Apprentissage, Apprenti

(Profession, Législation). Le contrat qui intervient entre un fabricant ou artisan et un ouvrier ou la personne qui le représente, pour l’apprentissage d’une industrie ou d’un métier, est soumis à des conditions et à des formes réglées par la loi, qu’il est nécessaire de bien connaître : cela importe également aux parents qui ont des enfants à mettre en apprentissage, aux personnes ou aux institutions qui préparent l’avenir de jeunes ouvriers pauvres, et aux patrons qui prennent des apprentis.

Toute personne majeure peut se mettre en apprentissage chez un fabricant, un chef d’atelier ou un ouvrier ; s’il s’agit d’un mineur, il ne peut entrer en apprentissage qu’avec le concours de ses père et mère, ou de son tuteur, ou de la personne que les parents auraient autorisée à les remplacer, ou de celle qui, à défaut de parents, aurait été autorisée par le juge de paix.

Le contrat d’apprentissage peut être fait verbalement ; mais alors, en cas de contestation, les conventions ne peuvent être prouvées par témoins que s’il s’agit d’une somme ou valeur moindre de 150 fr. On fait mieux de rédiger par écrit le contrat d’apprentissage ; il peut être fait sous seing privé, seulement il faut l’écrire sur papier timbré ; l’acte peut aussi être reçu par les notaires, les secrétaires des conseils de prud’hommes et les greffiers de justice de paix.

Quelle que soit la forme de l’acte adoptée, il doit énoncer : les nom, prénoms, âge, profession et domicile du maître, de l’apprenti, des père et mère de l’apprenti, et, à défaut d’eux, de la personne qui les représente. Si l’apprenti est majeur, ce qui est le cas le plus rare, il doit contracter lui-même, en son propre nom. Après l’indication des personnes, l’acte doit énoncer sa date et la durée du contrat, et déterminer avec précision et clarté les conditions de logement, de nourriture, de prix et autres stipulées entre les parties ; il doit être signé par le maître et par les représentants de l’apprenti, ou par l’apprenti lui-même s’il est majeur. Dans le cas où l’une ou l’autre des parties ne saurait signer, l’acte devrait être passé devant l’un des officiers publics ci-dessus désignés, lequel ferait mention de cette circonstance. L’acte d’apprentissage, quand il a été rédigé et signé, doit être enregistré ; il n’est soumis qu’à un droit fixe d’enregistrement de 1 fr., alors même qu’il contiendrait des obligations de sommes ou valeurs mobilières et des quittances. Lorsque l’acte est passé devant les officiers publics désignés par la loi, leurs honoraires pour la réd'action sont fixés à 2 fr. Si on voulait une expédition en forme du contrat, il faudrait en payer les frais à part ; mais on obtient du greffier la remise d’une simple note, sur papier libre et non signée, contenant les indications nécessaires pour bien fixer les souvenirs des conventions arrêtées ; les parties elles-mêmes, si elles savent écrire, peuvent prendre ces notes sur la minute de l’acte.

C’est un devoir pour ceux qui placent des mineurs en apprentissage de ne les placer que chez des maîtres d’une moralité sûre ; la loi a pris, sous ce rapport, de sages précautions : on doit d’autant plus s’assurer que les conditions légales se trouvent accomplies dans la personne du maître que leur inexécution entraînerait dans plusieurs cas la rupture du contrat. — Nul ne peut recevoir des apprentis mineurs, de l’un ou de l’autre sexe, s’il n’est âgé de 21 ans au moins. Aucun maître, s’il est célibataire ou veuf, ne peut loger chez lui, comme apprenties, des jeunes filles mineures. Sont incapables de recevoir aucun apprenti : les individus qui ont subi une condamnation pour crime ; ceux qui ont été condamnés à plus de 3 mois d’emprisonnement pour vol, escroquerie, abus de confiance, tromperie sur la qualité ou la quantité de choses vendues ; toutefois, les condamnés peuvent être relevés de leur incapacité par le préfet du département (à Paris, par le préfet de police) sur l’avis du maire, quand, après l’expiration de leur peine, ils ont résidé trois ans dans la même commune, et y ont tenu une bonne conduite.

