Aliénés

(Assistance publique, Législation). Les asiles publics reçoivent particulièrement les aliénés qui sont dangereux pour la sécurité publique, et ceux qui sont indigents ; ils admettent aussi les aliénés qui ont le moyen de payer une pension. Le placement dans les asiles d’aliénés peut avoir lieu pour ceux qui ne sont pas, comme pour ceux qui sont interdits ; il peut se faire, soit dans les établissements publics consacrés à cet usage, soit dans des établissements privés.

1° Placement volontaire. Il peut être fait par les parents, alliés, voisins des aliénés, et même par toute autre personne. Celui qui veut faire un placement dans un asile d’aliénés doit adresser au directeur une demande écrite et signée par lui, et contenant les nom, profession, âge et domicile de l’aliéné ainsi que de la personne qui sollicite l’admission ; le degré de parenté ou, à défaut, la nature des relations qui existent entre ces deux personnes. Si la demande est faite par un individu ne sachant pas écrire, elle est reçue par le maire ou par le commissaire de police. Si elle est formée par le tuteur d’un interdit, il doit y annexer un extrait du jugement d’interdiction. On doit joindre à la demande un certificat de médecin constatant l’état mental de la personne à placer, et indiquant les particularités de sa maladie ; ce certificat ne peut être admis s’il a été délivré plus de 15 jours avant la remise au directeur, s’il est signé d’un médecin attaché à l’établissement, ou si le médecin signataire est parent ou allié, au second degré inclusivement, des chefs ou propriétaires de l’établissement, ou de la personne qui fera effectuer le placement. En cas d’urgence, on peut obtenir que le certificat du médecin ne soit pas exigé. Enfin, la personne qui demande le placement doit remettre un passeport ou toute autre pièce propre à constater l’individualité de l’aliéné.

Les individus ainsi admis dans un asile d’aliénés, ne peuvent y être gardés lorsque leur état ne l’exige plus. D’abord le préfet du département où l’asile est situé peut toujours ordonner la sortie immédiate des personnes qui y ont été placées ; il peut l’ordonner malgré l’opposition des médecins, du tuteur, de la famille, du père lui-même, et cela quand même le placement aurait été fait par décision d’un conseil de famille ou par un jugement. En second lieu, toute personne placée dans un établissement d’aliénés doit cesser d’y être retenue aussitôt que les médecins ont déclaré par écrit que la guérison est obtenue ; la famille ou la personne qui a fait le placement ne pourrait, dans ce cas, s’opposer à la sortie de l’aliéné : le préfet seul pourrait y mettre obstacle par un ordre qui transformerait le placement volontaire en placement d’office. Enfin, avant même que les médecins aient déclaré la guérison, la sortie de l’aliéné peut être requise : par le curateur que le tribunal aurait nommé ; par l’époux ou l’épouse ; s’il n’y a pas d’époux ou d’épouse, par les ascendants ou ascendantes ; s’il n’y a pas d’ascendants, par les descendants ou descendantes, majeurs ou émancipés ; par la personne qui a signé la demande d’admission, à moins qu’un parent n’ait déclaré s’opposer à ce qu’elle use de cette faculté sans l’assentiment du conseil de famille : le même droit d’opposition n’est pas accordé à un parent quand la sortie est requise par le curateur, l’époux ou un délégué du conseil de famille ; enfin, par toute personne autorisée par la famille à requérir la sortie. Si une opposition notifiée au chef de l’établissement atteste qu’il y a dissentiment soit entre les ascendants, soit entre les descendants, le conseil de famille prononce ; toutefois, dans le cas où le conseil a décidé la sortie, si le médecin de l’établissement est d’avis que l’état mental du malade pourrait compromettre l’ordre public ou la sûreté des personnes, le maire peut ordonner un sursis provisoire à la sortie ; le sursis cesse de plein droit à l’expiration de la quinzaine, si le préfet n’a pas donné d’ordres contraires. — Tout ce qui précède ne s’applique qu’aux majeurs non interdits ; si l’aliéné est mineur ou interdit, le tuteur seul peut requérir la sortie ; on pense néanmoins que l’on ne pourrait pas exclure la réquisition faite par un délégué du conseil de famille ou par le père d’enfants mineurs.

