Abeilles

(Apiculture). Plusieurs espèces d’abeilles sont élevées en domesticité ; les deux races les plus avantageuses sont l’abeille noire, de moyenne grosseur, d’un brun foncé presque noir, qui se plaît dans les départements du sud et du centre de la France, et la petite abeille jaune, aussi connue sous les noms de petite hollandaise ou petite flamande, très-répandue dans le nord. Ces deux espèces sociables et laborieuses sont préférées à la grosse abeille brune et à la grosse grise, moins actives et d’un caractère plus irritable. — Avant de se décider à élever des abeilles, on doit considérer si les circonstances locales leur offrent des ressources suffisantes. L’ancien système agricole, qui ramenait presque sans interruption les récoltes de céréales à la suite les unes des autres, rendait l’élevage des abeilles difficile et peu avantageux dans les pays de grande culture. Aujourd’hui, les cultures de colza, de trèfle, de sainfoin, de luzerne introduites en grand dans les mêmes pays, offrent aux abeilles une longue succession de floraisons diverses pour alimenter leur active industrie. Elles butinent aussi en automne, à défaut de fleurs, sur les fruits mûrs, spécialement dans le midi sur le raisin et sur les figues. La floraison des arbres fruitiers dans les pays où l’on fabrique du cidre, et celle des plantes sauvages dans les contrées en partie incultes, telles que les bruyères et les ajoncs des landes de Gascogne et de Bretagne, sont encore pour le travail des abeilles de précieuses ressources. Les abeilles se plaisent beaucoup dans les vallées arrosées de quelque ruisseau et environnées de prairies. Les montagnes couvertes de serpolet, de marjolaine, et autres plantes aromatiques, leur sont très-favorables. Au contraire, les essaims qui habitent les bois taillis sont exposés à être pillés par les guêpes ou à être dévorés par les oiseaux. Il importe, après avoir mûrement pesé toutes ces circonstances, de choisir, pour établir le rucher, des essaims jeunes et bien portants et de les installer dans de bonnes ruches, dans un emplacement où rien ne manque de ce qui peut assurer leur prospérité. (Voy. Essaim, Ruche, Rucher). Les mâles ou faux bourdons, considérés comme une charge pour la ruche, parce qu’ils ne travaillent pas, sont sacrifiés par les ouvrières aussitôt qu’ils ont rempli leurs fonctions de reproducteurs ; la durée de la vie des ouvrières ne paraît pas se prolonger au delà de deux ans ; on peut citer cependant des ruches qui subsistent depuis 25 à 30 ans, leur population s’étant renouvelée sans interruption, grâce à la fécondité prodigieuse de la reine. On ne connaît pas exactement la durée de l’existence de celle-ci. Les abeilles ouvrières qui ont vieilli se reconnaissent aisément à leur nuance plus terne, et surtout à leurs ailes dont les bords sont usés et frangés, au lieu d’être nets et fermes, comme chez les ouvrières encore jeunes.

Nourriture des abeilles

Lorsque l’éleveur d’abeilles se contente de prendre avec ménagement et discrétion sa part du produit de leur travail, il a rarement lieu de se préoccuper du soin de les nourrir en hiver ; leur approvisionnement en miel est presque toujours suffisant ; il est même à désirer qu’il en reste le moins possible au printemps, afin que le miel nouveau ne soit pas mélangé de miel ancien, qui pourrait en altérer la qualité (Voy. Miel). Un mélange par parties égales de miel commun et de sucre brut, en quantité proportionnée à leurs besoins, est la meilleure nourriture qu’on puisse offrir aux abeilles, quand leur provision est épuisée, vers la fin de l’hiver. — Lorsque l’hiver est rigoureux, les abeilles consomment peu, parce qu’elles tombent dans une sorte d’engourdissement durant lequel elles ne mangent pas ; elles consomment beaucoup plus si l’hiver est doux, leur état d’engourdissement étant alors beaucoup moins prolongé. On a adopté depuis quelques années, dans certaines localités, l’usage d’enfouir les ruches dans la terre pendant l’hiver. On doit procéder à cette opération vers le milieu de novembre, en ayant soin de ne pas mettre ensemble un trop grand nombre de ruches : le même silo pourra, sans inconvénients, en contenir de 18 à 20 si elles sont petites, et seulement la moitié de ce nombre si elles sont fortes. Il faut choisir un endroit éloigné des grandes routes, des granges et des usines, pour l’emplacement destiné au silo : celui-ci aura 1 mètre de largeur sur 70 centimètres de profondeur, et une longueur proportionnée à la quantité de ruches qu’il recevra. Au fond du silo on place des plateaux, puis sur les madriers formant traverse on dépose les ruches, qu’on entoure d’une assez grande quantité de paille et qu’on recouvre de planches. Par dessus on étend une couche assez épaisse de terre qu’on foule doucement et peu à peu. Le transport des ruches doit être fait avec le moins de mouvement et de bruit possible, et, de préférence, le soir, par un temps froid. Du 15 février au 15 mars, suivant que la saison est plus ou moins favorable, on peut ouvrir le silo et rendre la liberté aux abeilles. L’expérience a constaté que, privées ainsi d’air et de lumière, elles consomment un tiers de moins de nourriture que dans les conditions ordinaires, que la mortalité est presque nulle, et que la reine commence à pondre quinze jours ou trois semaines plus tôt.

