Bail à ferme

1° Choses susceptibles d’être données à bail

Le bail à ferme peut comprendre toute espèce de biens ruraux, terres, prés, bois, étangs, etc., ou l’usufruit de ces biens. On ne peut louer un droit d’usage, qui est tout à fait personnel et pour les besoins de celui qui en jouit, ni une servitude séparée du fond au profit duquel elle existe.

2° Personnes qui peuvent donner ou prendre à bail ; cautions

Le bail à ferme ne peut être contracté que par ceux qui ont la capacité générale de contracter et l’administration légale de la chose : ainsi sont incapables de louer et de prendre à ferme, les interdits, les mineurs, les femmes mariées non séparées qui ne peuvent prendre à ferme sans l’autorisation du mari ou de la justice. Les tuteurs des interdits et des mineurs peuvent louer les biens de ceux-ci pour 9 ans au plus, mais non les prendre à ferme, sans l’autorisation du conseil de famille. La femme mariée, séparée de biens, n’a pas besoin, pour contracter un bail à ferme, de l’autorisation de son mari. Le mari peut affermer, pour 9 ans au plus, les biens de sa femme, dont elle ne s’est pas réservé l’administration ; les baux de plus de 9 ans ne sont obligatoires pour la femme ou ses héritiers, lorsque la communauté se dissout, que pour ce qui reste à courir de la période de 9 ans qui est commencée. Les baux de 9 ans et au-dessus que le mari seul a passés ou renouvelés pour les biens ruraux de sa femme, plus de 3 ans avant l’expiration du bail courant, sont sans effet, à moins que leur exécution n’ait commencé avant la dissolution de la communauté. L ’usufruitier peut, dans les limites qui viennent d’être indiquées pour le mari, donner à ferme les biens compris dans son usufruit, et lorsque l’usufruit s’éteint, le propriétaire est tenu de respecter ces baux. Les mineurs émancipés peuvent passer des baux de 9 ans sans l’autorisation de leurs curateurs ; les baux à plus long terme devraient être réduits ; les individus pourvus d’un conseil judiciaire peuvent, sans l’assistance de ce conseil, passer des baux d’une durée qui n’excède pas de beaucoup l’usage suivi dans le pays. Les baux passés par une personne dont le droit est sujet à résolution, comme l’héritier apparent, le légataire ou donataire conditionnel, doivent être maintenus, s’ils ont date certaine, après que le droit du bailleur a été résolu.

Indépendamment du bailleur et du preneur, une caution peut intervenir, soit dans l’acte même, soit dans un acte séparé pour garantir les obligations de l’une ou de l’autre partie, plus particulièrement du fermier. On suit à cet égard les règles du cautionnement (Voy. ce mot). La caution ne peut être engagée au-delà du terme et des conditions qu’elle a stipulés ; si donc elle n’a garanti que le bail, elle ne peut être obligée pour la continuation résultant de la tacite reconduction.

3° Prix du bail

Il doit être sérieux, autrement on ne ferait pas un bail, mais une donation ; il peut consister en denrées aussi bien qu’en argent ; s’il a été fixé à la somme de tant par are, on doit comprendre pour le déterminer, les haies, fossés, francs-bords et talus. Si les parties ne le fixent pas elles-mêmes, elles peuvent s’en rapporter à l’arbitrage d’un tiers désigné par elles. Souvent on ajoute au prix du bail un pot-de-vin ; s’il n’est pas considérable et que le contrat n’en dise rien, on le regarde comme en dehors du prix principal ; s’il a été stipulé et payé, et qu’il soit élevé, on le considère comme faisant partie du prix, et on l’applique aux années de jouissance, de telle sorte que si le fermier cède son bail ou que le contrat soit résilié, le cessionnaire ou le bailleur est obligé de tenir compte du pot-de-vin payé, en raison du temps qui reste à courir.

4° Forme du contrat : bail écrit, bail verbal.

