Chaulage des grains

(Agriculture). Les semences des grains d’hiver, du blé surtout, demandent à recevoir une préparation qui, en hâtant leur germination sert également à détruire le germe d’un champignon parasite, l’uredo du blé, plus connu sous le nom de carie (Voy. ce mot).

De toutes les préparations comprises sous le nom général de chaulage, la plus efficace est le sulfatage : malheureusement son emploi n’est pas exempt de danger, et en outre, elle exige un temps considérable. Après avoir fait dissoudre, dans de l’eau de fontaine du sulfate de cuivre à la dose de 650 gr. par hectolitre, on met dans un cuivre 4 ou 5 hectolitres de grain ; on verse ensuite sur la masse, la solution de sulfate de cuivre, de manière à ce qu’elle la surmonte de 0m,15 : on brasse en tous sens, et on laisse reposer. Au bout d’une demi-heure, on enlève comme impropres aux semailles les grains qui surnagent : il faut se garder de les donner aux volailles, qui en seraient empoisonnées. On enlève ensuite le grain sulfaté, qu’on fait égoutter dans des corbeilles, et quand il est suffisamment égoutté, on le fait sécher en couches minces, sur le plancher d’un grenier. S’il ne peut pas être semé dans les 24 heures, il faut avoir soin de le remuer, de crainte qu’il ne s’échauffe. Le sulfatage de chaque hectolitre de blé absorbe environ 14 litres de solution. — Le sulfate de soude, à la dose d’un kilogr. dans 6 litres d’eau pour un hectolitre de grain, et mélangé avec 2 kilogr. de chaux, s’emploie au chaulage des grains par les mêmes procédés que pour le sulfate de cuivre. Le sulfate de soude agit avec moins d’énergie ; mais, comme il est inoffensif, il doit être préféré toutes les fois que les grains ne semblent pas trop fortement exposés à la maladie dont on cherche à les préserver.

Le chaulage à la chaux, ou chaulage proprement dit, outre qu’il est d’une innocuité parfaite, permet de préparer 25 hectolitres de grain en moins de 25 minutes ; et lorsque l’on unit à la chaux une dose minime de sel de cuisine ou sel marin, celui-ci, en détruisant le germe de la carie d’une manière complète, fixe la chaux à la surface du grain au point qu’elle ne répand pas, pendant l’opération des semailles, cette poussière si incommode pour le semeur. On fait dissoudre d’avance 3 kilogr. de sel dans 100 litres d’eau ; au moment du chaulage, on se sert de cette eau salée pour éteindre la chaux : dans un baquet d’une capacité de 100 à 120 litres , on dépose de 10 à 12 kilogr. de chaux, si elle est récente, et jusqu’à 15 kilogr., mais pas au delà, si elle est cuite depuis 15 ou 20 jours ; on verse sur la chaux un seau d’eau salée, et on la laisse s’éteindre sans y toucher. Dès qu’on s’aperçoit que la chaux va absorber l’eau complètement, on ajoute un second seau d’eau, puis un troisième, jusqu’à ce que l’effervescence ait cessé. Alors seulement, un ouvrier brasse cette bouillie avec un bâton, et, lorsque la chaux est tout à fait éteinte, on remplit le baquet en ajoutant le reste des 100 litres d’eau salée : cette dose suffit pour le chaulage de 10 hectolitres de froment. Avec une écope ou tout autre instrument, comme une vieille casserole à long manche, le même ouvrier puise le lait de chaux et le verse sur le froment mis en tas ; pendant que deux autres ouvriers, armés de pelles de bois, retournent le blé jusqu’à ce qu’il soit pénétré partout du liquide et qu’il l’ait entièrement absorbé. Lorsque cette opération est faite à la fin de la journée, le lendemain matin, le tout forme une masse compacte et liée que l’on désagrège à la pelle et que l’on peut immédiatement ensacher, si on doit semer ce blé le matin ; mais qu’il faut laisser sur l’aire du grenier, si la semaille est ajournée. Si le mauvais temps empêchait de semer pendant quelques jours, il faudrait avoir soin de remuer le blé en le changeant de place, une fois toutes les 48 heures. Comme le volume du blé chaulé s’accroît toujours d’un cinquième environ, il faut augmenter en proportion la dose de semence employée ordinairement : si, p. ex. on emploie 2 hectolitres de semence par hectare, 12 hectolitres de blé chaulé ne serviront que pour 5 hectares et seront semés dans la proportion de 240 litres par hectare.

Dans tout le nord-est de la France, on chaule le froment et assez souvent l’orge, en préparant une bouillie de chaux et de sel, aux doses indiquées ci-dessus, mais beaucoup plus liquide ; le grain, au lieu d’être mis en tas, est placé dans un panier à anse, qu’un ouvrier plonge dans le liquide calcaire, et qu’il laisse égoutter un instant avant de le jeter à côté du cuvier, sur le plancher du grenier. De cette manière, le chaulage est aussi complet qu’il peut l’être, et le tas ne laisse pas découler de liquide ; il suffit de le remuer à la pelle une seule fois, sans le changer de place ; on ne procède qu’au moment même des semailles, par petites portions, de manière à pouvoir toujours semer immédiatement le grain qui vient d’être chaulé. — Si on chaulait le seigle et l’orge d’hiver, on préviendrait probablement l’ergot du premier et le charbon du second, mais cette pratique, justement conseillée par les agronomes, ne s’est jamais généralisée.

Chaulage des terres. Voy. Chaux.

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