Afin qu’une opposition de mauvaise volonté n’empêche pas la mise en liberté d’un individu mal à propos détenu, la personne elle-même placée ou retenue dans un établissement d’aliénés, son tuteur, si elle est mineure, et lui seul s’il y a eu interdiction, son curateur, tout parent ou ami, les personnes qui ont demandé le placement, et le procureur de la République, d’office, peuvent présenter, au président du tribunal de 1re instance, une requête tendant à obtenir la sortie immédiate. Les chefs d’établissement qui supprimeraient ou retiendraient des requêtes ou réclamations adressées à l’autorité judiciaire ou à l’autorité administrative, se rendraient passibles de peines correctionnelles. Si le jugement rendu sur requête refuse la sortie, on peut en appeler. L’état d’un aliéné pouvant s’améliorer et son mal se guérir, le rejet de la demande n’empêcherait pas de la représenter plus tard par une nouvelle requête. — La requête, le jugement et les autres actes auxquels la réclamation pourrait donner lieu, sont visés pour timbre et enregistrés en debet ; les droits ne sont réclamés que plus tard, si le réclamant a succombé dans sa demande. — Dès que la sortie a été légalement déterminée, le chef de l’établissement ne peut prolonger la détention sans encourir des peines correctionnelles. Le mineur, à sa sortie, ne peut être remis qu’à ceux sous l’autorité desquels il est placé par la loi, et l’interdit qu’à son tuteur.

2° Placement d’office. Lorsque personne n’a demandé le placement, dans un asile, d’un individu, interdit ou non, dont l’état d’aliénation compromettrait l’ordre public ou la sûreté des personnes, ce placement peut être ordonné d’office, à Paris par le préfet de police, dans le reste de la France par le préfet du département. De plus, s’il y a danger imminent, attesté par le certificat d’un médecin ou par la notoriété publique, les commissaires de police à Paris, et les maires dans les autres communes, ordonnent, à cet égard, toutes les mesures provisoires nécessaires, à la charge d’en référer au préfet, dans les 24 heures. Les familles n’ont aucun droit de s’opposer à ces mesures provisoires, qu’il est au contraire de leur devoir de favoriser et même de provoquer (Voy.Accidents et Divagation). Non seulement les aliénés dangereux peuvent être, d’office, placés par ordre du préfet dans un établissement d’aliénés ; mais s’ils y ont été placés volontairement, ce magistrat peut empêcher qu’ils ne sortent de l’établissement sans son autorisation, si ce n’est pour être placés dans un autre établissement. Le maire du domicile des personnes soumises au placement doit donner immédiatement avis aux familles de tous les ordres notifiés par le préfet. Dans le premier mois de chaque semestre, le médecin de l’établissement rédige un rapport sur l’état de chaque personne qui y est détenue, et le préfet prononce sa maintenue ou sa sortie ; si, dans l’intervalle, les médecins déclarent que la sortie peut être ordonnée, il en est référé immédiatement au préfet, qui statue sans délai. — Le préfet seul peut ordonner la sortie d’une personne placée d’office dans un asile d’aliénés ; néanmoins on peut la demander aux tribunaux, de la même manière que lorsque le placement a été volontaire : ce droit appartient aux mêmes personnes. Si, après un jugement ordonnant la sortie, de nouveaux faits d’aliénation rendent la séquestration nécessaire, le préfet peut encore l’ordonner. — Pour les personnes auxquelles l’aliéné doit être remis à sa sortie, on doit suivre les mêmes règles que pour le placement volontaire.

3° Les familles qui envoient volontairement un de leurs membres dans un asile d’aliénés doivent lui donner les soins nécessaires pendant la route : elles sont seules chargées de ce soin et des frais qu’il entraîne. S’il s’agit d’un aliéné envoyé d’office par l’autorité, ou que l’administration, sur la demande de la famille, et à raison de son indigence, dirige sur un établissement, il doit être reçu provisoirement, pendant le trajet, dans les hôpitaux et hospices, partout où il en existe : il ne peut être déposé ailleurs ; dans les lieux où il n’y en a pas, les maires doivent pourvoir à son logement, soit dans une hôtellerie, soit dans un local loué à cet effet ; dans aucun cas, les aliénés ne peuvent être ni conduits avec les condamnés ou les prévenus, ni déposés dans une prison.