Le plus sûr, quand le bail a quelque importance, est de le faire par un acte notarié : c’est le moyen d’acquérir une hypothèque sur les biens du fermier, et d’avoir un titre qu’on puisse immédiatement faire exécuter en cas de non payement des fermages. Si le bail est par acte sous seing privé, il faut qu’il soit fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct, et qu’il contienne la mention de ce nombre. La signature doit consister dans le nom de famille, et non dans une croix ou signe, qui ne suffit pas pour constater l’individualité. Si une partie agit, dans la passation du bail, en vertu d’une procuration sous signature privée ou devant notaire, mais sans qu’il y en eût minute, la procuration doit être non seulement mentionnée dans le bail, mais enregistrée et déposée chez un notaire ; si elle a été faite en minute restée chez le notaire, il suffit de la mentionner dans le bail. Il n’est pas indispensable, mais il peut être prudent que chaque partie, quand elle sait écrire autre chose que son nom, mette, avant sa signature, les mots approuvé l’écriture ci-dessus : cela tend à prouver que le bail a été signé en pleine connaissance de cause. — Il n’est guère d’usage de donner et de prendre à ferme un immeuble par une simple lettre missive ; toutefois, on pourrait contracter ainsi, et les parties se trouveraient engagées du jour où l’offre de l’une d’elles aurait été acceptée par l’autre.

Le bail, au lieu d’être écrit, peut être purement verbal ; une promesse de bail, faite verbalement, constitue une obligation qui, si elle n’est pas réalisée, soumet celui qui s’y refuse à des dommages-intérêts ; on peut enfin, pour intéresser à tenir la promesse, la sanctionner par des arrhes. Mais, la première difficulté du bail verbal c’est, quand il est nié, d’en prouver l’existence. S’il n’a encore reçu aucune exécution, lorsque l’une des parties le nie, la preuve ne peut être reçue par témoins, quelque modique que soit le prix du fermage, et quoiqu’on allègue qu’il y a eu des arrhes données ; le serment peut seulement être déféré à celui qui nie le bail. Lorsque l’exécution du bail verbal a commencé, s’il y a contestation sur le prix, et qu’il n’existe point de quittance, le propriétaire est cru sur son serment, à moins que le locataire ne demande l’estimation par experts ; les frais de cette expertise demeurent à sa charge, si l’estimation excède le prix qu’il a déclaré. Dans le cas où le fermier, reconnaissant qu’il a reçu des quittances, refuserait de les produire, le propriétaire devrait être cru sur sa simple affirmation, même sans serment. La durée d’un bail verbal est déterminée par l’usage des lieux. Voy. ci-après.

5° Obligations du bailleur

Elles consistent à délivrer au fermier la chose louée, à entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, et à en faire jouir paisiblement le fermier pendant toute la durée du bail.

