Capacité

Capacité de donner et de recevoir par donation entre-vifs et par testament (Droit). En général, toutes personnes peuvent donner et recevoir de ces deux manières, excepté celle que la loi en déclare incapables (C. Nap., art. 902). Le moment où il faut que la capacité existe, pour que l’acte puisse avoir son effet, varie selon la nature de la disposition. S ’agit-il d’une donation entre-vifs ? le donateur doit jouir de la capacité légale au jour où la donation est faite et acceptée ; si l’acceptation a lieu postérieurement par acte séparé, comme la loi le permet, il faut que le donateur soit encore capable ce jour-là : la donation tomberait si, p. ex., au moment de l’acceptation, il avait perdu ses droits civils, s’il était interdit, etc. La donation ne devenant parfaite que par l’acceptation, elle serait valable pourvu que le donataire fût capable le jour où il accepterait, quand même il ne l’aurait pas été au moment où la donation lui a été faite ; il est bien entendu que son incapacité annulerait la donation si l’acceptation avait lieu dans le même acte que la disposition. — S’agit-il d’un testament ? pour le faire valable, il faut avoir la capacité au moment de l’acte ; si on la récupère avant de mourir, on peut couvrir la nullité en confirmant le testament d’une manière expresse ; il serait plus prudent d’en faire un nouveau. Pour que le testament puisse recevoir son effet, il faut aussi que le testateur ait été capable au jour de son décès ; toutefois cela ne s’entend que de la capacité résultant de la jouissance des droits civils ; le testament ne resterait pas moins valable si le testateur, sain d’esprit au moment où il écrivait ses dispositions, était mort fou. Quant à la capacité de recevoir, il n’est pas nécessaire qu’elle existe lors de la confection du testament ; il suffit qu’elle existe à la mort du testateur, puisque c’est seulement à cette époque que la disposition pourra avoir son effet. Il en est ainsi alors même que le legs est soumis à une condition, si la condition ne fait que retarder l’exécution de la disposition ; mais si la condition fait dépendre l’existence même du legs d’un événement incertain, il faut que le légataire soit capable de recevoir au moment où s’accomplit la condition.

La faculté de faire un testament, quand on en a la capacité, est un droit qu’on ne peut pas s’interdire à soi-même ; celui qu’on ferait malgré une renonciation de cette nature serait valable. On ne pourrait pas non plus renoncer à la faculté de recevoir par testament.

1° Capacité de disposer. Pour faire valablement une donation entre-vifs ou un testament, il faut, avant tout être sain d’esprit (C. Nap., art. 901). Ainsi sont incapables de disposer les individus atteints d’imbécillité, de démence ou de fureur, alors même que leur interdiction n’a été ni prononcée, ni provoquée de leur vivant ; la preuve que celui qui a donné ne jouissait pas de ses facultés intellectuelles peut être faite par toutes sortes de moyens, et cela bien que la démence ne résulte pas des termes de la donation ou du testament. Il faut, pour que l’acte puisse être annulé, que la démence soit bien prouvée ; il ne suffirait pas à l’héritier d’alléguer vaguement un état de démence, il devrait préciser des faits déterminants, et qui ne soient pas démentis par des écrits authentiques ou des faits irrécusables, p. ex. l’exercice de fonctions publiques. Si un homme tombé en démence a des intervalles lucides, le testament qu’il ferait dans un de ces moments serait bon : ce serait au légataire de prouver l’intervalle lucide. — Lorsque l’interdiction a été prononcée, les donations et testaments que l’interdit pourrait faire ensuite seraient nuls par le fait seul de l’interdiction, sans que celui qui en demanderait la nullité fût tenu de faire preuve de la démence. L ’individu à qui il a été nommé un conseil judiciaire, est également incapable de donner, mais il reste capable de disposer par testament. — L’incapacité s’applique encore aux malades dont les souffrances sont assez violentes ou assez prolongées pour troubler l’intelligence, aux vieillards dont la faiblesse physique pourrait avoir affaibli également les facultés intellectuelles, aux sourds-muets qui ne savent pas écrire, aux gens qui se trouvent dans un état d’ivresse suffisant pour altérer l’intelligence, aux personnes emportées par une passion violente, telle que la haine ou la colère quand elle est poussée au point de troubler la raison. Il ne suffit même pas d’avoir l’esprit sain pour faire une disposition valable, il faut encore avoir l’esprit libre ; ainsi on ferait annuler des libéralités qu’on prouverait avoir été déterminées par l’erreur, le dol, la fraude ou la violence, et celles qui auraient été l’œuvre de la captation ou de la suggestion exercées sur l’esprit du disposant. La preuve de ces captations frauduleuses et du degré d’influence qu’elles ont pu exercer sur le disposant est difficile à établir ; il faut, avant d’attaquer une libéralité pour ce motif, avoir réuni des preuves bien décisives ; du reste, les écrits, les témoignages de toute nature peuvent être produits pour démasquer de telles manœuvres. — Le grand âge quand il n’entraîne aucun dérangement d’esprit, n’est pas une preuve d’incapacité. Quant à l’extrême jeunesse, il faut distinguer ; le mineur, c.-à-d. l’individu de moins de 21 ans accomplis, ne peut point faire de donation entre-vifs, excepté par contrat de mariage sous plusieurs conditions (C. Nap., art. 903, 1095). Lorsqu’il est parvenu à l’âge de 16 ans accomplis, qu’il soit émancipé ou non, marié ou non, il peut disposer par testament, seulement jusqu’à concurrence de la moitié des biens dont la loi permet au majeur de disposer. La femme mariée ne peut faire une donation entre-vifs qu’avec le consentement ou le concours de son mari, ou avec l’autorisation de la justice (Voy. Autorisation de femme mariée) ; mais elle n’a pas besoin d’autorisation pour faire son testament. — Aucune incapacité de disposer n’atteint les personnes engagées dans les ordres religieux. Les étrangers ont en France la même capacité de disposer que les Français eux-mêmes.

