Charrue

(Agriculture). Le sol cultivable de la France est labouré par une grande diversité de charrues. Les plus anciennes sont l’Aramon et le Fourcas ; elles sont incomplètes, n’ont ni coutre, ni versoir, et ne peuvent qu’égratigner la surface du sol, sans le retourner ni le labourer (Voy. Labour). Une autre charrue, presque aussi ancienne et moins incomplète, est usitée sous le nom d’Arriau dans le centre et l’ouest de la France : l’arriau est muni d’un versoir plat en bois, et quelquefois d’un coutre ; dans les terres très légères, il peut effectuer un labour à peu près suffisant. L’emploi des charrues complètes ne commence qu’entre la Loire et la Seine : les charrues de la Beauce, de la Brie et le Harnas du Nord, malgré leurs défauts, peuvent, entre les mains d’un laboureur exercé, et moyennant un attelage de force convenable, effectuer un bon labour. Dans la pratique, s’il est vrai qu’il y ait des charrues mauvaises en elles-mêmes, incapables d’un bon service, il n’y a pas de charrue qui soit bonne dans un sens absolu ; la meilleure n’est bonne que relativement à la terre qu’elle doit labourer. En général, une bonne charrue doit être à la fois solide et aussi légère qu’elle peut l’être sans que la solidité soit compromise, de manière à ne pas imposer aux attelages une dépense de force inutile. Une charrue bien construite, doit pouvoir maintenir par elle-même son équilibre, en vertu de l’harmonie de toutes ses parties, avec le moins d’efforts possibles de la part du laboureur.

La charrue complète a pour pièces essentielles : le soc, le versoir, le coutre, le talon ou sep, l’âge ou flèche, et les manches ou mancherons. 1° Soc. Il est habituellement plat et triangulaire rattaché au versoir, dont il est la continuation, par une légère courbure de la partie opposée à la pointe. Celle-ci est d’acier fondu ou de fer aciéré ; elle s’use plus vite que toutes les autres pièces de la charrue ; le soc doit pouvoir se démonter aisément pour être, au besoin, réparé ou renouvelé. — 2° Versoir. C’est après le soc la partie la plus importante ; on le désigne fréquemment sous le nom d’Oreille. Sa forme régulière doit être une portion de spirale sur laquelle glisse la bande de terre entamée par le soc, de façon à la faire retomber en la retournant sous un angle déterminé. Plus la terre est légère, plus le versoir peut être court ; plus elle est forte et compacte, plus la spirale du versoir doit être prolongée. Dans tous les cas, s’il fait angle avec le soc au lieu d’en être la continuation, le versoir pétrit et comprime la terre en la soulevant, et nuit sensiblement à la perfection du labour. Le versoir peut être de fonte, lorsque la charrue doit agir dans un sol doux et exempt de pierres ; il doit être de fer forgé quand la charrue doit labourer un sol dur et pierreux. — 3° Coutre. Cette pièce, nommée aussi Couteau, est fixée par sa tige, soit à une attache placée au côté droit de l’âge, soit à l’âge lui-même, où une ouverture est ménagée à cet effet ; elle doit être de bon acier pour couper la tranche en avant du soc. — 4° Talon ou Sep. C’est la partie de la charrue qui frotte sur le fond du sillon et qui sert de lien entre le soc, le versoir et l’âge de la charrue. Le sep, lorsqu’il est de bois, doit être revêtu d’une bande de fer, afin qu’il glisse mieux et qu’il ne soit pas si promptement usé. — 5° Âge ou Flèche. C’est à proprement parler le corps de la charrue, la pièce à laquelle toutes les autres sont fixées. En France et dans toute l’Europe continentale, l’âge de la charrue est de bois ; ce n’est que dans les Îles britanniques qu’on fabrique des charrues dont toutes les pièces, y compris l’âge, sont de fer. — 6° Manches ou Mancherons. Ils terminent l’âge en s’écartant l’un de l’autre, de manière à se trouver placés commodément sous la main du laboureur, afin qu’il puisse peser dessus quand le soc doit être soulevé pour diminuer la profondeur du sillon, et les relever au besoin, pour produire l’effet inverse.

Les charrues ont reçu différents noms selon leur forme et leur destination. Les charrues munies d’un avant-train formé de deux roues dont l’axe supporte le bout antérieur de l’âge, portent seules parmi les cultivateurs le nom de charrues ; toutes celles qui n’ont pas d’avant-train sont désignées sous le nom générique d’Araires. Les araires ont quelquefois un manche simple, au lieu de deux mancherons. Une bande de fer solide, à crémaillère, servant d’attache aux palonniers de l’attelage, règle l’entrure de l’araire, c.-à-d. la profondeur à laquelle le soc doit pénétrer. Dans la charrue à avant-train, l’entrure se règle par le plus ou moins d’inclinaison de l’âge sur l’axe des roues de l’avant-train. Les araires les plus usitées sont l’Araire de Dombasle et l’Araire de Brabant ; on les nomme indifféremment Charrues dans les ouvrages d’agriculture et les catalogues des fabriques d’instruments aratoires, bien que ce soient de vrais araires ; mais, elles peuvent au besoin recevoir des avant-trains et être ainsi transformées en charrues. La Charrue Ransome, construite toute en fer, l’une des meilleures qui soient en usage dans la Grande-Bretagne, tient le milieu entre l’araire et la charrue avec avant-train ; les roues, fixées à l’âge par des écrous, sont de hauteur inégale ; elles peuvent être enlevées à volonté, selon la nature du sol.

Lorsque les labours doivent avoir une grande profondeur, on fait suivre, dans le même sillon, une forte charrue par une seconde charrue sans versoir (Charrue sous-sol ou Défonceuse), qui ne ramène pas à la surface le sous-sol d’une mauvaise nature, mais qui l’ameublit sans le déplacer, de sorte que ce double labour équivaut à un défoncement à la bêche. La meilleure charrue sans versoir pour cette destination spéciale, est la Charrue fouilleuse de Saxe ; elle est en usage en France, partout où doivent être exécutés des labours de cette nature. On adapte quelquefois à un châssis deux socs ayant chacun son coutre et son versoir ; cet appareil prend le nom de Bissoc ; on nomme Polyssoc un appareil semblable muni de plus de deux socs. Ce sont en général de lourdes machines dont l’emploi, très peu répandu, n’est avantageux que pour les terres excessivement légères et dans des circonstances tout à fait exceptionnelles. Il y a encore : le Binot ou Binoir, charrue plus légère, sans versoir, employée pour les seconds labours et les façons qui complètent la préparation du sol ; le Buttoir ou Charrue à butter pour façonner les récoltes sarclées (Voy. Buttoir) ; le Cultivateur (Voy. Houe à cheval) ; la charrue Taupe à rigoles pour les irrigations et les dessèchements ; les charrues Semoirs, etc. On a plusieurs fois proposé de faire fonctionner les charrues au moyen de machines à vapeur portatives : mais jusqu’à présent, la charrue à vapeur n’a pas rendu de services réels. V. Supplément.

(Législation). Les noms des fermiers, laboureurs ou cultivateurs, doivent être solidement écrits sur les coutres de leurs charrues. Après le travail terminé, les laboureurs doivent enlever les coutres et les emporter chez eux ; ceux qui sont trouvés dans les champs après le départ des laboureurs, sont saisis et déposés chez le commissaire de police, ou chez le maire. Quant aux délinquants, ils sont punis d’une amende de 1 à 5 fr., de la confiscation des coutres, et, en cas de récidive, d’un emprisonnement de 1 à 3 jours (C. pén., art. 471, 472, 474).

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