Délivrance

Le fermier a le droit d’exiger du bailleur qu’il lui livre l’objet affermé à l’époque convenue, et s’il n’y en a pas eu, au temps déterminé par les usages locaux, sinon à la première sommation qu’il lui en fait. Si le bailleur refuse sans motifs valables, le fermier peut obtenir un jugement pour être mis de force en possession, ou bien faire résilier le bail avec dommages-intérêts. Si le bailleur meurt avant d’avoir effectué la délivrance, le fermier peut la poursuivre pour le tout contre chacun des héritiers : aucun de ceux-ci n’a le droit de prétendre qu’il peut délivrer seulement sa part indivise dans l’objet affermé. — La délivrance est accomplie lorsque l’objet principal du contrat a été livré, et qu’il ne reste plus qu’à mettre le fermier en possession de quelques accessoires, comme une haie, un fossé, etc. Si quelqu’un de ces objets particuliers ne pouvait pas être livré, le fermier pourrait obtenir sur le prix de son fermage une diminution proportionnée à la valeur locative des choses dont il est privé. La chose doit être livrée avec les accessoires nécessaires à son usage : le fermier doit donc recevoir les clefs des bâtiments, les pailles et engrais, etc. Dans les baux d’immeubles où la chasse peut être exercée, il faut avoir soin de stipuler si le droit de chasse est réservé au propriétaire ou si le fermier en jouira. Quant à la pêche, le fermier y a droit dans les étangs qui se trouvent sur le fonds affermé : pour les cours d’eau qui traversent la propriété, la pêche appartient, si le bail ne porte rien de contraire, à la partie chargée du curage et du nettoyage. — La contenance du fond livré au fermier doit être égale à celle donnée par le bail. Si la contenance est indiquée dans le bail et que le bailleur ne puisse pas la délivrer tout entière, le fermier peut exiger une diminution proportionnelle du prix de fermage. Si la contenance est plus grande que celle exprimée dans le bail, le fermier a le choix de fournir le supplément proportionnel du prix de fermage, ou de se désister du contrat, pourvu que l’excédant soit au moins d’une vingtième au-dessus de la contenance indiquée : ce vingtième doit être entendu quant à la valeur et non quant à l’étendue. Dans les cas où le fermier a le droit de se désister du contrat, il doit être remboursé, non seulement de la portion du prix qu’il a payée, mais des frais du bail. C’est dans l’année à partir du jour du bail que le fermier doit agir en réduction de prix de son fermage, ou en résiliation de bail pour le déficit de contenance, et que le bailleur doit demander l’augmentation de prix de fermage pour excédant de contenance ; toutefois, si les parties avaient fixé une époque pour le mesurage, la prescription d’un an ne courrait qu’à partir de cette époque. Les frais du mesurage sont à la charge du bailleur. — Les choses affermées doivent être délivrées en bon état de réparations d’entretien et locatives. Il n’est pas besoin que le contrat dise rien des réparations pour que le bailleur soit obligé de les faire ; il y est tenu même lorsque le fermier déclare dans le bail qu’il a vu et visité les lieux et qu’il s’en contente. Si le fermier prend possession sans exiger que le bailleur fasse les réparations, il est présumé avoir consenti à prendre les choses dans l’état où elles se trouvaient. Le fermier qui entre en possession avant la fin des réparations peut après avoir mis le bailleur en demeure, se faire autoriser par la justice à faire effectuer les réparations et à en retenir le montant sur son fermage ; il peut aussi refuser de prendre possession avant que les choses soient entièrement réparées, et demander des dommages-intérêts s’il y a eu retard dans la prise de possession. Les parties peuvent, au reste, faire telles conditions qu’il leur convient relativement aux réparations à opérer au moment où le bail va commencer ; le plus souvent, on stipule que le fermier prendra les choses dans l’état où elles se trouvent et qu’il les rendra de même. Il faut, dans ce cas, visiter minutieusement les objets loués, et en constater l’état, afin que le fermier, à sa sortie, remette les lieux dans l’état où il les a reçus. Si un état des lieux est dressé, si un arpentage du bail fait à tant l’hectare est opéré, ces frais sont à la charge du bailleur comme frais de délivrance.

Entretien

Pendant la durée du bail, le bailleur doit faire toutes les réparations nécessaires, autres que les réparations locatives. Ainsi, il doit maintenir en bon état les toits, les portes, les fenêtres, de manière que les grains, les fourrages et les bestiaux soient à l’abri des mauvais temps et des agressions du dehors. Les dégradations provenant du fermier lui-même reste à sa charge ; s’il n’y a pas de sa faute, il a le droit d’exiger que le bailleur remette les choses en bon état ; si celui-ci s’y refuse ou néglige de le faire, le fermier peut se faire autoriser à exécuter à lui-même les réparations nécessaires ; il peut même demander la résiliation du bail, avec des dommages-intérêts si les réparations sont tellement considérables qu’à leur défaut l’exploitation devienne impossible. Lorsque le fermier s’oppose à ce que les ouvriers qui viennent pour faire des réparations s’introduisent chez lui, il supporte les inconvénients des dégradations sans pouvoir, à la fin du bail, exiger de dédommagement. S’il s’agit de réparations urgentes, le fermier doit les laisser faire, quelque incommodité qu’elles lui causent, sauf à exiger une diminution de son fermage proportionnée à la partie de la chose louée dont il a été privé, lorsque les réparations durent plus de 40 jours ; si des réparations rendent inhabitable ce qui est nécessaire au logement du fermier et de sa famille, ou à celui des bestiaux indispensables à l’exploitation, le fermier peut faire résilier le bail.