2° Capacité de recevoir. Elle appartient à toutes personnes : il n’y a d’exceptions que celles qui sont expressément établies par la loi. — Pour être capable de recevoir par donation, il faut exister, c.-à-d. être conçu au moment de la donation ; pour recevoir par testament, il suffit d’être conçu au temps de la mort du testateur ; dans l’un et dans l’autre cas, la libéralité n’a son effet qu’autant que l’enfant sera viable (C. Nap., art. 906). La condition d’être sain d’esprit est requise pour pouvoir accepter comme pour faire une donation ; les interdits, les mineurs peuvent être gratifiés par des dons ou legs que leur tuteur accepte, avec l’autorisation du conseil de famille (Voy. Interdiction, Tutelle). Les père et mère peuvent accepter pour leur enfant mineur (art. 955). La femme mariée a besoin, pour recevoir une donation ou legs, de l’autorisation de son mari, ou, à défaut, de celle de la justice (art. 217) (Voy. Autorisation de femme mariée). Les étrangers sont capables de recevoir en France. Pendant la tutelle, le tuteur ne peut rien recevoir de son pupille, alors même que celui-ci aurait 16 ans et aurait disposé envers son tuteur par un testament. Il y a plus ; l’incapacité du tuteur subsiste après la fin de la tutelle, et il ne peut rien recevoir du mineur, devenu majeur, tant que le compte de la tutelle n’a pas été préalablement rendu et apuré ; sont exceptés de cette prohibition les ascendants du mineur qui sont ou ont été leurs tuteurs (art. 907). Les enfants naturels ne peuvent rien recevoir de plus que ce qui leur est attribué à titre de succession, c.-à-d. le tiers de ce qu’ils auraient s’ils étaient légitimes (art. 908). Cela suppose des enfants naturels reconnus ; s’ils n’avaient pas été reconnus, ils pourraient recevoir comme toutes autres personnes étrangères à la famille. Les enfants adultérins ou incestueux ne peuvent recevoir que des aliments (art. 762). Les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé ou pharmaciens qui ont traité une personne pendant la maladie dont elle est morte, ne peuvent profiter des dispositions entre-vifs ou testamentaires qu’elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de cette maladie (art. 909). L’incapacité n’atteint pas les gardes-malades : les dispositions faites en leur faveur ne seraient pas, s’il y avait lieu, annulées à raison de la qualité des personnes, mais si elles avaient abusé de leur influence sur les malades pour se faire donner ou léguer des objets ou des sommes. On ne considère pas non plus les sages-femmes comme incapables de plein droit, de recevoir ; mais on applique l’incapacité aux charlatans, empiriques, sorciers et autres qui exercent indûment l’art de guérir. L’incapacité dont la loi frappe les médecins, chirurgiens, etc., n’existerait pas si le testateur était mort d’une maladie postérieure à celle dont le légataire l’a traité, ou d’un accident étranger à cette maladie ; elle ne concerne que le médecin qui a traité le testateur, et non celui qui aurait été seulement appelé une fois ou deux en consultation, ni le pharmacien qui n’a fait que vendre des médicaments. L’incapacité n’atteint pas le médecin qui a soigné sa femme ; mais il y aurait de la difficulté à maintenir la libéralité, si le médecin avait épousé sa cliente pendant la maladie afin de s’assurer les dispositions dont il aurait été l’objet. L’incapacité des médecins, chirurgiens et pharmaciens cesse dans deux cas : 1° quand le testament ne contient en leur faveur qu’un don rémunératoire, à titre particulier, eu égard aux ressources du disposant et aux services rendus (art. 909) ; si l’héritier prétend que le don fait au médecin n’est pas seulement un payement d’honoraires, mais une véritable libéralité, il doit faire décider la question devant les tribunaux ; 2° quand la disposition, même faite à titre universel, est en faveur d’un médecin parent jusqu’au 4e degré inclusivement, sauf la réduction au profit des héritiers à réserve (art. 909). Le bénéfice de cette exception n’appartiendrait pas au chirurgien ou au médecin qui serait simplement allié, mais non parent du testateur. — La loi applique aux ministres du culte les mêmes règles qu’aux médecins (art. 909). La défense de donner n’est pas restreinte au seul confesseur ; d’une part, la confession n’est pratiquée que dans la religion catholique, et la loi concerne les ministres de tous les cultes ; d’un autre côté, l’influence que la loi veut neutraliser s’exerce par une présence assidue auprès du malade, par des conseils, des exhortations, des menaces qui peuvent déterminer un mourant à des actes qu’il n’aurait pas faits, s’il avait eu, avec la santé, la tranquille jouissance de sa liberté morale. On ne regarderait pas comme incapable le prêtre qui n’aurait fait qu’administrer l’extrême-onction. Les dons rémunératoires et ceux qui s’adressent à un parent font exception en faveur du prêtre de la même manière qu’en faveur du médecin. — Les notaires ne peuvent rien recevoir par les testaments qu’ils passent ; et leur incapacité, sous ce rapport, s’étend à leurs parents ou alliés en ligne directe à tous les degrés, et, en collatérale, jusqu’au degré d’oncle et de neveu inclusivement.