Pour approcher les abeilles et leur donner sans danger les soins qu’elles réclament, il faut prendre quelques précautions. La couleur des vêtements n’est pas indifférente ; les couleurs tranchées et éclatantes sont peu du goût des abeilles ; elles provoquent leur irritation ; les vêtements gris paraissent être les plus convenables pour ceux qui les approchent habituellement. Le silence, la douceur, le calme, l’absence de toute brusquerie dans les mouvements ne sauraient être trop recommandés. Il ne faut toucher aux ruches ni le soir ni le matin ; les heures les plus favorables sont de 9 heures du matin jusqu’à 2 heures après-midi. — La piqûre des abeilles, sans être précisément dangereuse, est toujours fort douloureuse. Souvent l’aiguillon reste dans la plaie. Il faut tout d’abord avoir soin de l’en extraire et de presser la plaie pour en faire sortir le venin ; on calme ensuite la douleur en lavant la partie malade avec de l’eau fraîche, additionnée de quelques gouttes d’alcali volatil (ammoniaque liquide) ; à défaut d’alcali, une application de persil pilé est un bon moyen d’apaiser la souffrance. Si les piqûres sont nombreuses, il faut recourir aux soins d’un médecin. Le suc des baies du chèvrefeuille, appliqué sur les piqûres des abeilles, calme la douleur en quelques instants et fait disparaître l’enflure. C’est un remède qu’il est facile d’avoir toujours sous la main en plantant des chèvre-feuilles dans le voisinage des ruches.

Lorsqu’on veut faire voyager les abeilles, soit pour les installer dans un nouveau rucher, soit pour les transporter dans les cantons où elles trouveront une plus grande abondance de plantes en fleurs, il faut, autant que possible, leur éviter les secousses en les plaçant dans des voitures suspendues ; les grilles des portes doivent rester soigneusement fermées pendant le transport.

Maladies des abeilles

Les abeilles sont sujettes à plusieurs maladies graves, auxquelles il n’est pas toujours possible de remédier : quelquefois, ces maladies les frappent avant qu’elles soient transformées en insectes parfaits ; les larves et les nymphes meurent dans les alvéoles, et répandent une infection qui fait périr les abeilles (Voy. Faux-couvain). Les deux affections les plus communes chez les abeilles sont heureusement assez faciles à guérir, quand on prend le mal à son début ; elles ne causent de grands ravages que dans les ruches tenues avec négligence. Ces deux affections sont : 1° les antennes jaunes ; 2° la dysenterie. — La maladie des antennes jaunes se développe sans cause connue ; les antennes des abeilles et toute la partie antérieure de leur tête se gonflent ou prennent une teinte jaunâtre. Dès qu’on s’en aperçoit, il faut placer sous la ruche une soucoupe pleine de bon vin vieux légèrement sucré. Des baguettes d’osier flottant à la surface du liquide, ou des croûtes de pain grillé, permettent aux abeilles malades d’y venir boire à leur aise, sans risquer de s’y noyer. En peu de jours, la tête et les antennes reprennent leur couleur naturelle, et l’activité, un moment suspendue, des abeilles ouvrières, ne tarde pas à recommencer. — La dysenterie se développe le plus souvent parmi les essaims dont les ouvrières ont été surchargées de travail, lorsque, par une avidité mal entendue, l’éleveur a enlevé hors de saison, au commencement du printemps, des rayons que les ouvrières se hâtent de remplacer, pour que la reine trouve des alvéoles où elle puisse déposer ses œufs. La dysenterie par elle-même ne causerait pas dans les essaims une grande mortalité, si les abeilles qui en sont atteintes sortaient pour déposer leurs déjections au dehors, comme elles en ont l’habitude en bonne santé, mais il n’en est pas ainsi quand elles sont malades : les déjections des abeilles qui se trouvent dans les parties élevées de la ruche, tombant sur celles qui sont au-dessous d’elles, les couvrent d’un enduit noirâtre qui bouche en se desséchant les trachées, ou ouvertures latérales par lesquelles ces insectes respirent : de là une effrayante mortalité. On combat la dysenterie des abeilles par un mélange de vin vieux et de miel par parties égales, auquel on ajoute un peu de sel blanc. Plusieurs éleveurs offrent simplement à leurs abeilles malades de l’eau légèrement salée, ce qui suffit pour les guérir ; mais le mélange de vin, de miel et de sel réussit plus sûrement et plus promptement.

