Champignons

(Hygiène, Culture). — 1° À Paris, le Champignon de couche ou Agaric comestible est à peu près le seul qu’on emploie en cuisine : c’est le seul dont la vente soit autorisée sur les marchés publics. Il faut choisir de préférence ceux qui ont la tige courte et grosse, la tête ramassée, blanche en dessus, rougeâtre en dessous, la chair ferme, bien nourrie et d’une grande fraîcheur. Si l’on attend pour les faire cuire que leurs feuilles de dessous passent du rose au brun, sans être précisément dangereux, ils deviennent très indigestes. — En général, les champignons, quoique renfermant des proportions assez notables de matières azotées, sont peu substantiels et d’une digestion difficile. Ils ne conviennent ni aux femmes, ni aux enfants, ni aux personnes sédentaires.

Culture du Champignon. — La production artificielle du Champignon de couche, dans une cave ou dans une carrière, offre ce grand avantage que, sur les couches ou meules, il ne peut pas venir de mauvais champignons : ceux qu’on y récolte peuvent donc être mangés en toute sécurité. Pour bien établir une meule de champignons il faut donner au fumier de cheval, le seul propre à cet usage, des préparations longues et assez difficiles. On travaille d’abord le fumier à la fourche afin d’en séparer les pailles qui ne sont pas assez pénétrées d’urine, et surtout le foin qui peut s’y trouver mêlé et qui s’opposerait au développement des champignons ; il est ensuite mis en un tas de 1m,20 d’épaisseur, mouillé au besoin, remanié et remis en tas à deux reprises à 8 ou 10 jours d’intervalle, et enfin, disposé en meules ou couches larges de 0m,80 à la base, de 0m,50 à 0m,60 au sommet, et hautes de 0m,60, sur une longueur indéterminée. On larde alors la meule avec du blanc de champignon, matière filamenteuse, provenant des vieilles couches épuisées. Pour cela, on pratique, à 0m,05 du bord de la couche, un trou de 0m,03 de profondeur sur 0m,05 de largeur, dans lequel on dépose un morceau de blanc de champignon qu’on recouvre d’un peu de fumier légèrement tassé avec le dos de la main. On fait un autre trou à 0m,25 de distance du premier et ainsi de suite. On procède de même pour le second rang qui sera placé à 0m,20 du premier, mais en disposant les trous en échiquier. Quand on a fini de planter ce blanc, on tasse la couche avec le dos d’une pelle, et il ne reste plus qu’à la garnir sur toute sa surface de terre calcaire sèche, prise ordinairement dans la carrière même où la meule est établie. — Tout ce travail exige une grande habileté pratique, difficile à acquérir pour un simple particulier. Il vaut mieux, lorsqu’on veut faire croître soi-même des champignons de couche, employer le procédé anglais, un peu plus coûteux et moins productif, mais qui donne des résultats certains. On fait provision de crottin de cheval, de mulet ou d’âne (ce dernier est le meilleur), sans aucun mélange de litière. Ce crottin est émietté soigneusement à la main, puis disposé en tas de 1 ou 2 centimètres d’épaisseur au plus. Au bout de quelques jours, quand la première chaleur de la fermentation est passée, on introduit dans cette couche modérément tassée, à peu près à la moitié de son épaisseur, de bon blanc de champignon qui ne tarde pas à étendre ses filaments dans tout l’intérieur de la couche. On la recouvre alors d’une couverture mince de paille longue parfaitement propre, qu’on soulève de temps à autre pour surveiller la croissance des champignons et en faire la récolte. Les couches de ce genre peuvent être établies dans une cave saine, un cellier, une orangerie ou sous un hangar. On peut aussi en établir une dans le tiroir d’une grande table de cuisine, ou dans une caisse placée sous cette table. Évidemment les champignons obtenus par ce procédé sont moins abondants et plus chers que les champignons de couche obtenus par la culture en grand ; mais, pour la consommation d’une famille à la campagne, la différence du prix de revient n’est pas importante, et ce procédé permet d’avoir tous les jours des champignons nouveaux dans toute leur fraîcheur.

