parcelles non employées pour l’élargissement du chemin.

Quand un chemin a été classé comme vicinal, il y a lieu de procéder immédiatement à la délimitation entre le terrain qu’il occupera et les propriétés riveraines. Le maire donne avis aux riverains du jour où le bornage doit se faire ; l’opération se fait contradictoirement avec eux, s’ils se présentent ; s’ils sont absents, on passe outre sans leur concours. Il est dressé un procès-verbal de bornage signé par les propriétaires riverains qui y ont assisté, mentionnant l’absence de ceux qui se sont abstenus, quoique ayant été avertis, et contenant les observations de ceux qui, quoique présents, refuseraient de signer. — L’arrêté qui fixe la largeur d’un chemin vicinal est notifié au propriétaire dont le terrain, pris pour l’élargissement, devient la propriété de la commune, 8 jours au moins avant l’occupation du terrain ; après ce délai, la portion nécessaire à l’élargissement est incorporée à la voie publique. Le propriétaire n’a plus droit qu’à une indemnité. Il traite avec le maire ; s’ils s’accordent sur les conditions de la cession du terrain, elles sont constatées par un écrit signé des deux parties, soumis au conseil municipal, et approuvé, s’il y a lieu, par le préfet en conseil de préfecture. Si le propriétaire et le maire ne s’entendent pas sur le règlement de l’indemnité, c’est le juge de paix qui doit la fixer. Le propriétaire dépossédé adresse sa réclamation au préfet dans un mémoire motivé ; si l’autorisation de contester le montant de l’indemnité demandée est refusée à la commune, celle-ci doit payer ce que le propriétaire réclame ; si l’autorisation est accordée, le propriétaire choisit un expert, et le fait connaître au sous-préfet dans la sommation qu’il lui signifie pour qu’il désigne celui de la commune ; à défaut de désignation de l’expert par l’une ou l’autre partie, elle serait faite par le juge de paix. Si les deux experts ne tombent pas d’accord, le propriétaire peut demander et le juge de paix ordonner la nomination d’un tiers expert que ce magistrat désigne. Le juge de paix fixe l’indemnité d’après l’expertise ; son jugement est susceptible d’appel devant le tribunal de 1re instance. Les actes qui ont pour objet les affaires concernant la construction, la réparation et l’entretien des chemins vicinaux, ne payent qu’un droit fixe d’enregistrement de 1 fr. Avant que le propriétaire puisse toucher son indemnité, il faut que les hypothèques aient été purgées conformément à la loi, pour les terrains d’une valeur de plus de 500 fr. Ce sont les arrêtés préfectoraux ordonnant le classement ou l’élargissement des chemins vicinaux qui sont présentés au bureau des hypothèques pour la transcription. Le propriétaire a un délai de 2 ans pour réclamer l’indemnité devant les tribunaux ; ce délai court à partir du rejet, par l’administration, de la demande en indemnité.

Lorsqu’il s’agit, non pas de déclarer vicinal ou d’élargir un chemin public existant, mais d’en ouvrir un nouveau ou de le redresser, les terrains nécessaires, après l’accomplissement des formalités administratives préalables, s’obtiennent par l’abandon gratuit ou la vente à l’amiable de la part des propriétaires, ou par l’expropriation. Si les propriétaires offrent de céder gratuitement leur terrain, cette proposition doit être mise par écrit, et acceptée par le préfet. Si les propriétaires veulent avoir le prix de leur terrain, les conditions de la cession sont débattues avec le maire, puis soumises au conseil municipal, et approuvées, s’il y a lieu, par le préfet en conseil de préfecture ; l’acte est ensuite passé avec le maire dans la forme administrative, et présenté au visa pour timbre et enregistrement. Si la cession n’a pu être conclue à l’amiable avec les propriétaires, il y a lieu à l’expropriation ; elle est précédée d’une enquête où tous les intéressés sont entendus ou appelés ; les formalités qui précèdent l’ouverture ou le redressement des chemins vicinaux de grande communication dispensent de soumettre ceux-ci à l’enquête. Les propriétaires ne peuvent refuser aux agents-voyers l’entrée dans leurs propriétés lorsqu’elle est nécessaire pour la préparation du projet sur lequel l’enquête portera. L’enquête terminée, le préfet prend un arrêté pour déclarer que les travaux du chemin sont d’utilité publique. Les agents-voyers rédigent le plan parcellaire des terrains dont l’expropriation est nécessaire. Ce plan doit être déposé à la mairie pendant 8 jours ; chacun peut aller en prendre connaissance. Les propriétaires personnellement intéressés sont avertis, par voie de publication et d’affiches, de prendre communication du plan ; ceux qui comparaissent sont requis de signer le procès-verbal où sont mentionnées les déclarations et réclamations qu’ils ont faites verbalement ; s’ils en ont déposé qui soient écrites, elles doivent être annexées par le maire à son procès-verbal. Le conseil municipal donne son avis sur les observations, et le préfet prend un arrêté déterminant les propriétés qui devront être cédées, et indiquant l’époque de la prise de possession. L’expropriation est ensuite ordonnée judiciairement. Si le propriétaire exproprié n’accepte pas l’indemnité qu’on lui a offerte, le tribunal choisit, pour la fixer, un jury spécial composé de 4 jurés et 3 supplémentaires, pris sur la liste formée par le conseil général. Les actes passés pour l’expropriation des terrains nécessaires à l’ouverture ou au redressement d’un chemin vicinal sont visés pour timbre et enregistrés gratis.