Garantie de la jouissance

Le bailleur doit garantir le fermier contre les vices ou défauts qui rendent la chose louée impropre à son usage quand même lui, bailleur, ne les aurait pas connus ; tel serait le cas d’une pièce de terre soumise à une inondation souterraine détruisant peu à peu la récolte, d’un pré dont l’herbe ferait périr les bestiaux, etc. ; il n’en serait pas de même des inconvénients qui occasionneraient seulement une gêne, sans aucun danger. S’il résulte des vices de la chose quelque perte pour le fermier, il a droit de s’en faire indemniser. Lorsqu’il s’aperçoit que la chose affermée a un vice qui la rend impropre à son usage, il peut demander la résiliation du bail, ou seulement la diminution du prix de fermage si le défaut découvert ne fait que diminuer l’usage de la chose. Du reste, il ne peut rien réclamer s’il connaissait les vices de la chose au moment où il la prenait à ferme, ou s’il pouvait facilement en prévoir l’existence. — Le bailleur ne peut troubler la jouissance du fermier ; il n’a pas le droit de changer la forme de la chose affermée, p. ex. de changer une pièce de terre en pré, une prairie en forêt, un champ en étang ; s’il le fait, le fermier a droit à des dommages-intérêts, et, dans le cas où le préjudice serait très considérable, il pourrait demander la résiliation du bail. Si des réparations urgentes duraient plus de 40 jours, ou si, quoique d’une moindre durée, elles empêchaient l’habitation des bâtiments ou l’exploitation de la ferme, le fermier aurait le droit, comme il a été dit ci-dessus, d’obtenir une diminution sur le prix du bail ou même la résiliation. Si des tiers troublent le fermier dans sa jouissance par de simples voies de fait, telles que des délits ruraux ou forestiers, des vols ou dégâts, mais sans prétendre, d’ailleurs, aucun droit sur la propriété de la chose affermée, le bailleur n’est pas tenu d’indemniser le fermier de ces voies de fait temporaires ; seulement, si les atteintes allaient jusqu’à la destruction de tout ou d’une partie considérable de la chose, le fermier pourrait demander une diminution de fermage ou la résiliation du contrat. Dans le cas où, sans troubler actuellement la possession matérielle du fermier, des tiers l’assignent en justice pour qu’il ait à leur délaisser l’immeuble affermé dont ils se prétendent propriétaires, le fermier doit dénoncer la demande au bailleur ; il peut, ou bien rester en cause en appelant le bailleur en garantie, ou bien se faire mettre hors de cause, ce qu’il obtient en faisant simplement signifier au tiers qui l’a assigné les noms, prénoms, qualité et demeure du bailleur. Si, en même temps qu’ils agissent en justice pour faire reconnaître leurs droits de propriété ou de servitude, les tiers troublent matériellement le fermier dans la jouissance de l’immeuble affermé, celui-ci doit dénoncer le trouble ou l’empêchement au propriétaire par un exploit qu’il lui fait notifier, et l’assigner en garantie ; si les tiers gagnent leur procès, le fermier a le droit d’exiger une diminution proportionnelle sur le prix du fermage. — Le propriétaire doit indemniser le fermier du préjudice qu’il éprouve par suite des travaux de voirie exécutés par la municipalité ou par l’administration des ponts et chaussées, p. ex. dans le cas d’ouverture d’un canal de décharge dans des terres.

