Canard

1° Canard sauvage (Chasse). Les Canards pondent quelquefois dans nos marais, mais la plupart de ceux qui durant l’hiver habitent nos rivières et nos pièces d’eau, ont été pendant l’été faire leur couvée dans les régions boréales ; lorsque le froid les chasse de ces contrées, ils reviennent chez nous et nos eaux sont hantées par un grand nombre d’espèces différentes. Les principales sont : le Canard ordinaire ou Canard commun, semblable à notre Canard domestique ; le mâle est remarquable par son col et par sa tête d’un beau vert d’émeraude, tandis que la tête de la femelle est d’un gris cendré : les jeunes portent le nom de halbrans ; — le Milouin, qui forme presque exclusivement la population des étangs du Midi : il a la tête et le cou d’un brun mordoré ; — le Pilet ou Canard à queue fourchue, qui se tient en grande quantité dans les marais de la Somme et sur les rivages de la mer ; — le Morillon, qui a le bec bleu ; il est moins sauvage que les autres canards, mais il est beaucoup plus rare ; — le Tadorne, un peu plus gros que le Canard ordinaire : il ressemble à celui-ci pour la couleur, mais son plumage est coupé par de grandes bandes noires, blanches et d’un jaune de cannelle ; cet oiseau fait quelquefois sa couvée dans les terriers qui se trouvent à proximité du rivage ; — la Bernache, qui a la tête et le col d’un noir brillant qui tranche sur le blanc éclatant de sa poitrine : elle semble porter un scapulaire, ce qui l’a fait appeler quelquefois nonnette : elle ne fréquente que les bords de la mer et on ne la rencontre au milieu des terres que lorsqu’elle y a été jetée par quelque coup de vent.

Tous ces oiseaux sont excessivement sauvages et très difficiles à rejoindre. On peut essayer d’en tirer quelques-uns en battant les roseaux qui entourent les pièces d’eau, en parcourant les queues d’étangs, mais pour cette chasse plus que pour toute autre, il est important d’avoir le vent favorable, car chez les Canards les sens de l’ouïe et de l’odorat sont doués d’une excessive délicatesse. Lorsque les étangs sont gelés, on peut chercher les Canards sur les cours d’eau où ils se jettent ; mais pour faire cette chasse avec succès, il est bon d’être deux ; chacun des chasseurs suit une des rives et lorsque l’un d’eux aperçoit des canards sur le bord opposé, il fait à son camarade un signe convenu, et lui montre l’endroit où les canards sont arrêtés. Alors celui-ci quitte le bord de la rivière et décrit un détour de manière à arriver avec le moins de bruit possible et perpendiculairement à la berge. Pour peu que la rivière soit encaissée, ce moyen réussit presque toujours, et le gibier part sous les pieds du chasseur.

On chasse aussi ce gibier à l’affût. Pendant le jour, quelques Canards se retirent dans les fourrés, d’autres se tiennent sur les grandes pièces d’eau ou vont regagner les bords de la mer, mais ils reviennent passer la nuit dans les lieux marécageux, où ils trouvent leur nourriture : on peut donc les attendre soit à leur départ, soit à leur arrivée. Le chasseur se cache au bord de l’eau ou même au milieu des joncs ; son vêtement et surtout sa coiffure doivent être d’une couleur qui se confonde avec celle des roseaux ; car les Canards avant de s’abattre franchement décrivent quelques cercles en l’air. — Certaines personnes se livrent à cette chasse pendant la nuit ; mais ce mode de destruction, défendu en principe par la loi sur la chasse, doit être autorisé spécialement par un arrêté préfectoral. Pour ce genre de chasse, on construit dans les marais ou dans les tourbières, sur une petite place de terre que l’on a réservée ou que l’on a préparée exprès, une hutte couverte de roseaux et tellement basse que le chasseur doit y rester accroupi. Là, couché sur la paille, entouré d’une couverture pour se garantir du froid et de l’humidité, il attend que les Canards arrivent à portée. Pour les appeler, il laisse nager près de sa hutte des canes domestiques attachées par le pied à une ficelle qu’il a fixée à l’aide de piquets enfoncés au fond de l’eau. Il place aussi dans les environs des moquettes ou peaux de canards rembourrées de paille, et des formes ou représentations en terre grossièrement modelées. Lorsque les bandes de Canards arrivent à portée, il fait feu par les créneaux de sa hutte. — On a imaginé encore plusieurs espèces de chasses pour atteindre ce gibier ; ainsi on emploie la vache artificielle (Voy. Vache) ; on le chasse au badinage, au réverbère, à la rébalade, etc. (Voy. ces mots). — L’appeau dont on se sert pour chasser le Canard se compose de deux pièces : la plus grande est creuse et fermée par le bout, elle porte un trou latéral sur lequel on applique la bouche ; l’autre est percée d’une ouverture qui va toujours en diminuant de l’extérieur à l’intérieur, et porte une anche. En soufflant par l’ouverture latérale et en modulant un peu la voix, la vibration de cette anche imite parfaitement la voix du Canard sauvage.

