Bécasse, Bécasseau, Bécassine

(Chasse)

1° Bécasse

Il reste pendant toute l’année des bécasses dans nos grandes forêts et dans les parties boisées de nos montagnes ; mais elles y sont en très petit nombre, et on ne chasse guère cet oiseau qu’au printemps, lorsqu’il se dirige vers les endroits élevés qu’il habitera pendant la belle saison, ou bien à la fin de l’automne, lorsque les premiers froids le forcent à chercher des régions plus tempérées. Pendant l’été, les bécasses fréquentent les parties des montagnes où l’on conduit les troupeaux de vaches, parce qu’elles trouvent dans la bouse des vers et des scarabées, dont elles font en partie leur nourriture. Elles fouillent encore avec leur long bec dans les terrains humides et tourbeux, sous les feuilles tombées pour y trouver des vers et des limaces : aussi l’hiver, s’il vient un temps doux et humide, on sera sûr de trouver la bécasse dans les taillis couverts, mais clairs par-dessous et garnis d’une bonne couche de feuilles mortes. La gelée et la sécheresse la font descendre dans les fonds marécageux abrités, là où le sol tourbeux ne se durcit pas, près des sources et des ruisseaux, partout où l’influence de la saison se fait le moins sentir. Pendant la chaleur, c’est dans les bois élevés que les bécasses cherchent un épais ombrage. S’il s’y trouve quelque place garnie de fougère ou de houx, elles y seront de préférence et presque toujours rassemblées, ou peu éloignées les unes des autres. Par les temps couverts et pluvieux, elles iront dans les jeunes taillis, très clairs, mais dépourvus de grandes herbes : car en général, la bécasse ne se tient que là où elle peut librement marcher : elle recherche le couvert, mais non le fourré. La bécasse, lorsqu’elle se sent un peu d’avance sur le chasseur, se met à courir ; il faut alors, pour la rejoindre, un chien qui serre le gibier de près sans cependant le forcer ; mais, derrière les buissons, et dès qu’il s’éloigne un peu, on perd bientôt le chien de vue, et s’il tombe en arrêt, le chasseur n’étant plus guidé par le bruit de sa course, ne sait plus de quel côté se diriger. Beaucoup de chasseurs ont donc pris l’habitude de mettre au cou de leur chien un collier garni de grelots dont le tintement leur indique la direction à suivre. Quelquefois, lorsque la bécasse est surprise, elle se rase à terre, allongeant en avant son long bec. Ainsi étendue sur les feuilles mortes dont son plumage a presque la couleur, elle part sous les pieds du chasseur. La piste de cet oiseau conserve tant de sentiment que beaucoup de chiens et même des plus sages la suivent en donnant de la voix : on la chasse donc quelquefois avec des bassets ou des kings-charles.

On tire aussi la bécasse en battue. Lorsque la ligne des tireurs est placée près d’une plaine, il arrive souvent que ces oiseaux ne voulant pas quitter le bois s’abattent près des derniers arbres, en sorte que les chasseurs embusqués sur la ligne peuvent la tirer au posé.

On la tue aussi à l’affût en l’attendant près des abreuvoirs où elle vient le soir et le matin pour se laver les pattes et le bec. Vers la fin de février ou le commencement de mars, les bécasses s’accouplent. Alors à la tombée de la nuit elles se poursuivent en poussant un cri qui s’entend d’assez loin. Le chasseur les attend dans les larges allées, dans les gorges qu’elles suivent de préférence, et les tire au passage. La bécasse tombe pour peu qu’elle soit touchée. Aussi n’emploie-t-on pour la tirer que du plomb de petite dimension ; il est important toutefois de tuer la pièce froide ; car beaucoup de chiens répugnent à rapporter cet oiseau, et s’il va tomber dans un fourré, il est fort difficile de le retrouver. Cette chasse du printemps s’appelle la croule.

2° Bécasseau

Les bécasseaux hantent les lieux humides et de préférence le bord des cours d’eau. Ils sont presque tous oiseaux de passage. Au commencement de mai, on en voit arriver auxquels la blancheur de leur ventre a fait donner le nom de culs blancs. Quelquefois solitaires, quelquefois réunis en bande de 4 à 5 individus, ils parcourent rapidement les grèves que la rivière a laissées à sec : ils y cherchent les vers et le frai de poisson dont ils font leur nourriture. On les chasse en suivant à pied le bord de l’eau ou bien en bateau, en cherchant à les surprendre dans de petites anses. Leur vol est excessivement rapide, et le tir en est très difficile. — On rencontre quelquefois aussi un autre bécasseau plus petit dont le plumage plus obscur est semé de taches grises ; ils vivent par bandes assez nombreuses ; on leur donne le nom de maubèches tachetées.