Obligation d’indemniser le fermier pour perte de récoltes

Si le bail est fait pour plusieurs années, et que, pendant sa durée, la totalité ou la moitié au moins d’une récolte soit enlevée par des cas fortuits, le fermier peut demander au bailleur une remise du prix de sa location, à moins qu’il ne soit indemnisé par les récoltes précédentes ; s’il n’est pas indemnisé de cette manière, l’estimation de la remise à laquelle il a droit ne peut avoir lieu qu’à la fin du bail, auquel temps il se fait une compensation de toutes les années de jouissance ; cependant la justice peut provisoirement dispenser le fermier de payer une partie du prix en raison de la perte soufferte. Si le bail n’est que d’une année, et que la perte soit de la totalité ou au moins de la moitié des fruits, le fermier doit être déchargé d’une partie proportionnelle du prix de la location ; le bailleur ne lui doit aucune remise si la perte est moindre de moitié. Ces dispositions, qui privent le bailleur d’une partie des fermages qui lui étaient dus, ne doivent pas être étendues dans l’intérêt du fermier ; il faut, pour ne pas s’engager dans des contestations toujours coûteuses, que chaque partie pèse bien ses droits et ses obligations, que le bailleur ne refuse pas la remise sur le fermage quand elle est due, et que le fermier ne l’exige pas quand son droit n’est pas légal ou n’est pas certain. Ainsi, d’abord, il faut examiner si la totalité, ou, au moins, la moitié des fruits, a été enlevée, et ce calcul s’établit sur ce qui reste du produit des années communes, après déduction de ce qui est périodiquement détruit par une cause permanente de perte ; p. ex., si le quart d’un pré est tous les ans, couvert d’une inondation qui perd la récolte de cette partie, c’est seulement si la totalité ou la moitié des trois autres quarts a été enlevée fortuitement qu’il y a lieu à une remise proportionnelle du fermage. Si un même bail comprend plusieurs pièces affermées à des prix différents et d’une manière distincte, ce n’est pas sur les pertes éprouvées par l’ensemble, mais sur la perte subie par chaque pièce séparément que devrait être apprécié le droit du fermier à la remise. Si , sans que le bail soit ainsi divisé en plusieurs locations distinctes, un seul et même acte renferme, pour un prix unique, différentes cultures dans la même exploitation, il faut, pour savoir si la perte équivaut à la moitié au moins, fixer d’abord le revenu total, déterminer pour quelle quotité chaque nature de produit y entre, et ensuite quelle est la perte survenue dans chaque espèce de fruits ; en additionnant ces pertes, on voit si elles atteignent la moitié qui peut donner lieu à la remise. Quand le fermier a obtenu la remise, il ne peut, quelle que soit la perte, demander, en outre, des dommages-intérêts ni la résiliation du bail. — Pour que la perte d’au moins moitié donne lieu à une remise en faveur du fermier, il faut qu’elle porte sur une même récolte ; le fermier ne pourrait donc réunir les pertes légères qu’il aurait faites pendant plusieurs années, pour demander, à la fin du bail, une réduction sur le fermage. — Le bailleur n’est tenu à aucune remise si la cause du dommage causé aux récoltes était existante et connue au moment où le bail a été passé ; il suffit même qu’elle ait pu être prévue par le fermier, par exemple, si un pré situé près d’une rivière sujette à déborder venait à être inondé ; si le défaut de récolte provenait de la stérilité du sol ; et à plus forte raison si la stérilité avait pour cause l’ensemencement intempestif ou la mauvaise culture du fermier. Les seules pertes qui obligent le bailleur à une remise sont celles qui surviennent par cas fortuit, que le fermier n’a pu ni prévoir ni empêcher, p. ex., la gelée, la grêle, le feu du ciel, la coulure, la rouille, l’invasion d’oiseaux ravageurs, de sauterelles, etc. Le bailleur n’est tenu à rien pour les accidents imprévus, si, par une clause expresse du bail, le fermier s’est chargé des cas fortuits ; cette stipulation ne s’entend toutefois que des cas fortuits ordinaires, à moins que le fermier n’ait été chargé par le bail de tous les cas fortuits prévus ou imprévus, concernant les fruits et récoltes (Voy. Cas fortuits). — Si, avant l’expiration du bail, le propriétaire a consenti une remise, et que, postérieurement, le fermier soit indemnisé de sa perte par une bonne année, le propriétaire peut revenir sur la remise qu’il est censé n’avoir faite que conditionnellement. Pour apprécier les pertes ou les bénéfices du fermier, on n’a égard qu’aux années du bail courant, et on ne tient aucun compte de ce qui se serait passé pendant la durée d’un bail antérieur, quoique contracté entre les mêmes parties. — Il n’y a pas de délai ni de mode fixé au bailleur ni au fermier pour la constatation des pertes qui peuvent donner lieu à une remise du fermage ; la preuve, par écrit ou par témoins, peut être admise par les tribunaux suivant les circonstances ; le mieux, c’est que le bailleur et le fermier s’entendent pour faire expertise, le plus tôt possible après l’accident fortuit, les pertes éprouvées. — En général, la remise ne doit être faite au fermier que pour des pertes survenues avant la récolte effectuée : elle ne peut être exigée lorsque la perte des fruits arrive après qu’ils sont séparés de la terre, même quand ils restent sur le sol étant coupés, mais non encore enlevés.