Par l’effet du contrat, le maître et l’apprenti ont l’un envers l’autre des obligations ; les parents tuteurs ou protecteurs de l’apprenti doivent veiller à ce qu’elles soient scrupuleusement exécutées. Voici d’abord celles du maître : Il est tenu d’enseigner à l’apprenti progressivement et complètement l’art, le métier ou la profession qui fait l’objet du contrat ; il doit laisser à l’apprenti âgé de moins de 16 ans qui ne sait pas lire, écrire et compter, ou qui n’a pas terminé sa première éducation religieuse, un temps à prendre sur la journée de travail, dans la limite de 2 heures par jour au plus, pour achever son instruction ; il doit se conduire envers l’apprenti en bon père de famille, surveiller sa conduite et ses mœurs, avertir ses parents de ses fautes graves ou de ses penchants vicieux, et les prévenir sans retard des cas de maladie ou d’absence et de tous faits susceptibles de motiver leur intervention ; il répond du dommage causé par l’apprenti, à moins qu’il ne prouve qu’il n’a pu l’empêcher. Il est interdit au maître d’employer, sauf conventions contraires, l’apprenti à des services domestiques ou à des travaux qui ne se rattachent pas à l’exercice de sa profession ; de l’employer, en aucun cas, à des travaux insalubres ou au-dessus de ses forces ; en outre, l’obligation de se conduire envers l’apprenti en bon père de famille entraîne celle de le loger d’une manière convenable et saine.

De son côté, l’apprenti doit aider le maître par son travail, dans la mesure de son aptitude et de ses forces ; il est tenu de prolonger son apprentissage, dans l’intérêt du maître, pour autant de temps qu’il n’a pu y employer par suite de maladie ou d’absence ayant duré plus de quinze jours. Il doit à son maître fidélité, obéissance et respect ; le vol qu’il commettrait dans la maison, l’atelier ou le magasin du maître est assimilé au vol domestique, et puni des mêmes peines.

Les deux premiers mois de l’apprentissage sont considérés comme un temps d’essai, durant lequel le contrat peut être résilié par la seule volonté de l’une des parties, sans qu’il y ait lieu à indemnité, à moins de convention contraire. Lorsqu’après les deux premiers mois, l’apprentissage est en cours d’exécution, il peut être résolu soit de plein droit, soit à la demande des parties. Il est résolu de plein droit par la mort, l’appel au service militaire ou la condamnation du maître ou de l’apprenti, soit pour crime, soit pour attentat aux mœurs, soit pour l’un des délits ci-dessus spécifiés qui rendent incapables de prendre des apprentis. La mort de la femme du maître ou de toute autre femme dirigeant sa maison à l’époque du contrat résout de plein droit l’apprentissage. Le contrat peut être résolu, sur la demande des parties ou de l’une d’elles, pour inexécution des conditions stipulées ; pour infraction grave ou habituelle à ce qu’ordonne la loi sur l’apprentissage ; pour inconduite habituelle de l’apprenti, ou s’il venait à se marier ; pour condamnation du maître ou de l’apprenti à un emprisonnement de plus d’un mois ; si le maître transporte sa résidence dans une autre commune : toutefois la demande en résolution fondée sur ce dernier motif ne peut être intentée que dans un délai de 3 mois à compter du jour où la résidence aurait été changée. Si le temps convenu pour la durée de l’apprentissage dépasse le maximum de la durée consacrée par les usages locaux, ce temps peut être réduit, ou le contrat résilié, sur la demande de l’une ou de l’autre des parties.

Lorsque le contrat, au lieu d’être résolu pendant sa durée, est accompli tout entier et que l’apprentissage est fini, le maître doit délivrer à l’apprenti, s’il le lui demande comme c’est son intérêt, un congé d’acquit ou certificat constatant que les conventions d’apprentissage ont été exécutées. Si, avant la fin de l’apprentissage, l’apprenti, sans motif légitime, et hors des cas prévus par la loi ou par le contrat, quitte son patron, , ou ses représentants s’il est mineur, sont tenus d’indemniser le maître abandonné ; le fabricant, chef d’atelier, ouvrier, convaincu de l’avoir détourné pour l’employer, peut être passible de tout ou partie de cette indemnité.

Toute demande ayant pour objet l’exécution ou la résolution du contrat d’apprentissage, ainsi que la poursuite des tiers qui auraient détourné l’apprenti, doit être portée devant le conseil des prud’hommes, ou, à défaut, devant le juge de paix. Le conseil ou le juge de paix, fixent les indemnités ou restitutions dues, en cas de résolution, à la partie au profit de laquelle cette résolution est prononcée, à moins que des conventions expresses n’aient déterminé ces indemnités et restitutions.

Les maîtres n’ont qu’un an pour agir en payement du prix d’apprentissage, y compris le logement et la nourriture qu’ils ont fournis à l’apprenti. Toutefois, les maîtres aux poursuites desquels on oppose cette prescription d’un an, peuvent déférer le serment à l’apprenti, ou à ses représentants, s’il est mineur.

Les contraventions aux injonctions et aux prohibitions de la loi sur l’apprentissage sont punies d’une amende de 5 à 15 fr., prononcée par le tribunal de simple police ; la récidive de la plupart de ces contraventions rend passible d’un emprisonnement. (Loi du 22 février 1851 ; C. Nap., art. 1384, 2272 § 4 et 2275.)