2° Canard domestique (Écon. rurale). Le Canard de basse-cour, le même que le Canard sauvage avec lequel il se croise fréquemment sur les étangs, est une volaille qu’il est facile et avantageux de faire multiplier partout où il y a de l’eau. Un mâle suffit à 6 canes ; si celles-ci ont été bien nourries en hiver, elles couvent de bonne heure et font souvent une seconde couvée ; il ne faut donc pas, comme on le pratique assez souvent, livrer les mâles à la cuisine dès que les canes ont commencé à couver ; car, dans ce cas, la seconde ponte serait perdue pour la reproduction. Les Canards peuvent coucher dans le poulailler, dans un coin propre et tranquille ; mais il vaut beaucoup mieux leur consacrer un local à part, surtout par cette considération qu’ils ne perchent pas et restent dehors beaucoup plus tard que les poules (Voy. Canardière). La litière sur laquelle dorment les Canards doit être fréquemment renouvelée ; on doit, lorsqu’on l’enlève, la mettre à part ; elle forme pour les plantes potagères un excellent engrais, doué des mêmes propriétés que la colombine. Les œufs de canes, bien qu’un peu plus secs que les œufs de poules, ne leur sont pas inférieurs ; ils sont particulièrement recherchés pour la préparation de diverses pâtisseries. Une cane donne à sa première ponte de 20 à 30 œufs, mais seulement lorsqu’on les lui retire à mesure qu’ils sont pondus. Lorsqu’elle va pondre à l’écart pour cacher ses œufs, si l’on parvient à découvrir son nid, il ne faut pas déranger sa couvée ; elle ne pond dans ce cas que le nombre d’œufs qu’elle peut couver. Souvent aussi, la cane domestique, pressée de pondre, pond où elle se trouve, au milieu de la basse-cour, quelquefois même dans l’eau. Si la cane se construit un nid dans le local où couchent les canards, on doit le respecter. La cane couve avec beaucoup d’assiduité ; elle quitte à peine ses œufs pour manger. Elle ne peut pas couver plus de 13 à 15 œufs ; ce qu’elle pond au-delà de ce nombre peut être confié à une poule couveuse qui s’attache aux petits comme s’ils étaient de son espèce, mais qui ne peut, bien entendu, les conduire à l’eau. L’incubation dure de 28 à 30 jours ; tous les petits ne naissent pas en même temps ; les œufs les plus frais éclosent les premiers. Après les 10 premiers jours de l’incubation, on peut mirer les œufs en les approchant de la flamme d’une chandelle ; on reconnaît et l’on élimine ceux qui ne contiennent pas de caneton en train de se former. Les petits récemment éclos restent quelque temps sous les ailes de la mère ; on doit se garder de les déranger. Dès que les canetons commencent à criailler et à quitter la mère, il est temps de leur donner leur premier repas. La nourriture qui leur convient consiste en mie de pain émiettée mouillée de lait caillé ; on peut aussi leur donner du vermicelle bouilli dans de l’eau. On leur donne à boire dans un vase plat où ils puissent facilement barboter ; après chaque distribution d’aliments, on remet les canetons sous la mère ; ils doivent faire 5 ou 6 repas par jour. Au bout de quelques jours, le vermicelle cuit peut être remplacé par de la recoupe : il est temps dès lors de mener les canetons à l’eau. À défaut d’une mare ou d’une pièce d’eau, on peut ouvrir dans la basse-cour une petite fosse enduite de terre glaise, afin qu’elle retienne l’eau. Les aliments destinés aux canetons sont placés au bord de l’eau dans une assiette et sous une mue ; les canetons vont et viennent de la fosse sous la mue ; ils y prennent leur nourriture sans que les autres volailles puissent en profiter à leur préjudice. Les jeunes canetons ne doivent pas rester longtemps dehors. Pendant le premier âge, la pluie leur nuit sensiblement ; si donc il arrive qu’ils soient mouillés, il faut les laisser se sécher et se réchauffer dans une chambre, près d’une cheminée où l’on allume un feu clair. Souvent les canetons se salissent en passant les uns par-dessus les autres, après avoir marché dans leur pâtée et dans l’eau qu’on leur donne à boire ; leur duvet se colle sur leur peau et devient comme visqueux ; si on les laisse en cet état, ils sont perdus. Quand même la température serait froide, le mieux est encore, dans ce cas, de les mener à l’eau et de les laver avec précaution ; dès qu’ils se sont séchés près du feu, ils reprennent leur vivacité et leur bon appétit. Après 5 ou 6 jours de ce nouveau régime, on peut donner aux canetons, au lieu de recoupe, du son mêlé d’environ moitié de son volume d’ortie hachée ou coupée. La voracité des jeunes canards est extrême ; il leur faut de 5 à 6 distributions de nourriture par jour ; ils demandent sans cesse à manger ; dès qu’ils sont repus, ils courent s’ébattre sur l’eau, puis ils font un somme, et, en s’éveillant, recommencent à dévorer. Vers l’âge d’un mois, ils pourraient prendre leur part des repas donnés aux autres volailles ; mais il vaut toujours mieux leur distribuer à part leur nourriture, consistant en avoine, criblures de grains, son mouillé, pommes de terre cuites et écrasées. Les rations de pâtée diminuent graduellement jusqu’à ce que les jeunes canards soient croisés, ce qui a lieu vers l’âge de 3 mois : ils peuvent alors trouver au dehors une partie de leur nourriture. On dit que les canards sont croisés quand les extrémités de leurs ailes se croisent sur leur dos. Lorsqu’ils ont mué, vers le mois de septembre, ils sont considérés comme ayant atteint toute leur croissance ; c’est le moment de les engraisser (Voy. Engraissement des volailles). On tue les canards comme les oies (Voy. Oies) ; il faut immédiatement enlever les intestins.