Lorsqu’un chemin qui a été déclaré vicinal, paraît n’être plus assez utile pour demeurer à la charge de la commune, le maire en demande au préfet le déclassement ; cette demande, si le préfet y donne suite, est déposée pendant un mois à la mairie, et les habitants sont avertis de ce dépôt pour qu’ils puissent venir faire leurs observations. Les conseils municipaux des communes intéressées donnent leur avis ; s’ils ne sont pas tous favorables au projet, le préfet peut ordonner une enquête. Lorsqu’il prend un arrêté de déclassement, il décide en même temps si le chemin sera supprimé ou conservé comme simple chemin rural ; en cas de suppression, les habitants doivent être entendus dans une enquête sur la vente des terrains ; le préfet peut autoriser la vente, quelle que soit la valeur des terrains, sauf recours contre son arrêté, devant le Ministre de l’Intérieur. Les propriétaires riverains ont la préférence pour l’acquisition du sol du terrain déclassé ; lors donc que l’aliénation a été autorisée, le maire doit prévenir par écrit et individuellement chacun des propriétaires riverains, avec invitation de déclarer, dans un délai déterminé, s’ils entendent se prévaloir de la préférence qui leur est attribuée, et acheter le sol en en payant la valeur à dire d’expert. Lorsqu’ils font, dans le délai, soumission de se rendre acquéreurs du sol, ils doivent, en même temps, désigner leur expert ; en cas de désaccord entre cet expert et celui du sous-préfet, on en réfère au préfet qui en fait nommer un troisième par le conseil de préfecture. Si les propriétés séparées par le chemin appartiennent, des deux côtés, à un même propriétaire, il a seul le droit de soumissionner ; s’il y a des propriétaires différents, et que l’un seulement fasse sa soumission, c’est à lui que la cession doit être faite ; enfin, en cas de soumission par deux propriétaires riverains, le sol est concédé à chacun jusqu’au milieu du chemin. Si les riverains refusent d’acquérir, ou ne répondent pas dans le délai fixé, la commune peut faire vendre les terrains aux enchères.