2° Outre le champignon de couche, il est d’autres espèces qui sont excellentes ; mais comme on peut très facilement, à moins d’une longue expérience, les confondre avec les espèces vénéneuses qui leur ressemblent, il est toujours plus prudent de s’en abstenir. Dans tous les cas, si l’on en fait usage, il y a quelques précautions qui sont bonnes à prendre. Ainsi, on fait cuire avec ces champignons la moitié d’un oignon blanc ordinaire dépouillé de son enveloppe extérieure ; si, pendant la cuisson, la couleur de cet oignon s’altère, qu’elle devienne bleuâtre ou brune, ou noirâtre, c’est un signe que parmi ces champignons il y en a de vénéneux. On peut aussi, avant de les faire cuire, les couper en deux morceaux, les faire macérer pendant 2 heures dans une quantité d’eau vinaigrée double de leur poids, les laver ensuite à grande eau, et enfin les faire blanchir dans l’eau bouillante pendant 10 minutes. Règle générale, il faut rejeter tous les champignons cueillis dans des endroits creux et très humides, sur des corps d’animaux ou de végétaux en putréfaction ; tous ceux dont le chapeau est visqueux et couvert de verrues blanchâtres, qui ne se pèlent pas facilement, dont le pédicule est renflé et bulbeux à la base ; tous ceux dont la saveur est âcre ou acide, dont l’odeur, au lieu d’être fine et délicate, est nauséabonde et repoussante, dont la chair, au lieu d’être ferme, est mollasse, filandreuse, et se noircit quand on la déchire. On rejettera aussi les champignons trop âgés ou qui ont éprouvé un commencement de décomposition et surtout ceux que les insectes ont abandonnés après les avoir mordus.

Voici les espèces de champignons comestibles le plus généralement employées :

Bolet comestible ou Ceps ordinaire, chapeau très large, arrondi, lisse en dessus et de couleur fauve, rempli en dessous de tubes ou cavités longues et jaunâtres ; — Bolet charbonnier ou Ceps noir, chapeau brun, tubes faciles à détacher : l’intérieur est blanc et ne change pas de couleur, ce qui le distingue du Bolet vénéneux, dont la chair, quand on le coupe, devient bleue, vert-foncé, brune, ou noire : — Bolet orangé ou Girolle rouge, dont le chapeau, d’abord convexe, se retourne ensuite et devient légèrement concave ;

Chanterelle ou Sanette, joli champignon d’un goût agréable et qui exhale une odeur de violette : son chapeau, au lieu de lames, a des nervures ;

Clavaire, vulg. Griffe, Menotte ou Manotte : couleur violacée, jaune ou verdâtre ;

Morilles (Voy. ce nom) : leur chapeau a la forme d’un œuf ;

Mousserons (Voy. ce nom) : ils croissent par groupes ; leurs feuillets sont blancs, puis rosés ; leur chair est blanche et odorante ;

Oranges (Voy. ce nom), vulg. Jaserand, Jaune d’œuf, Cadran : d’un jaune orange très éclatant ;

Pieds de mouton (Hydeus), couleur jaune sale et chapeau irrégulier : ils viennent en automne dans les bois et par groupes ;

Russule-vache : chapeau rouge souvent comprimé et feuillets jaunes ; odeur et goût agréables ; ne diffère de la Russule vénéneuse que par la couleur des feuillets qui sont blancs dans celle-ci.

3° L’empoisonnement par les champignons est presque toujours mortel. Il varie suivant l’espèce qui l’a produit. Ce n’est guère que 5, 7 et même 24 heures après le poison pris, que les symptômes se manifestent. Aussitôt que l’on s’en aperçoit, la première précaution à prendre, c’est de provoquer le vomissement au moyen de 15 centigr. d’émétique dans un verre d’eau ; un quart d’heure après, on donne en 3 fois, et à 20 minutes d’intervalle, un second verre d’eau dans lequel on a fait fondre une égale quantité d’émétique, ou bien encore 120 centigr. d’ipécacuana ou 32 gr. de sel de Glauber. À défaut de ces médicaments, l’eau tiède par demi-verres, et les barbes d’une plume trempée d’huile introduites dans le gosier, suffisent presque toujours pour provoquer le vomissement. On donne, dans les intervalles des nausées, de l’eau fortement vinaigrée, de l’éther ou de la liqueur d’Hoffmann à forte dose dans une petite quantité d’eau ; ces liquides dissolvent le principe vénéneux des champignons et en facilitent l’expulsion au dehors. Il importe aussi, quand le malade a vomi, de faire évacuer, à l’aide de purgatifs, les champignons qui peuvent se trouver dans les intestins. À cet effet, on donne de demi-heure en demi-heure une cuillerée à bouche d’une potion composée d’huile de ricin et de 45 gr. de sirop de fleurs de pêcher ; on peut ajouter à cette médication un lavement purgatif, qu’on prépare en faisant bouillir pendant un quart d’heure dans un litre d’eau 60 gr. de casse, 2 gr. de séné et 16 gr. de sel d’Epsom. Le point important, c’est de ne pas perdre de temps et d’agir tout aussitôt que se manifestent les premiers symptômes du mal, afin que le médecin, mandé en toute hâte, n’arrive pas trop tard.