Après la saison de la ponte, il convient de vendre les canes de l’année précédente qui ne doivent pas couver ; celles qui ont élevé une couvée sont engraissées et livrées à la consommation. Bien que la cane puisse couver plusieurs années de suite, il vaut mieux renouveler cette partie de la basse-cour tous les ans ; les jeunes canes de l’année précédente donnent de plus beaux œufs et mènent à bien des couvées plus nombreuses que les vieilles canes.

Le Canard de Barbarie ou Canard musqué, beaucoup plus volumineux que le Canard commun, en diffère essentiellement par les mœurs comme par le plumage. Quoiqu’il ait plusieurs femelles, il prend part aux soins que celles-ci donnent à leurs petits. Dans la basse-cour, il ne fraye pas volontiers avec les autres canards ; mais si le mâle de cette race est séparé des femelles de son espèce, le croisement peut avoir lieu ; les métis qui en résultent sont très gros, mais privés de la faculté de se reproduire. La cane de Barbarie pond à la même époque que la cane commune ; ses œufs sont un peu moins nombreux ; elle se décide difficilement à couver dans le local où couchent les canards, et cherche un lieu écarté pour faire son nid, le plus souvent au bord de l’eau, quelquefois à une certaine hauteur, sur un tronc d’arbre incliné. Ses œufs peuvent aussi être couvés par une poule ; pour peu qu’on l’inquiète ou qu’on la dérange, la cane de Barbarie abandonne facilement ses œufs. La durée de l’incubation est de 28 à 30 jours. On donne aux petits la même nourriture et les mêmes soins qu’à ceux du canard commun. Le canard de Barbarie ne s’engraisse pas ; mais, étant suffisamment nourri, il n’est jamais maigre. Pour le tuer, il faut retrancher la tête, sans quoi l’odeur musquée dont elle est imprégnée se communique à tout le corps. Sa chair est toujours moins délicate que celle du canard commun.

Canards et Canetons (Cuisine)

Les Canards domestiques, excepté les jeunes canards ou Canetons, sont rarement servis comme rôti ; cet honneur est plus spécialement réservé au Canard sauvage. Toutefois, si l’on veut mettre à la broche un canard domestique, on lui donnera un goût bien supérieur, en le garnissant intérieurement, avant de le faire cuire, d’une farce faite avec son foie, un peu de beurre, un oignon et une petite quantité de sauge finement hachés, du poivre et du sel. Les Canetons les plus estimés sont ceux de Rouen. Les Canards et les Canetons dits de ferme, sont aussi très bons lorsqu’ils sont jeunes et qu’ils ont été bien nourris.