Les dépenses des chemins déclarés vicinaux sont à la charge des communes ; il y est pourvu au moyen des revenus de la commune ; en cas d’insuffisance des revenus, le conseil municipal vote soit des prestations en nature jusqu’à concurrence de 3 journées de travail au maximum, soit des centimes spéciaux au nombre de 5 au plus, soit l’un et l’autre de ces moyens. Si le conseil municipal ne pourvoit pas à cette dépense, le préfet peut imposer la commune d’office pour l’obliger à la couvrir. Dans chaque commune, il est établi pour 3 années, avec révision annuelle, une liste des contribuables soumis à la prestation. Peut être appelé à fournir chaque année la prestation en nature, tout habitant, chef de famille ou d’établissement, à titre de propriétaire, de régisseur, de fermier ou de colon particulier, porté au rôle des contributions directes ; il en est passible : 1° pour sa personne, puis pour chaque individu mâle, valide, âgé de 18 ans au moins et de 60 ans au plus, membre ou serviteur de la famille, et résidant dans la commune ; 2° pour chacune des charrettes ou voitures attelées, et en outre, pour chacune des bêtes de somme, de trait, de selle, au service de la famille ou de l’établissement dans la commune. Pour l’obligation de la prestation, on considère comme membres de la famille les enfants habitant chez leur père, lors même qu’ils sont portés au rôle des contributions directes, et comme serviteurs, ceux qui servent dans la maison moyennant un gage annuel et permanent, mais non les ouvriers employés temporairement à la journée ou à la tâche, ni les ouvriers attachés à une exploitation industrielle, ni les postillons des relais de poste ; tous ces individus sont imposés à la prestation, s’il y a lieu, pour leur personne et dans la commune de leur domicile. Le propriétaire qui habite alternativement plusieurs résidences, doit la prestation dans celle de ces résidences qui forme son principal établissement ou qu’il habite le plus souvent. S’il a, dans chacune, un établissement permanent, avec domestiques, voitures, animaux, etc., il doit être imposé dans chaque commune. Parmi les bêtes de somme, de trait ou de selle qui sont comptées pour la prestation, il ne faut pas comprendre celles qui sont hors d’état de travailler, ainsi que celles qui ne sont destinées qu’à la consommation, à la reproduction, ou employées comme objet de commerce. Par charrettes ou voitures attelées, on entend celles que le propriétaire peut employer simultanément, vu le nombre de bêtes de trait dont il dispose. — D’après la liste des individus passibles de la prestation remise par le maire, les rôles sont dressés par l’administration des contributions directes et publiés dans le mois de novembre antérieur à l’année où ils doivent servir. Les avertissements que les receveurs municipaux adressent aux imposés leur parviennent sans frais : ils contiennent pour chaque cotisation tous les détails y relatifs, tels qu’ils sont sur le rôle, et se terminent par l’invitation, à chaque cotisé, de déclarer, dans le mois de la publication du rôle, s’il veut se libérer en argent ou en nature. Si le contribuable ainsi averti croit avoir été trop imposé, il doit former sa demande en dégrèvement avant le 31 mars, et en double expédition ; elle est soumise par le préfet au conseil de préfecture : on peut attaquer la décision au conseil d’État, sans ministère d’avocat, en transmettant le pouvoir au préfet et en lui demandant d’y donner cours.

Lorsque les contribuables déclarent s’ils entendent se libérer en argent ou en nature, ils font cette déclaration au maire ou à son adjoint qui la consigne sur un registre en leur présence. S’ils n’ont pas fait l’option dans le délai légal, ou si, après avoir déclaré vouloir s’acquitter en nature, ils ont refusé de se libérer ainsi, leur prestation devient exigible en argent. Les cotes du rôle de prestation, payables en argent, faute de déclaration d’option dans le délai, et celles pour lesquelles on a opté de payer en argent, sont exigibles par douzièmes. La conversion de la prestation en argent se fait conformément à la valeur attribuée annuellement pour la commune à chaque espèce de journée par le conseil général du département. Quant à la prestation en nature, le préfet détermine les époques de l’année où elle doit être faite ; le maire en fixe le temps dans ces limites, de manière à n’en remettre aucune d’une année d’exercice à une autre. Quinze jours avant l’époque réglée pour l’ouverture des travaux, les habitants sont prévenus par une publication du maire, faite deux dimanches de suite, et par un avis affiché à la porte de la mairie 5 jours au moins avant l’époque fixée ; chaque prestataire reçoit un bulletin signé du maire, portant réquisition de se rendre tel jour, à telle heure, sur tel chemin pour y faire les travaux qui lui seront indiqués ; en cas d’empêchement, il doit avertir le maire dans les 24 heures, et peut obtenir de lui un ajournement. Chaque prestataire doit porter sur l’atelier dont il fait partie, les pelles, pioches et outils en sa possession, et indiqués dans l’avis du maire ; les bêtes mises en réquisition pour la prestation doivent être équipées, les voitures attelées. La durée de la journée de prestation varie selon les saisons ; elle doit être fournie tout entière et sans interruption ; s’il y a eu empêchement ou interruption par le mauvais temps, la prestation doit être complétée plus tard ; si le prestataire a manqué aux heures indiquées ou n’a fourni qu’une partie de ses journées de travail, le surplus est exigible en argent. Les prestataires ou leurs remplaçants agréés par le maire, doivent arriver porteurs de leur billet de réquisition ; les absents sont notés par le surveillant des travaux, et requis le lendemain ; ceux qui ne se soumettent pas au règlement sur les travaux, ou qui troublent l’ordre ou ne se présentent pas avec les objets requis, ou ne font pas consciencieusement leur travail, peuvent être renvoyés par le surveillant, et doivent payer en argent leur cote ou le reste de leur cote. Le nombre des journées acquittées est successivement émargé par le surveillant, en face du nom des cotisés ; le relevé est visé par le maire et émargé par le receveur municipal sur le rôle ; de cette manière la libération des prestataires est constatée. Les certificats de libération sont délivrés par le maire, ou à son défaut, par l’agent voyer. — Il peut arriver que le conseil municipal demande et que le préfet accorde la conversion des journées de travail en tâches ; ce mode est alors obligatoire pour tous les contribuables qui ont déclaré vouloir s’acquitter en nature. La réquisition qui leur est adressée indique l’espèce et la quantité de travail qui formera la tâche, et l’époque de l’achèvement. Au fur et à mesure de l’avancement, ou après le délai de l’achèvement, les travaux sont reçus par l’autorité municipale, et les prestataires en répondent jusqu’à la réception. Les travaux refusés doivent être refaits ou retouchés dans la quinzaine, sauf le cas de force majeure que le maire apprécie.