6° Obligations du fermier

Voy. Fermier. — Le fermier peut, si le bail ne lui interdit pas cette faculté, sous-louer ou céder son bail à un autre. Voy. Sous-Location.

7° Manières dont le bail à ferme prend fin

Expiration de la durée du bail

Le contrat cesse de plein droit, s’il n’est pas expressément renouvelé à l’époque fixée par le bail, sans qu’il soit nécessaire de donner aucun congé, de faire aucune signification au fermier. Si le bail a été fait verbalement ou si la durée n’en a pas été limitée, il est censé fait pour le temps qui est nécessaire afin que le fermier recueille tous les fruits de l’héritage qui lui a été loué : ainsi le bail à ferme d’un pré, d’une vigne ou de tout autre fonds dont les fruits se recueillent en entier dans le cours de l’année, est censé fait pour un an ; le bail des terres labourables, lorsqu’elles se divisent par soles ou saisons, est censé fait pour autant d’années qu’il y a de soles. Quand un bail comprend plusieurs espèces de fonds, par exemple, lorsqu’un pré ou une vigne, dont les fruits se récoltent chaque année, sont affermés dans un même bail que des terres labourables assolées, le bail a sa durée fixée par l’assolement des terres ; il ne dure pas moins d’une année lorsqu’il a pour objet des objets qui produisent deux récoltes par an, comme une luzerne. Si, avec d’autres fonds, un bois taillis était affermé d’une manière distincte, le bail durerait pendant le temps nécessaire pour opérer toutes les coupes sur le terrain du bois affermé ; si le bail comprend le bois confondu avec les autres fonds, sa durée est marquée par le temps nécessaire pour récolter les fruits de la chose principale, et si, pendant cette durée, le bois n’atteint pas l’âge où on le coupe, le fermier n’a pas le droit d’y toucher ni de demander aucune indemnité pour les coupes qu’il n’a pas faites. Lorsque le temps pour lequel un bail sans écrit est censé avoir été fait, est expiré, le bail cesse de plein droit, sans qu’il soit besoin de donner aucun congé. — Si à l’expiration du bail, soit écrit, soit verbal, le fermier reste et est laissé en possession, il s’opère, par ce fait seul, un nouveau bail dont l’effet et la durée sont les mêmes que ceux du bail précédent (Voy. Tacite reconduction). — À l’expiration du bail, le fermier sortant doit laisser à son successeur les logements convenables et les facilités nécessaires pour les travaux de l’année suivante ; il doit aussi laisser les pailles et engrais.

