Charades en action

(Jeux de société). On choisit des mots qu’on divise en autant de parties qu’ils ont de syllabes, et dans lesquels chaque syllabe offre un mot à sens complet, tels, p. ex., que les mots chardon (char, don), orange (or, ange), courage (cour, age ou cou, rage). Les différentes parties du mot donnent lieu à des actions qu’on joue comme les scènes d’une petite comédie. C’est un passe-temps agréable, dans lequel on est tour à tour acteur et spectateur. La société se partage en deux sections : l’une joue la charade, l’autre la regarde jouer et met tout son esprit en commun pour la deviner ; si elle y réussit, elle en jouera une autre à son tour devant les acteurs qui ont joué la précédente. Lorsque le mot de la charade se divise en deux parties, il faut alors un acte pour chacune de ces parties, puis un troisième acte pour représenter le tout, c.-à-d. le mot entier. Chaque acte n’est, à proprement parler, qu’une scène. Si le mot peut se partager en trois parties, il y aura nécessairement quatre actes ; mais, en général, pour que la représentation de ces petites scènes soit moins longue, on choisit de préférence des mots qui ne se divisent qu’en deux parties. Dans le choix des mots, il faut se montrer assez ami de la grammaire et du sens commun pour ne s’arrêter qu’à ceux dont l’orthographe ne laisse rien à désirer. Ainsi, l’on s’abstiendra de prendre, p. ex., le mot orphée, pour le décomposer en deux parties qui seraient or et fée.

On a rarement à sa disposition des costumes particuliers pour exécuter les charades et représenter les divers personnages mis en scène. On y supplée par tout ce que la garde-robe peut fournir en vêtements, chiffons, rubans, écharpes, plumes, fourrures, etc. Les différents acteurs se distribuent les rôles, et il est bon que l’un d’eux ait la suprême direction et puisse indiquer à chacun ce qu’il aura à faire. C’est le moyen d’éviter les fausses manœuvres et de donner à l’action toute la vivacité qu’elle doit avoir. Après la représentation de chaque scène, les acteurs se retirent dans la chambre où ils se sont concertés et costumés, pour se préparer à jouer la scène suivante : mais on doit toujours disposer les choses de manière que l’entracte soit aussi court que possible. Il ne faut pas non plus que les spectateurs, s’ils ont deviné le mot de la charade avant que la pièce soit entièrement jouée, s’empressent de le révéler pour faire preuve de perspicacité ; ce serait rendre inutile la peine que les acteurs se sont quelquefois donnée pour arranger habilement une scène, et ôter à l’action tout son intérêt.

Si l’on a choisi, p. ex., le mot chardon, qui se décompose en deux parties, char et don, voici à peu près les petites scènes qui peuvent être représentées pour le premier, pour le second, et pour le tout. Dans le premier acte, pour le mot char, on peut figurer une cérémonie triomphale des anciens temps, ou bien encore prendre la belle scène de Racine, dans laquelle Théramène fait à Thésée le récit de la mort d’Hippolyte. Dans le second acte, pour le mot don, on peut représenter un roi et une reine qui sont dans la joie, parce qu’il leur est né une petite fille, et les fées des environs qui viennent octroyer un don à la jeune princesse. Pour le tout, c.-à-d. pour le mot chardon, on peut représenter un jardinier monté sur son âne, et s’en allant au marché vendre ses légumes. L’âne s’arrête sur le bord de la route pour brouter. Dialogue entre le jardinier et l’âne.

Il faut aussi, à l’occasion, savoir choisir des mots qui offriront un peu plus de difficulté d’exécution pour les acteurs, mais qui laisseront plus longtemps en suspens l’esprit des spectateurs. Si l’on prend, p. ex., le mot image, qui se divise en deux parties, i et mage, il semble bien difficile au premier abord de jouer une scène quelconque avec la simple voyelle i. Il y a cependant une scène excellente, toute faite, et qu’on n’a qu’à prendre telle qu’elle est ; c’est la scène du Bourgeois gentil'homme, dans laquelle le maître de philosophie explique à M. Jourdain la manière de prononcer chacune des cinq voyelles a, e, i, o, u, tandis que celui-ci, à chaque explication, s’écrie : « Ah ! que cela est beau ! ah ! la belle chose ! » On peut ajouter même, comme complément, la scène où M. Jourdain cherche à expliquer à sa servante les belles choses que le maître de philosophie vient de lui apprendre. Pour le second acte, pour le mot mage, on représente l’enfant Jésus dans sa crèche, les mages venant adorer le divin enfant et lui offrir leurs présents les plus précieux. Enfin, pour le tout, qui est image, un des acteurs peut représenter le maître d’école, les autres seront les élèves. Il s’agit d’un examen d’histoire ou de géographie, et de récompenses à distribuer. Le maître interroge, les élèves répondent chacun à son tour. Un livre est donné à l’élève qui a le mieux répondu ; les autres reçoivent une image pour récompense. — Voici au reste un certain nombre de mots qui peuvent donner lieu à d’agréables charades : Amidon (ami, don) ; Ballot (bal, lot) ; Charpente (char, pente) ; Charpie (char, pie) ; Cordon (cor, don) ; Cornemuse (corne, muse) ; Courage (cour, âge) ; Chiendent (chien, dent) ; Délit (dé, lit) ; Drapeau (drap, eau) ; Épicure (épi, cure) ; Épigramme (épi, gramme) ; Famine (fa, mine) ; Fardeau (fard, eau) ; Hallebarde (halle, barde) ; Maladresse (mal, adresse) ; Merveille (mer, veille) ; Orage (or, âge) ; Orange (or, ange) ; Passage (pas, sage) ; Sourire (sou, rire) ; Souterrain (sou, terrain) ; Vertige (ver, tige) ; Verveine (ver, veine).

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