Indépendamment des ressources que fournissent, pour les dépenses des chemins vicinaux, les revenus de la commune, les centimes spéciaux et les prestations, certaines personnes et certains établissements peuvent être tenus de payer, pour cet objet, une subvention particulière. Ainsi lorsque l’exploitation d’une forêt appartenant à un particulier, les établissements industriels donnant lieu à des transports considérables de matériaux et de produits, tels que des moulins de commerce, des fabriques de sucre de betterave établies ailleurs que sur le sol qui produit la betterave, les étangs salins, les mines et carrières, dégradent habituellement ou temporairement un chemin vicinal entretenu à l’état de viabilité, il peut être imposé des subventions spéciales aux entrepreneurs ou propriétaires, suivant que l’exploitation ou les transports ont eu lieu pour le compte des uns ou des autres. Ces exploitants ne peuvent être ainsi imposés que lorsqu’ils occasionnent des dégradations extraordinaires, c.-à-d. dépassant la limite de celles auxquelles peut donner lieu la fréquentation ordinaire du chemin. Les communes ne peuvent demander la subvention pour réparation que lorsque le chemin est entretenu à l’état de viabilité, conformément à un tableau affiché tous les ans dans chaque commune ; les propriétaires, industriels, entrepreneurs peuvent, dans la quinzaine qui suit la publication du tableau, présenter leurs réclamations sur l’état de viabilité des chemins dont ils se servent ; si la viabilité est contestée, une reconnaissance est faite entre les agents de l’administration et les intéressés ou leurs représentants ; il en est dressé procès-verbal. Les dégradations sont constatées par des experts dont un est nommé par les intéressés ; si les experts ne s’accordent pas, le préfet fait nommer un tiers expert par le conseil de préfecture. C’est aussi ce conseil qui, sur le vu du rapport des experts, règle la subvention due à la commune, soit pour une, soit pour plusieurs années. On peut, dans les 3 mois du dépôt de l’arrêté du conseil au secrétariat de la préfecture, se pourvoir, par un simple mémoire transmis au préfet, et sans le ministère d’un avocat, contre la décision qui ordonne et fixe la subvention. Quand le règlement est devenu définitif, la subvention peut être acquittée en argent ou par prestation en nature. Ceux qui y ont été condamnés doivent déclarer leur option au maire dans la quinzaine qui suit la notification de la décision, sinon ils ne peuvent plus s’acquitter qu’en argent. S’ils ont opté pour la prestation en nature, on suit les règles ordinaires de ce mode de payement. Des particuliers intéressés à la bonne viabilité peuvent, soit isolément, soit au moyen d’associations, offrir de concourir à la construction ou à l’amélioration d’un chemin vicinal, soit par des subventions en argent, soit par des fournitures de matériaux ou des travaux en nature. Ces offres doivent être adressées au préfet, et faire connaître tous les détails de la proposition ; jusqu’à l’approbation du préfet, elles ne sont point définitives et peuvent être retirées. Une fois approuvées, elles deviennent obligatoires, et, en cas de refus d’exécution, elles donnent lieu à des poursuites devant le conseil de préfecture.