Résolution du bail

Le bailleur et le fermier peuvent s’entendre pour résilier le bail avant l’expiration de sa durée ; ils doivent avoir soin de rédiger cet accord en double exemplaire et de le signer. Ils peuvent aussi mettre d’avance dans les conditions du bail que le contrat sera résolu si tel événement arrive ; si le bailleur ou le fermier nie que cet événement soit arrivé, la partie qui soutient le contraire assigne devant le tribunal compétent pour faire prononcer la résiliation. — Le bail est résolu par la destruction totale de la chose affermée, si la destruction provient de la faute du fermier, le bailleur a droit à des dommages-intérêts. Si la chose affermée ne périt que partiellement, le bailleur ne peut demander la résolution que si la perte a eu lieu par suite d’une faute du fermier ; quant à ce dernier, si cette destruction partielle lui occasionne un préjudice grave, il a le choix de demander une diminution proportionnelle du prix ou la résiliation ; si le préjudice n’est pas considérable, le fermier ne peut demander qu’une réduction de son fermage. Le bail est résolu si le bailleur ou le fermier ne remplit pas ses obligations légales, ou n’exécute pas les conditions stipulées dans l’acte. Les tribunaux décident, d’après les faits, si les infractions reprochées sont suffisantes pour faire annuler le bail. La faillite du fermier n’autoriserait pas le bailleur à demander la résolution, s’il restait des garanties suffisantes pour l’exécution ultérieure du bail.

Changement de propriétaire

Si le fermier a un bail authentique ou un bail sous seing privé, enregistré ou déposé chez un officier public, l’acquéreur de la chose affermée ou tout autre successeur du bailleur est obligé de respecter le bail et de le laisser continuer jusqu’à son expiration. Si le bail est purement verbal et sans date certaine, l’acheteur, le donataire ou tout autre successeur à titre particulier peut expulser le fermier sans lui donner aucune indemnité ; il doit toutefois respecter le bail si son titre d’acquisition lui en a imposé la condition. Le successeur qui aurait le droit d’expulser le fermier et qui le laisse en possession et reçoit de lui les fermages, est censé approuver et reconnaître le bail et doit permettre qu’il s’exécute. Les parties contractantes peuvent stipuler dans le bail qu’en cas de vente de l’immeuble affermé l’acquéreur aura le droit d’expulser le fermier. Dans ce cas, le bailleur doit au fermier un dédommagement égal au moins au tiers du prix du bail pour le temps qui reste à courir. L’acquéreur qui veut user de la faculté réservée par le bail d’expulser le fermier, doit lui signifier son acte d’acquisition, lui déclarer son intention de l’expulser et l’avertir au moins un an d’avance. L’acquéreur qui n’a acheté que sous la condition que le vendeur pourra racheter ne peut exercer le droit d’expulser le fermier avant que le délai fixé pour le rachat soit expiré.

Saisie des objets loués

Lorsque l’immeuble affermé est saisi par les créanciers du bailleur, le bail qui n’a pas date certaine avant le commandement tendant à la saisie peut-être annulé si les créanciers ou l’adjudicataire le demandent ; les baux antérieurs au commencement même des poursuites ne peuvent être annulés que si les créanciers du propriétaire prouvent qu’ils avaient été passés dans le but de frauder leurs droits. Si les baux sont maintenus, soit parce qu’ils avaient une date certaine, soit parce qu’ils n’ont pas été attaqués par les créanciers, les fermages sont immobilisés à partir de la transcription de la saisie ; un simple acte d’opposition entre les mains du fermier l’oblige à ne payer que sur des mandements de collocation, ou en versant ses fermages échus à la caisse des consignations. S’il n’y a pas eu d’opposition, les payements faits par le fermier au propriétaire sont valables.

8° Prestations et remboursements que se doivent les contractants après l’expiration du bail

On a vu ci-dessus (n° 5) que le fermier peut avoir droit à une indemnité en cas de mauvaise récolte. Le propriétaire a le droit de retenir sur estimation les pailles et engrais laissés par le fermier sortant. Si le fermier a fait, durant le bail, des réparations indispensables que le bailleur aurait dû faire, il doit être remboursé de ses frais : les intérêts des sommes ainsi dépensées ne sont dus qu’après la demande du principal. Si les dépenses ont été seulement d’utilité ou d’agrément, le fermier n’a rien à réclamer, mais il a le droit d’emporter les objets qui peuvent être enlevés sans détériorer l’immeuble. Si le fermier a fait des améliorations destinées à rester à perpétuelle demeure, comme des plantations d’arbres, des clôtures en pierre, le bailleur peut obliger le fermier de les laisser, mais il doit en payer la valeur telle qu’elle existe au moment de l’expiration du bail ; cette valeur est fixée d’un commun accord, sinon par des experts (C. Nap., art. 1714-1751, 1763-1778 ; C. de proc. civ., art. 684, 685).