Ennemis des abeilles

Les abeilles ont de nombreux ennemis parmi les petits quadrupèdes de l’ordre des rongeurs, les oiseaux insectivores, les reptiles et les insectes. Parmi les petits rongeurs, les plus à craindre pour les abeilles sont les souris, les mulots et les campagnols, qui cherchent à s’introduire pendant la nuit dans les ruches pour en dévorer le miel. Heureusement, aucun de ces animaux ne peut marcher dans une position renversée, de sorte qu’en posant la ruche sur un piquet supportant une tablette saillante suffisamment large, les rongeurs n’y peuvent atteindre qu’en sautant. Rien de plus facile que de donner au piquet à tête plate qui porte cette tablette, assez de hauteur hors de terre pour mettre la ruche complètement hors de leur portée. — Les oiseaux sont plus difficiles à écarter. Le guêpier saisit les abeilles au vol, sans qu’il soit possible de l’en empêcher ; la mésange commune est tellement friande d’abeilles qu’elle vient souvent les saisir jusque sur la tablette qui porte la ruche. On peut, pour s’en défaire, lui dresser aux environs du rucher divers piéges amorcés avec des vers de terre ou des vers de farine. Le moineau franc, autre ennemi des abeilles, se prend aux mêmes piéges, amorcés de préférence avec de la mie de pain blanc ou des grains de froment. Dans tous les cas, on doit éviter soigneusement de tirer des coups de fusil dans le voisinage du rucher, sur les oiseaux ennemis des abeilles : elles en seraient troublées et irritées : le remède serait pire que le mal. — Le crapaud terrestre est celui des reptiles qui peut détruire le plus d’abeilles. Il saute aisément jusque sur la tablette des ruches pendant l’été ; et comme beaucoup d’abeilles y passent la nuit groupées près de la porte pour chercher le frais, le crapaud les dévore pendant leur sommeil. Dès qu’on s’aperçoit de ce genre de dégât, qui ne peut être commis que par les très-gros crapauds, toujours peu nombreux, il faut guetter les coupables, les prendre sur le fait et les détruire. — Les insectes les plus nuisibles aux abeilles sont les fausses teignes, les galléries et le papillon à tête de mort. Ces insectes étant tous plus volumineux que les abeilles, il suffit, pour leur interdire l’entrée des ruches d’en construire la porte seulement assez grande pour livrer passage aux abeilles. — Voy. Supplément

Législation

Les abeilles qui vivent en liberté deviennent la propriété de celui qui les découvre et s’en empare, peu importe qu’il soit ou non propriétaire du sol où elles se sont établies. Les abeilles qui sont élevées et entretenues dans des ruches constituent une propriété particulière et sont réputées immeubles par destination, lorsque le propriétaire d’un fonds les y a placées pour faire partie de l’exploitation ; la loi les déclare meubles dans tous les autres cas. Le décret du 28 septembre 1791 (sect. iii, art. 2, 3, 4) déclarait les abeilles insaisissables pour dettes et même pour l’acquittement de l’impôt. Mais le Code de procédure civile (art. 592 et suiv., et 1041) n’ayant pas reproduit cette prohibition, on la regarde comme implicitement abrogée, et par conséquent les abeilles peuvent être saisies comme tous les autres objets meubles ou immeubles.

Lorsqu’un essaim d’abeilles est parti d’une ruche, le propriétaire peut le réclamer tant qu’il n’a pas cessé de le suivre, et il a le droit de s’en emparer partout où il se pose, même sur le terrain d’autrui, à la condition toutefois de prévenir d’abord le propriétaire dudit terrain, et de payer le dommage qu’il pourrait causer. Si le propriétaire d’un essaim a renoncé à le poursuivre, et qu’une autre personne le remplace dans cette poursuite, l’autre personne est substituée aux droits du propriétaire, sa poursuite constituant un acte d’occupation sur un objet sans maître. L’essaim qui n’est suivi par personne, n’importe d’où il vienne, est la propriété de celui sur le terrain duquel il s’est fixé.

Il est dans les attributions de l’autorité municipale de permettre ou de défendre l’établissement de ruches dans les lieux habités, et notamment dans les villes. L’infraction à ses arrêtés est punie d’une amende de 1 fr. à 5 fr. Dans tous les cas, les propriétaires des ruches sont responsables des accidents et du dommage causés par les abeilles, et un maire a le droit de faire enlever les ruches qui seraient nuisibles aux habitants.

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