Convention ou Contrat d’apprentissage

Entre les soussignés A… (nom, prénoms, âge), propriétaire ou chef d’une manufacture (ou d’une usine, d’un atelier, etc.), demeurant à…, d’une part, et M. B… et dame B… (nom, prénoms et profession) son épouse, qu’il autorise, demeurant ensemble à…, d’autre part ;

Il a été convenu ce qui suit :

Les sieur et dame B…, voulant faire apprendre un métier à leur fils (nom, prénoms, âge), ici présent, l’ont mis, de son consentement, en apprentissage, pour … années entières et consécutives, à compter de ce jour, auprès de M. A…, lequel reçoit en conséquence, ledit sieur B… fils, son apprenti, et promet de lui enseigner, durant ce temps, son métier de…, et, en outre, de le nourrir, loger et coucher. Mais lesdits sieur et dame B… entretiendront leur fils d’habits, chaussures et autres vêtements, suivant son état, et le blanchiront.

Ledit apprenti ne pourra s’absenter, aller servir ni demeurer ailleurs pendant lesdites … années ; s’il vient à s’absenter, ses père et mère s’obligent à faire tout ce qui dépendra d’eux pour le retrouver, et s’ils y parviennent, à le ramener au sieur A… pour achever le temps qui pourrait alors rester à expirer du présent traité ; lequel est fait moyennant la somme de…, que M. A… reconnaît avoir reçue desdits sieur et dame B… dont quittance.

Fait double à…, le … mil …

(Il est bien entendu que la formule ci-dessus peut être modifiée suivant la position et les convenances des parties).

Congé d’acquit d’apprentissage

Je soussigné (nom, prénoms, profession, demeure, mention de la patente et de son numéro), déclare que N … (nom, prénom, demeure de l’apprenti) a terminé le … l’apprentissage de (mention de la profession enseignée) qu’il devait faire chez moi, suivant l’acte sous seing privé passé entre (indiquer les personnes qui ont souscrit cet acte) et moi, à … le… ; que pendant les … années que cet apprentissage a duré, ledit N… a fidèlement rempli ses devoirs d’apprenti, et que le prix d’apprentissage convenu dans l’acte sus-énoncé m’a été entièrement payé.

En conséquence, j’ai délivré audit N… le présent congé d’apprentissage.

Paris, le … (Signature).

N. B. — Dans les manufactures, usines et ateliers à moteur mécanique ou à feu continu et dans les fabriques qui occupent plus de 20 ouvriers (hommes ou femmes) réunis en atelier, on ne peut recevoir d’enfant âgé de moins de 8 ans. — Les enfants de 8 à 12 ans ne peuvent être employés à un travail quelconque pendant plus de 8 heures sur 24, et ces 8 heures doivent être divisées par un repos suffisant. — Pour les enfants de 12 à 16 ans, la durée de la journée est fixée à 12 heures, divisées par deux repos. — Tout travail avant 5 heures du matin et après 9 heures du soir est absolument interdit aux enfants au-dessous de 13 ans. Aucun enfant âgé de moins de 16 ans ne doit être occupé à un travail quelconque les dimanches et jours de fêtes. — Il est interdit aux patrons de recevoir ou de garder un enfant de 8 à 12 ans qui ne fréquenterait pas régulièrement une école, et un enfant de 12 à 16 ans qui ne remplirait pas cette obligation, à moins qu’il n’ait justifié par un certificat du maire qu’il a reçu l’instruction primaire élémentaire. Quand les écoles communales sont trop éloignées, les classes doivent se tenir dans l’établissement même : elles doivent avoir lieu entre 5 heures du matin et 9 heures du soir, en dehors des repos, et durer au moins une heure.

Les parents qui veulent placer leur enfant dans une fabrique doivent réclamer auprès de l’officier de l’état civil un certificat constatant son âge, lequel est délivré sans frais. Sur la présentation de ce certificat, le maire leur délivrera gratuitement un livret constatant : 1° les nom et prénoms de l’enfant ; 2° la date et le lieu de sa naissance ; 3° son domicile ; 4° s’il a reçu l’instruction primaire élémentaire et pendant combien de temps. — Si l’enfant est placé dans une commune autre que celle où il est né, le livret devra être présenté au visa du maire de cette commune. — Le livret sera ensuite remis au patron, qui pourra le garder tout le temps que l’enfant restera dans la maison et qui devra y inscrire la date de son entrée et celle de sa sortie.

Un exemplaire de la loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants dans les manufactures et le règlement intérieur de la maison en ce qui concerne ces enfants doivent être affichés dans tous les ateliers.

Écoles pour les apprentis

Voy. Adultes et Écoles industrielles.

Laisser un commentaire