Le département ne doit l’assistance qu’aux aliénés qui lui appartiennent, c.-à-d. qui ont leur domicile de secours dans les limites du département (Voy. Domicile de secours). La dépense du transport des personnes dirigées par l’administration sur les établissements d’aliénés est arrêtée par le préfet, sur le mémoire des agents préposés à ce transport. La dépense de l’entretien, du séjour et du traitement dans les hospices ou asiles est réglée d’après un tarif arrêté par le préfet ; celle qui est faite dans les établissements privés, est fixée par les traités passés entre ces asiles et le département. Quand le département a fait les dépenses, il a le droit de s’en faire rembourser par les personnes placées, ou, à défaut, par les parents de l’aliéné, auxquels il peut être demandé des aliments (Voy. Aliments). L’administration de l’enregistrement et des domaines délivre des contraintes pour le recouvrement de ces créances. S’il y a contestation sur l’obligation de fournir des aliments ou sur leur quotité, les personnes qui contestent doivent former opposition à la contrainte, et l’affaire est déférée au tribunal de 1re instance. À défaut, ou en cas d’insuffisance des ressources fournies par les familles, les dépenses sont supportées par le département, les hospices et les communes.

Lorsque l’individu placé dans un établissement d’aliénés est en état d’interdiction, ses biens sont gérés par son tuteur. Mais si, dans l’espoir d’une guérison, on ne l’a pas fait interdire, des précautions spéciales sont prises pour la gestion de sa fortune pendant son séjour dans l’établissement. En général, c’est un membre délégué des commissions administratives ou de surveillance des hospices ou établissements publics d’aliénés qui est chargé de cette gestion : il recouvre les sommes dues à l’aliéné, acquitte ses dettes, passe des baux qui ne peuvent excéder trois ans, et peut même, avec l’autorisation du président du tribunal civil, faire vendre le mobilier ; les sommes perçues sont versées dans la caisse de l’établissement, et employées, s’il y a lieu, au profit de l’aliéné ; le receveur de l’établissement répond de ces sommes, et on a pour se les faire rembourser un privilège sur son cautionnement, privilège qui prime les créances de toute autre nature. Si les parents, l’époux de l’aliéné, la commission administrative, et même d’office le procureur impérial, préfèrent un autre mode d’administration, ils peuvent faire nommer par le tribunal civil, sur une requête adressée au président et après avoir obtenu une délibération conforme du conseil de famille, un administrateur provisoire ; le tribunal désigne un mandataire spécial, qui peut être l’administrateur provisoire, pour représenter en justice la personne placée dans l’établissement. Les causes de dispense, d’incapacité, d’exclusion et de destitution de la tutelle s’appliquent aux administrateurs provisoires. Les personnes intéressées peuvent demander qu’une hypothèque soit constituée sur les biens de l’administrateur provisoire pour sûreté de sa gestion. C’est à lui que doivent être adressées toutes les significations à faire à la personne de l’aliéné. À défaut d’administrateur provisoire nommé par jugement, le président, à la requête de la partie intéressée, commet un notaire pour représenter l’aliéné au besoin. Les pouvoirs des administrateurs provisoires cessent, de plein droit, lors de la sortie de l’aliéné ; ceux qui ont été conférés par le tribunal durent trois ans et peuvent être renouvelés. Cette restriction de durée ne s’applique pas aux administrateurs donnés aux personnes entretenues par l’administration dans des établissements privés. Une dernière garantie est encore donnée à l’aliéné non interdit placé dans un établissement ; lui-même, ses parents, son époux, ses amis, et même d’office le procureur impérial, peuvent, sur une simple requête au président du tribunal civil, obtenir, en outre de l’administrateur provisoire, la nomination d’un curateur chargé de veiller, 1° à ce que les revenus de l’aliéné soient employés à adoucir son sort et à accélérer sa guérison ; 2° à ce qu’il soit rendu à la liberté aussitôt que sa situation le permettra. Ce curateur ne peut être choisi parmi les héritiers présomptifs de l’aliéné.