3° Bécassine

Elle ressemble par sa configuration à la bécasse, mais elle est beaucoup plus petite, son plumage est moins grivelé et plus gris. Il faut chercher la bécassine sur le bord des pièces d’eau ou dans les queues d’étangs. Quelques-uns de ces oiseaux font leur nichée dans nos marais, mais ils y sont en petit nombre ; on ne les trouve en abondance que quand l’hiver les a chassés des régions du nord. Comme tous les individus de passage, ils séjournent peu de temps dans le même endroit, et quand ils arrivent dans un canton, il est prudent de ne point remettre la chasse au lendemain. Lorsque la gelée a durci les étangs, les bécassines cherchent les sources chaudes et le bord des cours d’eau qui ne gèlent pas. Dans la belle saison, il arrive, si la terre a été détrempée par des pluies abondantes, qu’on rencontre la bécassine dans des prés, dans des luzernes ; mais c’est une bonne fortune sur laquelle il ne faut pas compter. Il n’est point absolument nécessaire de marcher, comme on l’a dit, toujours le dos au vent. Il faut, autant que possible, conserver le vent bon ; mais il est évident qu’en faisant le tour d’un étang, si pendant la moitié du trajet on a le vent bon, on l’aura mauvais de l’autre côté ; on ne doit donc pas trop se préoccuper de cette circonstance. La bécassine, en partant, pousse un cri, fait des crochets et ne s’élance en droite ligne que lorsqu’elle se croit hors de la portée du fusil. Quelques-uns veulent qu’on la tire lorsqu’elle prend son vol en droite ligne, d’autres qu’on tire aussitôt qu’elle s’élève, peu importe encore. Qu’on presse la gâchette aussitôt que le guidon aura couvert la pièce, et celle-ci tombera pour peu qu’elle soit atteinte. La bécassine blessée ne marche pas, elle reste à l’endroit où elle est tombée ; et comme le chien peut éprouver souvent beaucoup de difficulté à la sentir, il faut aussitôt qu’on abat une bécassine prendre de l’œil des points de repère afin de la retrouver facilement. — Outre la Bécassine commune, il existe une variété beaucoup plus grosse que l’on appelle Bécassine double. Elle est rare dans nos pays et ne hante pas les mêmes parages : tandis que la bécassine commune recherche les endroits vaseux, les marais, les queues d’étangs, la double préfère les eaux claires et limpides. — Une troisième espèce de bécassine, qui ne dépasse guère la grosseur d’une alouette, la Bécassine sourde, part sans pousser de cri et presque sous les pieds du chasseur. Son vol est en droite ligne. Elle se pose très près de l’endroit où on l’a fait lever ; on la rejoint ainsi facilement, et elle finit toujours par tomber sous le plomb.

On prend les bécasses et les bécassines avec tous les pièges employés ordinairement contre les oiseaux marcheurs et notamment avec les collets, les rejets, corde à pied, les traîneaux, les pantières, etc. Voy. ces mots.

Bécasse, Bécassine (Cuisine)

C’est en hiver que la bécasse a acquis toute sa graisse et qu’elle est recherchée pour la bonté de sa chair. Les bécassines paraissent dès le mois de septembre ou d’octobre. Ce gibier, bécasse ou bécassine, demande à être cuit un peu vert, c.-à-d. de manière que la chair, quand on la découpe, paraisse rosée. On ne le vide pas. — On découpe la bécasse en tranchant d’abord la tête qui ne se sert pas ; ensuite on détache les cuisses, les ailes, de manière à faire cinq morceaux distincts y compris la partie supérieure de la carcasse, à laquelle les filets restent attachés en grande partie. La cuisse a plus de fumet que l’aile ; mais celle-ci est sans contredit le morceau le plus délicat. Quant à la bécassine, on la divise en deux parties égales dans le sens de la longueur, après avoir d’abord détaché la tête.

Bécasse à la broche

Après qu’elle a été plumée et flambée, on croise les pattes sous les cuisses, de manière que les pattes se trouvent sur le dos, et on passe le bec dans la jointure des cuisses, comme si elles étaient traversées par une brochette ; on la couvre d’une barde de lard, qu’on assujettit au moyen d’une ficelle. On passe un petit hâtelet de fer à travers le corps de la bécasse, c.-à-d. entre les cuisses et les ailes, et on le fixe sur la broche. On fait griller ou frire une tartine de pain taillée carrément, et on la place sous le gibier de manière qu’elle reçoive tout ce qui tombera. On ne doit laisser cuire qu’une demi-heure avec broche et feu de cheminée, 25 minutes avec cuisinière et feu de cheminée, 20 minutes avec cuisinière et coquille. On sert la bécasse sur sa rôtie bien humectée.

Bécasses en salmis

On fait cuire à la broche deux bécasses, en ayant le soin de placer dessous une assiette pour recevoir tout ce qu’elles rejetteront, ce qui servira plus tard à faire la sauce. Quand elles sont presque cuites, on les débroche et on les laisse refroidir. On enlève alors les membres, ailes, cuisses, estomac ; on en ôte la peau, et on les met dans une casserole avec un peu de beurre ou de consommé pour les tenir chauds. On concasse les débris en y ajoutant d’abord ce que les bécasses ont rendu pendant la cuisson, ensuite quelques branches de persil, trois ou quatre échalotes et une gousse d’ail hachées finement, une demi-feuille de laurier, un peu de thym, du poivre et du sel. Quand ces débris ainsi assaisonnés ont été bien pilés, on les fait revenir avec un morceau de beurre pendant 7 ou 8 minutes ; on y verse un verre de vin blanc et une cuillerée de jus ou de bouillon. Après avoir laissé réduire le tout pendant 10 minutes, on le passe à l’étamine en le foulant bien, de manière à obtenir une espèce de purée claire qu’il faut maintenir chaude, mais sans la faire bouillir. On ajoute le jus de la moitié d’un citron, on lie avec un petit morceau de beurre frais ou une cuillerée à café de bonne huile d’olives, et on verse cette sauce sur les membres des bécasses qu’on a dressés et qu’on doit servir aussitôt sans les remettre sur le feu.

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