Conservation des champignons. On doit, avant tout, s’assurer de la bonne qualité des champignons, qu’on veut conserver : les ceps, les morilles et les mousserons sont les espèces qui se conservent le mieux. Quand les champignons sont cueillis, on les lave, on les pèle en enlevant une partie de la queue, on les coupe par morceaux s’ils sont un peu gros, et on les blanchit en les laissant plongés pendant 2 ou 3 minutes dans l’eau bouillante. Ensuite, quand ils sont bien égouttés, on les enfile dans une petite ficelle sans les presser l’un contre l’autre, et on les fait sécher soit à l’ombre dans un endroit aéré, soit dans le four modérément chauffé. Ainsi séchés, ils doivent être conservés dans des sacs ou des bottes, à l’abri de la poussière et de l’humidité. Quand on veut les employer, il suffit de les faire tremper dans l’eau pendant une demi-heure, avant de les mêler avec les sauces ou les ragoûts.

On peut encore préparer avec les champignons fraîchement cueillis et principalement avec les ceps une poudre qui se conserve très bien d’une année à l’autre. Après avoir pelé les champignons, on les fait sécher au four et, quand ils sont encore un peu chauds, on les pile dans un mortier de manière à les réduire en poudre. On passe cette poudre à travers un tamis, et on l’enferme dans un bocal qui sera ensuite parfaitement bouché et placé à l’abri de l’humidité. Cette poudre donne aux sauces une saveur aussi agréable que les champignons eux-mêmes.

Champignons (Cuisine)

Les champignons destinés à servir de garniture doivent être moyens, blancs et bien ronds ; en les parant, on laisse un fragment de la queue. On les saute dans un jus de citron mêlé à un peu d’eau ; dès qu’ils sont tournés, on ajoute du sel et du beurre, et on les laisse mijoter 5 ou 6 minutes sur un feu modéré.

Croûte aux champignons. Il faut d’abord peler soigneusement les champignons, ce qui se fait de la manière suivante : on les place renversés entre le pouce et l’index de la main gauche ; puis, à l’aide d’un petit couteau d’office, on enlève légèrement la peau en les faisant tourner avec le doigt majeur de telle sorte qu’on arrive à les peler entièrement sans que le couteau laisse aucune trace. Quand ils sont parés, on les met dans une casserole avec un morceau de beurre frais, un jus de citron, un bouquet de persil, quelques ciboules et un peu de sel. On les saute sur un feu ardent. Le beurre étant fondu, on ajoute d’abord un peu de farine, ensuite une cuillerée de bouillon, et on les laisse cuire ainsi pendant 5 minutes. On fait alors une liaison de 3 ou 4 jaunes d’œufs avec un peu de crème et quelques petits morceaux de beurre fin ; on lie les champignons, en veillant à ce que cette sauce soit lisse et jaune comme une sauce allemande. On prend une croûte de pain dont on ôte la mie ; on en beurre le dedans et le dehors et on la fait griller sur des cendres rouges. On dresse cette croûte, on en remplit l’intérieur avec les champignons, on la retourne sur le plat, la partie bombée en dessus, et on y verse le reste des champignons. — On peut aussi, au lieu d’une seule ou de deux croûtes, couper des croûtons en forme de cœur, qu’on beurre et qu’on fait griller de la même manière ; on les dresse en couronne et on verse les champignons au milieu.

Champignons aux fines herbes. Il faut choisir les plus gros champignons de couche, les éplucher, en couper la tige, et les faire mariner pendant une heure dans de l’huile d’olives avec du sel, du poivre et un peu d’ail haché. On les met sur le gril du côté de la tige, on les retourne ensuite et on garnit l’intérieur d’une petite maître d’hôtel (Voy. ce mot). Lorsqu’ils sont cuits, on les retire avec précaution pour ne pas répandre la sauce dont ils sont déjà imbibés, et on les dresse en les arrosant de leur marinade et d’un jus de citron. — On peut aussi, après, les avoir préparés de la même manière, les mettre dans une caisse de papier beurré ou huilé, les faire cuire ainsi sur le gril, et les servir dans leur caisse.

Champignons sautés. On prend des champignons de couche bien frais ou des morilles fraîches ; mais pour celles-ci, comme il est très difficile de les tourner, on se contente de les éplucher avec soin en enlevant l’épiderme et la partie terreuse qui peut être restée attachée à la tige. Après avoir lavé les champignons dans deux eaux, et les avoir laissés tremper une demi-heure dans l’eau tiède, en les remuant de temps en temps avec les mains, on les égoutte et on les met dans une casserole avec du beurre fin, un jus de citron, du sel, du poivre, un peu de muscade râpée, une pincée de sucre en poudre. Lorsqu’on les a sautés ainsi pendant dix minutes, on les mouille de consommé ou de bouillon, en ajoutant un petit bouquet de persil et un oignon piqué d’un clou de girofle ; on les laisse mijoter une demi-heure, et, au moment de les servir, on en retire l’oignon et le persil, et on y ajoute le jus d’un demi-citron.

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