Outre les charges qu’imposent les dépenses des chemins vicinaux, il y en a d’autres qui résultent de l’exécution des travaux. S’il est indispensable d’occuper des terrains appartenant à des particuliers ou d’y faire des fouilles pour en extraire les matériaux nécessaires, ces mesures peuvent être ordonnées, quelque gênantes qu’elles soient pour les propriétaires. Sont exempts de l’occupation les terrains clos de toutes parts et attenant à une habitation, comme cour, jardin, verger, parc. Si le maire ne peut obtenir d’un propriétaire qu’il laisse occuper ou fouiller son terrain sans indemnité, et si l’indemnité offerte n’est pas acceptée, le préfet peut autoriser l’occupation temporaire ou la fouille des terrains ; il désigne les terrains nécessaires et fait sommation au propriétaire de nommer son expert dans 10 jours au plus ; les parties intéressées reçoivent notification de l’arrêté préfectoral par l’intermédiaire du maire, et en donnent un reçu : le refus de recevoir cette notification est constaté par un procès-verbal. Le terrain ne peut être occupé que 10 jours après la notification, délai augmenté d’un jour par 3 myriamèt. de distance entre la commune où est situé le terrain, si les intéressés n’y demeurent point, et celle de leur domicile. Durant ce délai, le propriétaire peut se pourvoir, par un simple mémoire motivé, devant le conseil de préfecture, contre l’arrêté du préfet. Si cet arrêté n’a pas été attaqué, ou si le pourvoi dont il a été l’objet a été définitivement rejeté, le terrain est préalablement reconnu par des experts, dont un est nommé par le propriétaire, ou, sur son refus ou sa négligence, par le conseil de préfecture. Si, après l’accomplissement de toutes ces formalités, des difficultés s’élèvent entre un propriétaire et l’administration sur l’occupation du terrain ou l’extraction des matériaux, elles sont jugées par le conseil de préfecture ; mais c’est aux tribunaux civils qu’il faudrait déférer les contestations, s’il s’agissait d’extractions dans des terrains non désignés régulièrement, ou d’occupation effectuée en vertu de conventions passées entre les entrepreneurs et les propriétaires. Lors que l’extraction ou l’occupation des terrains est terminée, il est dû indemnité aux propriétaires ; si on ne s’entend pas avec l’administration pour le montant de cette indemnité, il est réglé par les mêmes experts qui ont fait la reconnaissance des lieux. Les dommages graves et permanents causés à une propriété riveraine par l’établissement d’un chemin vicinal, comme l’ébranlement d’un mur dont la reconstruction est devenue nécessaire, donnent lieu à une indemnité, comme les dommages temporaires. Si l’indemnité n’est pas réglée à l’amiable, on procède à une expertise, et c’est le conseil de préfecture qui statue sur les indemnités à accorder. Les contestations qui peuvent s’élever entre les entrepreneurs et l’administration relativement à l’exécution des travaux, ou entre les entrepreneurs et les particuliers, ou entre l’administration et les particuliers, sont de la compétence du conseil de préfecture, lorsque les dommages ont été la conséquence d’ordres donnés par l’autorité administrative. L’action en indemnité des propriétaires pour l’occupation des terrains qui ont servi à la confection des chemins vicinaux, et pour l’extraction des matériaux, est prescrite au bout de deux ans.