Les actes faits par l’individu non interdit, pendant son séjour dans l’établissement, peuvent être attaqués pour cause de démence pendant dix ans. Ces dix ans courent, à l’égard de la personne qui a souscrit les actes, seulement après sa sortie définitive de la maison d’aliénés, et ont pour point de départ la signification qui lui en est faite ou la connaissance qu’elle en a ; ce point de départ ne fait courir la prescription à l’égard des héritiers de l’aliéné que depuis la mort de leur auteur ; et les héritiers ne jouissent que de ce qui reste des dix ans, si les dix ans ont commencé à courir contre leur auteur (L. du 30 juin 1838).

Établissements pour les aliénés

Le nombre des établissements soit publics (asiles nationaux, départementaux, communaux, hospices), soit privés (maisons de santé), consacrés au service des aliénés s’accroît tous les jours. Nous ne pouvons indiquer que les principaux. Ce sont :

dans le département de la Seine : la Maison de santé de Charenton (Voy. ci-après), l’Asile Ste-Anne, rue Cabanis, 1 ; l’Asile de Ville-Évrard, à Neuilly-sur-Marne et l’Asile de Vaucluse ; les quartiers réservés aux aliénés indigents à Bicêtre et à la Salpêtrière (Voy. Vieillesse [Hospice de la]), et les maisons de santé particulières ; dans les autres départements, les asiles ci-après :

Ain, Bourg. — Aisne, Prémontré. — Allier, Saint-Gilles et Yzeure. — Ardèche, Privas. — Ariége, St-Lizier. — Aude, Limoux. — Aveyron, Rhodez. — Bouches-du-Rhône, Aix et Marseille. — Calvados, Caen. — Cantal, Aurillac. — Charente, Angoulême. — Charente-Infér., Lafont-lèz-la-Rochelle. — Cher, Bourges. — Corrèze, La Cellette. — Côte-d’Or, Dijon. — Côtes-du-Nord, Lehon et Saint-Brieuc. — Doubs, Bellevaux. — Eure, Évreux. — Finistère, Quimper et Morlaix. — Gers, Auch. — Garonne (H.), Toulouse. — Gironde, Bordeaux et Cadillac. — Hérault, Montpellier. — Ille-et-Vilaine, Rennes. — Indre-et-Loire, Tours. — Isère, Saint-Robert. — Jura, Dôle. — Loir-et-Cher, Blois. — Loire-Infér., Nantes. — Loiret, Orléans. — Lot, Leyme. — Lozère, Saint-Alban. — Maine-et-Loire, Sainte-Gemmes. — Manche, Pontorson. — Marne, Châlons. — Marne (Hte), St-Dizier. — Mayenne, Larochegandon. — Meurthe, Laxon et Malgrange. — Meuse, Fains. — Morbihan, Vannes. — Moselle, Gorze. — Nièvre, La Charité. — Nord, Armentières et Lille. — Oise, Clermont et Fitzjames. — Orne, Alençon. — Pas-de-Calais, St-Venant. — Puy-de-Dôme, Riom et Clermont. — Pyrénées (B.), Pau. — Pyrénées-Or., Perpignan. — Rhin (Bas), Brumath et Stephünsfeld. — Rhône, l’Antiquaille et La Guillotière. — Sarthe, Le Mans. — Savoie, Bassens. — Seine-Infér. Quatremares et St-Yon (Rouen). — Sèvres (Deux), Niort. — Tarn, Alby. — Tarn-et-Gar., Montauban. — Var, St-Remy. — Vaucluse, Avignon. — Vendée, Napoleon-Vendée. — Vienne, Poitiers. — Vienne (H.), Limoges. — Yonne, Auxerre.

Maison de santé de Charenton, à Saint-Maurice, près de Charenton (Seine). — Elle est sous l’autorité immédiate du Ministre de l’Intérieur. Les aliénés des deux sexes y sont admis, soit comme boursiers d’après l’ordre du ministre ; soit en payant la pension de l’une des trois classes suivantes : 1re classe, 1 500 fr. ; 2e classe, 1 200 fr. ; 3e classe, 900 fr., y compris le blanchissage — Les malades y sont reçus tous les jours, à quelque heure qu’ils soient présentés. Ce cas excepté, les parents et les personnes, qui y sont autorisés par les familles et le médecin, ne sont admis à visiter les malades que les jeudis et les dimanches, de midi à 4 heures.

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