Les hospices, les pauvres d’une commune, les communes, les établissements publics, sont considérés comme des personnes capables de recevoir, mais sous la condition d’être autorisées par le gouvernement (C. Nap., art. 911). Un département, un régiment, une société reconnue comme établissement d’utilité publique, jouit de la même faculté sous la même condition. On peut donner aussi aux établissements ecclésiastiques et aux associations ou congrégations religieuses : mais les dons et legs doivent être à titre particulier et autorisés par l’État. Les dispositions sont nulles si elles s’adressent à une corporation ou à une association religieuse non reconnue. Quand on veut faire un don ou un legs à un établissement laïque ou religieux non reconnu, on ne peut que le mettre sous le nom d’un membre de l’association : la disposition n’est considérée légalement comme faite qu’à lui personnellement, de sorte que l’emploi des choses ou sommes données dépend de sa bonne foi, et s’il meurt, sans que l’établissement ait été reconnu ou autorisé, ses héritiers peuvent réclamer les dons ou legs trouvés dans sa succession.

Pour éluder l’incapacité dont la loi frappe, comme on vient de le voir, certaines personnes, on essaye de donner à celles-ci, soit en déguisant le don sous les apparences d’un contrat onéreux, tel qu’une vente, un prêt, etc., soit en disposant en faveur d’une personne qui ne serait pas véritablement gratifiée, mais seulement interposée pour faire parvenir le don ou legs au véritable donataire ou légataire. Toutes ces dispositions destinées à éluder la loi sont nulles (C. Nap., art. 911). — Si des héritiers prétendent qu’un acte qui a les apparences d’un contrat onéreux n’était qu’une libéralité au profit d’une personne incapable de la recevoir, ce sont eux qui doivent prouver la simulation de l’acte. Cette preuve résultera des clauses de l’acte et des circonstances dans lesquelles il aura été passé ; les tribunaux en seront appréciateurs souverains : leur décision, sur ce point de fait, ne sera pas sujette à cassation. Pour empêcher l’interposition d’une personne capable, et censée gratifiée, de faire parvenir le don ou legs au vrai donataire ou légataire incapable, il y a des personnes que la loi présume toujours interposées dans ce but frauduleux ; ce sont les père et mère, les enfants et descendants, l’époux de la personne incapable (art. 911), présomption qui s’applique aux enfants naturels ou adoptifs comme aux enfants légitimes ; ainsi quand on donne à une de ces personnes, la libéralité est nulle comme faite à l’incapable lui-même, sans qu’il soit besoin de prouver qu’il y avait interposition de personnes, et sans qu’il soit permis de prouver que l’interposition n’existait pas et que la libéralité s’adressait en réalité au donataire apparent. La présomption légale d’interposition ne peut s’étendre à d’autres personnes qu’à celles énumérées par la loi. Dans tous les cas où cette présomption n’existe pas, il est permis de demander à prouver (et cette preuve peut se faire par des écrits, par des témoins, par des présomptions graves), que la personne désignée comme donataire ou légataire n’était qu’interposée pour faire parvenir le don à une autre personne incapable de le recevoir. La libéralité est annulée, même à l’égard de la personne interposée, puisque ce n’est pas elle qu’on avait en vue de gratifier.

Capacité. Voy. Brevet et Certificat.

Laisser un commentaire