Canard ou Caneton rôti. Il faut choisir un jeune canard ou caneton bien gras, le vider, le flamber et le trousser en lui renversant les pattes le long des cuisses. On le barde et on le met à la broche devant un feu modéré, en l’arrosant, pendant la cuisson, avec un peu de bouillon auquel se mêlera son jus. Trois quarts d’heure au plus suffisent pour faire rôtir un canard, une demi-heure pour un caneton, quand on emploie la broche et le feu dans la cheminée, un peu moins de temps avec la coquille et la cuisinière. Il ne faut pas que le canard soit trop cuit ; la chair doit en être rosée, quand on le découpe. On le sert sur le jus qu’il a rendu. — Pour découper le canard, on commence par enlever des filets ou aiguillettes depuis la partie supérieure de l’estomac jusqu’au croupion ; on coupe ensuite des aiguillettes sur les ailes et même sur les cuisses, et ce n’est qu’après avoir ainsi détaché le plus de filets possibles qu’on divise les membres, sur lesquels une partie de la chair reste encore attachée.

Canard ou Caneton poêlé aux navets, aux olives, etc. Après l’avoir vidé et flambé, on le trousse, les pattes sortant près des cuisses, on le couvre, sur l’estomac, de légères bardes de lard frais, et on le met dans une casserole avec carotte et oignon émincés passés au beurre, thym, laurier, 2 clous de girofle ; on mouille de 2 ou 3 cuillerées de consommé ou de bouillon, et on donne 3/4 d’heure de cuisson. Pendant ce temps on taille en forme de petites poires une certaine quantité de navets, et on les met dans une casserole avec un morceau de beurre pour les y passer en y ajoutant une cuillerée à café de sucre en poudre et un peu d’eau. Quand ils ont pris une belle couleur dorée, on les mouille d’une cuillerée d’espagnole et d’une cuillerée de bouillon ; à défaut d’espagnole, on ajoute un peu de farine et une cuillerée de bon jus. Une fois qu’ils sont cuits, on égoutte le canard, on le débride, et, après l’avoir dressé sur le plat, on le garnit des navets et de la sauce. — On peut remplacer cette garniture par des olives qu’on aura tournées et fait mijoter pendant un quart d’heure dans du jus ou du bouillon ; par des petits pois, qu’on aura fait cuire avec du petit lard dessalé et coupé en gros dés, etc.

Au lieu de poêler le canard, et surtout de la faire cuire avec les garnitures, ce qui lui ôte une partie de sa saveur, on peut le faire rôtir, le retirer de la broche quand il est cuit aux trois quarts, et le laisser ensuite mijoter pendant 10 m . avec les navets, olives, petits pois, etc. Il conserve mieux ainsi son goût et son jus, et les garnitures ont également toute la saveur désirable.

Canard sauvage rôti. Après l’avoir plumé, vidé et troussé, on le barde et on l’embroche en travers sur un hâtelet. On doit le faire cuire un peu vert, c.-à-d. de manière que, quand on le découpe, la chair en soit rosée et juteuse. On peut reconnaître, comme pour tout gibier à plumes, à viande noire, qu’il a atteint son point de cuisson, d’après quelques gouttelettes de jus qui commencent à tomber et un petit jet de fumée qui s’en échappe. On le sert avec une sauce au pauvre homme, qu’on aura préparée d’avance et placée sous la broche pendant la cuisson Voy. Sauces.

Canard sauvage en entrée. Les recettes indiquées pour les canards domestiques, sont également bonnes pour les canards sauvages. Ceux-ci toutefois ne s’accommodent pas de toutes sortes de garnitures ou de sauces, et la garniture de navets glacés est celle qui leur convient le mieux.

Canard sauvage en salmis. On met à la broche un ou deux canards, emballés dans une feuille de papier, et, après une demi-heure de cuisson, quand ils sont à peu près cuits au trois quarts, on les déballe, on les découpe et on met les membres dans une casserole avec le jus qu’ils ont rendu, en les tenant chauds sans les faire bouillir. Il faut mettre les débris dans une casserole avec 2 verres de bon vin rouge, un peu d’échalote, un clou de girofle, une pincée de mignonnette, faire bouillir le tout jusqu’à réduction de moitié, le passer dans un plat à sauter, y ajouter une sauce financière réduite (Voy. Sauce), qu’on aura tenue chaude au bain-marie, passer ensuite à l’étamine et finir avec une cuillerée d’huile d’olives et le jus d’un demi-citron pour saucer les membres des canards, qu’on aura dressés avec quelques croûtons et, si l’on veut, une petite garniture de truffes et de champignons émincés.

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