9° Timbre et enregistrement

Quand on fait un bail à ferme sous seing privé, il faut l’écrire sur papier timbré et le faire enregistrer dans les trois mois, sous peine, en cas de retard, d’avoir à payer un double droit. Les baux à ferme passés pour un temps limité sont soumis à un droit de 20 c. par 100 fr. sur le prix cumulé de toutes les années ; ceux de 3, 6, 9 années, payent comme baux de 9 ans de durée. Pour fixer le droit à percevoir, on ajoute au fermage annuel les charges imposées au fermier, telles que l’impôt foncier, les grosses réparations, les réparations d’entretien, l’obligation de faire des constructions, etc. Quand le prix du bail consiste en grains ou denrées, on l’évalue en argent d’après les mercuriales, et si cela ne peut être fait, les parties émettent une déclaration estimative d’après laquelle le droit est perçu. On ne compte pas, pour le droit, l’obligation de payer 6 mois d’avance, ni la quittance de ce payement, les payements faits par le bail même pour pot-de-vin ou denier d’entrée, les avances en nature faites au fermier, telles que fourrages, grains, engrais, etc., l’indemnité stipulée au profit du fermier dans le cas où il serait expulsé. — Les baux d’une durée de plus de 18 ans doivent être transcrits au bureau des hypothèques.

Formules

(Les conditions et les énonciations du bail varient suivant la nature des objets affermés et suivant l’usage des lieux ; il ne serait ni possible ni prudent de donner une formule uniforme ; on ne peut que tracer un cadre qui sera rempli selon les convenances des parties).

Entre M. … (nom, prénoms, profession), demeurant à…, agissant (dire si c’est en son nom, ou comme tuteur, comme mari, comme mandataire, en mentionnant les actes qui donnent le droit d’agir pour autrui) d’une part ;

Et M. … (nom, prénoms, profession), demeurant à…, d’autre part,

Il a été fait et convenu ce qui suit :

M. … fait bail à M. … ce acceptant, de la ferme (de la terre, etc.), située à… dont suit la désignation (indiquer les tenants et aboutissants, les contenances, les soles des terres, stipuler que lors de l’entrée en jouissance il sera dressé contradictoirement un état des lieux, aux frais de… et qu’en cas de refus, la partie récalcitrante sera mise en demeure et l’état dressé avec l’aide d’un expert).

Le présent bail est fait pour la durée de… (on peut fixer pour chaque espèce d’objets affermés l’époque où le bail commencera).

Le bail est fait aux charges et conditions suivantes : (exprimer avec précision et clarté les conditions relatives à l’habitation, aux objets qui doivent garnir la ferme, à l’engrangement, au nombre des bestiaux, aux réparations, au mode d’ensemencement et de culture, au marnage, à la fauchaison, aux coupes de bois, haies, broussailles, joncs, etc., au curage des eaux, au nettoyage et à l’échenillage des arbres, aux plantations, au remplacement des arbres morts, à la fumure et à l’entretien des vignes, à la pêche et de chasse, aux indemnités en cas d’accidents fortuits, aux pailles et engrais à laisser en fin de bail, à la faculté de sous-louer ou de céder le bail, au payement des contributions, au droit des parties en cas de vente, par le propriétaire, de l’immeuble affermé, aux cas où il y aurait lieu à résiliation du bail.)

Outre les charges et conditions qui précèdent, le présent bail est fait moyennant la somme de… de fermage par chaque année (indiquer le mode et le lieu du payement).

Fait double, à… le… (Signatures.)

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