Les anticipations ou usurpations commises sur les chemins vicinaux, sur leurs fossés, berges ou talus, de quelque manière que ce soit (une des plus fréquentes est le labourage, par les cultivateurs voisins, d’une portion du sol des chemins), sont constatées par des procès-verbaux, que le maire notifie avec injonction de restituer, sous huitaine, le sol usurpé ; on doit d’autant plus s’abstenir de toute usurpation de ce genre que, les chemins vicinaux étant imprescriptibles, le sol usurpé peut être revendiqué en tout temps, quelque longue qu’en ait été l’indue possession. Si la restitution n’a pas lieu dans le délai fixé par le maire, le procès-verbal est transmis au préfet, qui fait juger par le conseil de préfecture la question de savoir si l’usurpation est constante, et si, par suite, il y a lieu à restitution. Si l’anticipation a été reconnue constante, comme aussi dans le cas où la restitution a été volontairement opérée, le procès-verbal est transmis au tribunal de simple police, qui, sur la poursuite du commissaire de police, condamne l’usurpateur à une amende de 11 à 15 fr. Lorsque le conseil de préfecture a enjoint une restitution, sa décision est notifiée au contrevenant qui, dans les 3 jours, doit opérer la restitution, sinon le maire fait d’office procéder à la reprise des terrains usurpés et à la destruction des ouvrages indûment élevés. S’il n’y a pas urgence, et que le condamné déclare son pourvoi contre l’arrêté du conseil de préfecture, il peut être sursis par le maire jusqu’à la décision du conseil d’État. Indépendamment de l’usurpation d’une partie du sol des chemins vicinaux, ceux qui se sont permis cette contravention peuvent aussi être condamnés pour défaut d’alignement demandé préalablement pour constructions, plantation d’arbres ou de haies le long de ces chemins (Voy Alignement). — On regarde comme une usurpation du sol du chemin vicinal l’établissement de barrières, fossés ou autres moyens analogues employés par un particulier et formant un obstacle permanent à la circulation ; on n’assimile pas à l’anticipation un simple encombrement temporaire : cette contravention n’entraîne qu’une amende de 1 à 5 fr. Ceux qui dégradent ou détériorent, de quelque manière que ce soit, un chemin vicinal, ceux qui en enlèvent les gazons, terres ou pierres, encourent une amende de 11 à 15 fr. Cette peine s’appliquerait à l’enlèvement de terres végétales et au labourage fait par un cultivateur voisin, sans intention d’usurpation, d’une partie du chemin. Ceux qui, s’opposant avec violence à l’élargissement d’un chemin vicinal, détruiraient les ouvrages commencés, seraient traduits devant le tribunal correctionnel et punis d’un emprisonnement de 3 mois à 2 ans, et d’une amende qui ne peut excéder le quart des dommages-intérêts, ni être au-dessous de 16 fr. En outre, dans tous les cas de dégradation, ceux qui l’ont commise sont condamnés à réparer le mal qu’ils ont causé.

Le préfet statue, dans toute l’étendue du département, sur tout ce qui est relatif à l’écoulement des eaux, aux plantations, à l’élagage, aux fossés, à leur curage et à tous autres détails de surveillance et de conservation des chemins vicinaux. Les contraventions sont punies d’une amende de 1 à 5 fr. Les propriétaires voisins d’un chemin vicinal ne peuvent ouvrir des fossés sur leur terrain qu’après avoir obtenu un alignement, et ils doivent toujours les entretenir de sorte que l’éboulement des terres ne puisse jamais diminuer la largeur du chemin ; ils supportent les frais du curage. Le curage des chemins vicinaux est à la charge de la commune et se fait par ses agents ; les propriétaires voisins ont le droit de s’opposer à ce que les boues provenant de ce curage soient rejetées sur leurs propriétés ; les cantonniers doivent alors les transporter au loin. Les fossés du chemin vicinal ne peuvent être éboulés par le passage des voitures des propriétaires riverains, sous les peines portées contre la dégradation de la voie publique ; les riverains pourraient obtenir, pour le passage de leurs voitures, l’autorisation d’établir des ponts, temporaires ou permanents, à la charge de ne nuire ni à l’écoulement des eaux, ni à la largeur du chemin. Les arrêtés que les préfets et les maires peuvent prendre pour réglementer l’écoulement des eaux pluviales et ménagères ne peuvent aller jusqu’à interdire aux habitants ou propriétaires de les faire écouler le long des chemins vicinaux. Les propriétaires riverains ne peuvent rien faire pour empêcher le libre écoulement des eaux, les faire séjourner dans les fossés ou refluer sur le sol du chemin ; s’il était nécessaire, pour empêcher la stagnation, de diriger les eaux par des rigoles ou des pentes artificielles sur des propriétés non obligées de les recevoir, les maîtres de celles-ci auraient droit à une indemnité qui serait réglée avec le maire. Si un propriétaire riverain, des deux côtés du chemin vicinal, avait besoin de faire passer les eaux d’un côté du chemin à l’autre, il pourrait en obtenir l’autorisation du maire, à la charge de construire, suivant les conditions imposées par l’arrêté d’autorisation, un aqueduc sur toute la largeur de la voie.

Le droit du préfet de régler tous les détails de surveillance et d’exécution ne l’autorise pas à imposer, hors du terrain du chemin, un mode de culture aux propriétés voisines ; il ne pourrait donc légalement défendre aux cultivateurs voisins de labourer perpendiculairement aux chemins vicinaux jusqu’à une certaine distance, et ordonner que les sillons intermédiaires soient parallèles à ces chemins ; mais il peut prescrire que les charrues et leur attelage n’avancent pas, pendant le labour, sur le sol des chemins vicinaux (L. du 21 mai 1836).

Laisser un commentaire